Fétish Weekend

#Sorsdetazone | Underworld Kabaret au Café Cléopâtre : Le drag au féminin

S’il est un domaine méconnu dans les terres sans cesse grandissantes du féminisme, c’est bien celui des drag queens. Le spectacle Underworld Kabaret, présenté vendredi soir au Café Cléopâtre dans le cadre du Fetish Weekend, proposait de détruire certains préjugés en présentant plusieurs numéro de bio queens. Mais qu’est-ce que c’est, exactement, être une drag queen alors qu’on est de sexe féminin? Nous avons eu le plaisir d’en savoir plus sur cet univers, avec Karleen Chaotix, une bio queen de Montréal. Petit topo de la soirée, et éclaircissements sur ce phénomène un peu incompris!

Karleen Chaotix: «Le drag, c’est un art»

«Être une bio queen, c’est un peu mal vu… Les gens me disent “tu fais du drag, mais tu es une fille?!”» Une définition s’impose, premièrement: une bio queen (faux queen, diva queen ou female queen), c’est une femme qui s’habille en drag, pour faire des performances inspirées du style typiquement réservé aux drag queens masculins. Sandrine Brisebois veut briser certains préjugés. Celle-ci a organisé et animé la soirée, en plus de présenter une performance avec son personnage Karleen Chaotix. «On n’est pas là pour voler la place de personne. Le drag, c’est un art, et n’importe qui y a droit! Au même titre que quelqu’un qui dessine, par exemple, peut faire ce qu’il veut avec son art.»

La bio queen fait maintenant briller une flamme qui était auparavant cachée. Elle en parle, volubile: «Je ne savais pas que c’était possible de faire ça, que je pouvais être une drag queen, même si je suis une femme… Je fais exactement la même chose que les hommes; les femmes trans font aussi du drag, et elles sont acceptées.» Effectivement, la ligne entre les genres devient parfois bien mince… La femme exubérante raconte que de faire son premier photoshoot en drag a été un peu comme un coming out. Elle mentionne que ce n’était pas quelque chose de lourd à porter, mais que de s’empêcher de faire quelque chose par rapport à son sexe est très limitant. «Aussi, quand j’ai commencé à faire ça, j’ai été étonnée de tout le support que j’ai eu!» Et est-ce qu’on se sent un peu comme si on était «prisonnière» de son corps de femme, lorsqu’on sent l’art du drag grandir en soi? «Avant, je disais souvent à la blague, que si j’avais été un homme, j’aurais été une drag queen… Mais j’ai découvert que je peux réellement le faire, même si je suis de sexe féminin! Le drag, ce n’est pas juste pour les hommes», explique l’artiste.

Karleen Chaotix a donc offert une performance magistrale, sous toutes ses épaisses couches de maquillage et de glitter. Ses faux cils exagérés voletent comme des gros papillons de nuit s’accrochant à ses yeux… Et aux lumières métropolitaines. Elle arrive sur scène en robe de mariée, au son de Black Wedding, du groupe américain In This Moment. Pourquoi avoir choisi d’incarner la chanteuse de ce groupe en particulier? « Maria Brinks n’a pas peur de ce que les gens disent d’elle… Ma première toune a d’ailleurs été Sex Metal Barbie, du même groupe. Elle a créé cette chanson à partir de commentaires haineux tirés des réseaux sociaux. C’est infernal, ce que les gens ignorants peuvent dire! Bref, Maria Brinks est très inspirante pour moi», répond du tac au tac la personnificatrice.

Exhibition, exécution et éducation

Ensuite, on a eu droit à plusieurs courts numéros. Par exemple, la troupe de théâtre Wicked Mmm veut explorer les concepts de non-binarité, mais la pièce qui s’étirait en longueur aurait mérité d’un peu plus de pratique. Le numéro d’un maître shibari a été très bien exécuté; maniant les cordes de sa soumise en faisant des gestes dignes d’un peintre furieux, il a captivé la salle complète.

Photo par Michel Laloux.

Le numéro d’une contorsionniste a aussi particulièrement ressorti du lot; avec une chanson de Klô Pelgag, on est à des lieues des chansons parfois un peu quétaines qu’il peut y avoir dans les shows de drag! Et l’étrangeté était aussi de mise, lors d’un numéro de marionnettes plutôt singulier…

Finalement, l’entracte de la soirée était étrangement placée; on revient à l’intérieur pour conclure avec deux courtes performances, dont celle de Wendy Warhol. Celle-ci s’est révélée à la fois mécanique et professionnelle sur sa chanson criarde. Une machine de scène, aussi précise qu’une horloge. Mais certaines performances au cours de la soirée étaient un peu questionnables. Le fait de vouloir s’exhiber à ce point rend-il légitimes les quelques performances un peu broche à foin? Qu’est-ce que ces gens veulent dire exactement, ou plutôt, y a-t-il réellement un message?

* Photo par Michel Laloux.

Quoi qu’il en soit, on n’était pas là pour tergiverser sur le sort de l’humanité, et un peu de légèreté et de burlesque a ravi le public qui était là pour ça, somme toute. Très encourageant et compact, il s’est transformé en une meute de loups aboyant aux corps tendus, comme à la lune…

D’ailleurs, parlons-en, de ce public. Car dans ce genre d’événement, le spectacle ne se déroule pas seulement sur scène. Les gens se meuvent avec une aisance déconcertante dans le PVC et le vinyle très moulants, et on dénote aussi d’occasionnels romantiques recouverts de dentelle, des lolitas gothiques, ou des dandys inspirés de l’époque victorienne… Ici, des gens (de tous les âges, qui plus est) «habillés» de cuir et de masque de têtes de chien; là, des amateurs de bondage (BDSM), avec des colliers et des harnais, qui traînent leur partenaire en laisse. Vraiment, une faune urbaine éclectique, sensuelle et très ouverte d’esprit.

Bref, un spectacle trop court, mais qui a réussi à bien pousser les premières grosses pierres de certains préjugés tenaces.

* Photo par Michel Laloux

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