Tangente (Laboratoire de mouvements contemporains)

Programmation d’hiver de TANGENTE | La danse contemporaine qui repousse les limites

C’est un petit jeu qui commence à prendre des airs de tradition : à chaque saison, les rédacs chef de Sors-tu.ca, Bible urbaine et Les Méconnus s’installent autour d’un livret de programmation de Tangente — acteur majeur de la danse contemporaine installé depuis un an dans l’édifice Wilder du Quartier des spectacles — et feuillettent, se questionnent, s’imaginent ce qui se passera sur scène lors de telle oeuvre… Au bout du fil, l’adjoint aux communications de Tangente, Sylvain Verstricht, nous partage des indices, des clés de compréhension en vue d’une programmation assez éclectique, éclatée et audacieuse. Du lot, trois des soirées proposées piquent particulièrement notre curiosité.

Forces Connexes (du 1er au 4 février)

Le programme double qui lancera le mois de février mise sur deux pièces physiques, intenses, d’inspiration scientifique.

Dans [Decoherence], le Torontois Jessie Garon explore l’interactivité atomique, « l’enchevêtrement quantique sur scène ». La même pièce a été interprétée par le passé avec un duo femme/femme, puis un duo homme/femme. Cette fois-ci, ce sera un duo constitué de deux hommes. « Ce n’est pas élégant, nous explique Sylvain Verstricht. Ils portent des grosses bottes de travail, c’est lourd, physique. » L’artiste Lyon Smith échantillonne et mixe en direct les sons créés par les danseurs, qui respectent une esthétique appesantie. On devine une oeuvre chargée, tendue.

La deuxième pièce est la plus accessible des deux : By the Skin of your Teeth, du collectif [Le]Cap & Parts et Labour_Danse. On s’intéresse ici « aux trous noirs, aux situations extrêmes, à une personne qui escalade l’Everest, au moment qui fait la différence entre la vie et la mort d’une proie qui est poursuivie…».

À nouveau sauvage  (du 29 mars au 1er avril)

Le doublé À nouveau sauvage est pour sa part constitué de deux pièces aux influences environnementales, mais en quelque sorte à l’opposé l’une de l’autre : d’un côté l’utopie (Vivarium, de Lucy M. May), et de l’autre la dystopie (Boxher, de Kimberly De Jong). On compte ici, dans les deux cas, sur des interprètes de haut calibre qui ont fait leur classe auprès des grands de la danse et qui commencent à faire leurs propres chorégraphies.

« Vivarium a été fait quelques fois dans des ruelles, à Hochelaga par exemple. Mais c’est la première fois qu’il se fait à l’intérieur, nous explique Sylvain Verstricht. Il se crée un monde qui va évoluer d’un soir à l’autre, ça va s’accumuler. » La scénographie se construit à partir des éléments trouvés autour du site où ils se trouvent. Dans le cas des ruelles d’Hochelaga, on peut l’imaginer. Mais que dénicheront-ils autour du Wilder, ou même à l’intérieur de l’édifice?

D’ailleurs, sans trop en révéler, on nous explique que les deux chorégraphes sont en communication. « On sait pas comment ça va se dérouler, mais c’est possible que les deux spectacles se croisent…», laisse entendre Sylvain Verstricht.

Boxher, pour sa part, est un un solo très animal, inspiré par une espèce d’ours qui aurait commencé à perdre son pelage dans un zoo allemand en raison des changements climatiques, et qui doit se battre pour survivre. On explore donc ici cette idée de s’adapter au changement, dans un univers un peu post-apocalyptique.

Pour ajouter à l’atmosphère suffocante du spectacle, la musique (un drone incessant) est créée à partir du son amplifié de la respiration et des battements de cœur de l’interprète. L’artiste Kimberly De Jong ramasse les déchets et les cumule, si bien qu’on se retrouve avec une montagne de déchets dans la salle en guise de décor.

Lorsque le sentiment de danger se fait trop insistant, l’humain reprend peu à peu sa nature animale…

Personnage : Fragments  (du 12 au 15 avril)

Pour Personnage : Fragments, on retrouve deux solos inspirés par la littérature.

On reconnaît d’emblée l’esthétique de Rainblow de Geneviève Jean-Bindley, qui évoque Dorothée du Magicien d’Oz. On a reprogrammé ici une version de 30 minutes de sa pièce originale de 10 minutes. Bien qu’on épouse l’esthétique très pop du Magicien d’Oz, le sujet est toutefois un peu lourd : il y est question de dépression, voire de suicide. « Le Magicien d’Oz était une allégorie de la dépression des années 1930 aux États-Unis, nous rappelle Sylvain Verstricht. Mais il y est question de dépression mentale ici.»

On nous présente donc une Dorothée, ainsi qu’une bonne et une mauvaise sorcière. « Le sujet est lourd, mais l’esthétique ne l’est pas. Je n’aurais pas peur d’amener des enfants voir ça, grâce à l’esthétique », nous confie Sylvain Verstricht.

Comme on peut le voir sur la bande annonce ci-bas, Rainblow exploite une gesticulation qui s’apparente à « un langage des signes inventé, mais qu’on peut comprendre, deviner ».

Pour sa part, l’oeuvre d’Andrew Turner, intitulée 18 P.R.A.C.T.I.C.E.S. (Working Title), est un « work-in-progress, qui va devenir une pièce de longue durée un jour ». Pour l’instant, on nous en présente une version de 30 minutes. La pièce est inspirée d’Ulysse, à la fois celui de Homer et celui de James Joyce.

Andrew Turner, dont le charme, le charisme et le sens de l’humour est éprouvé, explore notre propension à nous présenter comme si notre personnalité était consistante, sans bavure, alors qu’en réalité, elle est parsemée de craques. « Ce qui fait que c’est très accessible, je trouve; il communique directement avec les spectateurs avec un sens de l’humour et une approche très physique », estime Sylvain Verstricht. 

La programmation hivernale de Tangente comprend aussi des soirées thématiques intitulées « Réalité & Fiction », « Poussière et fumée» et « Empathie Kinesthésique » (consultez l’article de Bible urbaine à ce sujet), ainsi que « Technologies contemplatives », « Nécessités intérieures », sans compter l’habituel spectacle des étudiants de 1ère et 2ème année de l’École de danse contemporaine de Montréal (consultez l’article des Méconnus à ce sujet).

Consultez également la programmation complète de Tangente


* Cet article a été produit en collaboration avec Tangente.

Vos commentaires