On

Rencontre avec le danseur et chorégraphe José Navas : Force, talent et sensibilité

À l’occasion de son spectacle « ON », présenté du 11 au 14 octobre 2017 à l’Agora de la danse, Sors-tu.ca a eu l’occasion de rencontrer le talentueux danseur et chorégraphe José Navas. Il parle avec nous de sa « folie de création » au cœur de cette nouvelle collaboration, de son amour pour son métier et de ses engagements personnels.

Ce qui frappe directement quand on discute avec José Navas, c’est sa douceur, sa modestie et sa gentillesse. Cet artiste vénézuelien maintenant installé à Montréal, qui excelle tout autant comme danseur que comme chorégraphe, partage d’abord avec nous sa conception du spectacle ON. Très honoré d’avoir été invité à inaugurer le nouvel espace de l’Agora de la danse (à l’édifice Wilder), José Navas nous fait part de sa joie pour ce nouveau projet. « Cette proposition me donne la liberté d’avoir une réelle ouverture de création et de donner carte blanche à mes collaborateurs en présentant des pièces qui sont très chères pour moi et qui font partie de notre histoire et de celle de l’Agora ». Il nous explique en effet que ON revisitera ses spectacles Anatomies et Miniature, qu’il avait respectivement présentés en 2006 et 2008 à l’Agora.

Le ON collectif

Au sujet du titre, assez mystérieux, l’artiste mentionne que pour lui, « « On », en anglais, ça réveille, c’est « électricité », c’est « continuer » : « on » l’opposé de « off » ». Mais il apprécie aussi beaucoup sa signification en français : « c’est l’idée de rassembler, c’est « nous », c’est l’équipe ».  Ces deux interprétations sont intimement liées aux intentions qu’il place dans son spectacle puisqu’il souhaite avant tout rendre hommage à deux de ses collaborateurs : Marc Parent, son concepteur d’éclairage, et Alexander MacSween, son compositeur, avec lesquels il travaille depuis plus de 20 ans. Il souhaite également rendre hommage à ses danseurs et à l’amitié qu’ils partagent et qui lui offrent un cadre idéal pour exercer sa passion : « c’est beau, être capable de dire que je veux créer juste avec la vérité de la beauté d’être ici, d’aimer les gens avec lesquels je travaille, d’aimer mon public et avec une nécessité de communiquer une humanité ».

Et pour communiquer cette « humanité », José Navas souhaite donner aux spectateurs des clés, des indices afin de les « rapprocher de la danse formelle ». Pour ce faire, il compte sur ses danseurs, qui ont prêté leurs voix au compositeur Alexander MacSween afin qu’il puisse créer tout un environnement sonore à partir de petits sons, rendant la pièce moins abstraite, plus humaine. Pour le chorégraphe, ce type de création sonore modifie profondément le langage du spectacle.

Danser sur la vibration d’une voix, ça affecte comment on bouge, ça donne continuité, fluidité… ça donne une autre logique.

À l’occasion de cette nouvelle création, José Navas souhaite partager avec son public ce dont il parle comme un « bijou » : un solo de bharatanatyam (une danse traditionnelle indienne) chorégraphié pour la danseuse Nova Bhattacharya. Fasciné par cette danse dont la technicité est impressionnante, Navas a travaillé chacun des codes du bharatanatyam afin de se l’approprier. Il s’agit alors pour lui d’une « toute autre façon de danser que la nôtre », où aucun détail n’est laissé au hasard. « C’est d’une beauté incroyable parce que ce sont les yeux qui dansent, c’est la main, c’est la tête, c’est le petit geste, le petit sourire ».

C’est cette expressivité toute particulière que le chorégraphe tente de représenter, soucieux de l’histoire nouée par les mouvements qu’il entrelace avec soin.

Photo par Valérie Simmons.

Photo par Valérie Simmons.

Le monstre intérieur

Un autre élément inédit fait son apparition dans cette nouvelle production : un personnage recouvert d’une sombre fourrure et de filaments de lumières colorées vient ainsi représenter notre « monstre intérieur ». Présente en chacun de nous mais refoulée au quotidien, cette figure se fait la source d’inspiration des artistes, selon José Navas. Rendre visible cette image, qui représente le cœur de sa réflexion pour le spectacle ON, lui permet alors de faire passer un message bien spécifique : « je souhaite dire aux gens qu’il faut qu’on s’ouvre et qu’on parle, qu’on sorte toutes les choses, tout le bien et tout le mal, et qu’on en parle ».

Dans un contexte de « changement moral et politique qui rappelle les années 1960 », il considère comme son devoir, en tant qu’artiste, d’agir et d’être « au service de l’autre ». Ce qui nous amène à discuter d’une cause qui lui tient particulièrement à cœur : la montée d’une « homophobie très pointue mais parfois déguisée » qui cause des ravages, en particulier auprès de la jeunesse.

Témoin de la détresse de nombreux jeunes autour de lui, il souhaite soutenir les personnes homosexuelles, bisexuelles ou transsexuelles qui vivent ou ont vécu, comme lui, des moments difficiles.

C’est la responsabilité des personnes comme moi de dire aux gens qu’on a le droit d’être ici et que c’est possible de continuer à être ici en paix, tout en étant actifs, présents, politiques.

Il se fait alors l’ambassadeur de cette communauté en souffrance et exprime sa volonté d’en parler « ouvertement et librement » plutôt que d’en faire un tabou, afin de trouver des solutions ensemble. Il n’hésite pas à se confier à nous : « c’est une partie de ma vie, la dépression, mon adolescence suicidaire, qui se poursuit dans ma vie d’adulte… Mais grâce à une activité, grâce à la danse, et surtout grâce au fait d’être au service des autres, je trouve des réponses, et des forces aussi ».

Si ses spectacles n’y font pas toujours référence directement, c’est un bagage qu’il porte avec lui, espérant inspirer d’autres personnes à « trouver une façon positive de continuer ».

Un message de taille accompagne donc ce spectacle d’une exceptionnelle beauté, à ne pas manquer !


* Cet article a été produit en collaboration avec l’Agora de la danse.

 

Vos commentaires