POP Montréal 2020 aura été le répit illusoire qu’il nous fallait (avant la vague rouge…)

Ça nous pendait au-dessus de la tête comme une épée de Damoclès… On savait bien que tôt ou tard, la situation légèrement améliorée du milieu du spectacle allait piquer du nez à nouveau, à mesure que le spectre de voir de Montréal et Québec (et probablement d’autres régions) culbuter en zone rouge paraissait de plus en plus inévitable (et il semblerait que ce soit désormais une fatalité). Au moins, POP Montréal aura su profiter de la très étroite fenêtre entre la permission de tenir des festivals à nouveau et le retour à un reconfinement pour tenir une édition hybride franchement irréprochable, qui nous aura permis de faire le plein d’émotions fortes et de découvertes musicales avant la deuxième vague de courage solitaire (et solidaire).

Il n’est pas farfelu de penser qu’à la fin de 2020, POP Montréal aura peut-être été le seul festival totalement hybride à pouvoir tenter sa chance au Québec.

Sans volet virtuel, le FME était un banc d’essai pour le retour des festivals en présentiel « en mode COVID ». Notre collègue Estelle Grignon en est revenue ravie.

Au contraire, les Francos de Montréal empruntaient davantage la formule virtuelle du FIJM, les trois spectacles acoustiques de Marie-Mai faisant figures d’exception. Notre collègue Vicky Girard en est revenue ravie.

Sinon, pas mal de festivals ont tenu des éditions 100% virtuelles, alors que Juste pour Rire (fin septembre et début octobre) et Coup de coeur francophone (début novembre) se croisent toujours les doigts en espérant que leurs spectacles en salles soient permis rendus là.

Mais à ce jour, le seul festival au Québec qui a eu l’occasion d’exploiter une programmation consistente à la fois en salles et en mode virtuel, c’était POP Montréal.

L’événement automnal du Mile-End a joué ingénieusement ses cartes, usant de prudence tout en proposant une programmation éclatée et fort satisfaisante, presque entièrement axée sur la scène locale (avec quelques invités de pas-très-loin au Canada).

Malgré toutes les précautions sanitaires — qui assuraient un sentiment de sécurité tout en entretenant une certaine impression de retenue dans le plaisir, forcément — ces cinq derniers jours nous auront permis de vivre des moments dignes d’un vrai festival d’été.

Comme de se rendre dans la ruelle derrière l’URSA, pour entendre Antoine Corriveau nous interpréter en solo des chansons de son nouvel album PISSENLIT, à venir le 9 octobre prochain. Ce sera assurément l’un des albums marquants de la scène locale cet automne, possiblement son meilleur à date.

Il en a joué au moins la moitié lors de sa courte demi-heure, dont le très bon single Maladresses, ainsi que Quelqu’un et la sympathique En Corolla au Canada, un genre de lettre d’amour à la route parcourue à bord de sa… Toyota Corolla, garée juste derrière dans la ruelle.

 

Avouez que ça sent la gloire, cette bagnole.

POP Montréal nous aura aussi permis d’enfin voir Backxwash en spectacle, après avoir fait jouer en boucle son album God Has Nothing to Do With This Leave Him Out of It (qui, rappelons-le, est en lice pour le prix Polaris!) au cours des derniers mois.

Contraste assez frappant, l’énigmatique rappeuse trans montréalaise, qui aborde la magie noire et le satanisme dans ses chansons coup-de-poing fortement imbibées de diverses formes de métal et de musique industrielle, jouait au coucher de soleil sur le magnifique toit du Rialto, qui donne une vie imprenable sur Montréal.

Un décor naturel des plus romantiques…

… pour une prestation féroce, enragée, engagée.

Pour ce qui est d’entretenir le mystère autour du personnage cornu, on repassera. On était loin de la petite salle lugubre emboucanée.

Mais on a plutôt découvert la personne fort sympathique (et totalement investie dans sa musique) derrière le pseudonyme Backxwas, qui en met plein la vue devant sa croix fabriquée en caisses de lattes de bois, au milieu de son cercle de lumière où sont disposés bibles, crucifix et autres artefacts religieux.

 

POP Montréal aura aussi été l’occasion de voir Plants and Animals dans un contexte, disons, plus qu’intime, avec environ trente autres personnes au Ministère. « C’est weird. Mais agréable. Mais weird », titubait Warren C. Spicer, entre deux des chansons du nouvel album The Jungle, à venir le 23 octobre.

Adèle Trottier-Rivard était sur place avec eux pour interpréter le très bon nouveau single Le Queens, chanson résolument plus pop (pratiquement vaporwave) que ce qu’on connaît d’eux. Mais il n’y avait pas que du nouveau son pop : Warren, Nic Basque et Matthew Woodley n’ont rien perdu de leur mordant rock, comme en témoignait leur très intense version de Feedback in the Field, classique des belles années de Parc Avenue.

Et puis au Rialto, on a enfin vu et entendu Flore Laurentienne en chair et os. Et en cercle. Mathieu David Gagnon, compositeur génial derrière ce projet ayant donné lieu à un magnifique album, semblait aussi ravi que nous de pouvoir partager en spectacle cette riche exploration musicale mi-classique mi-synthétique, accompagné de son acolyte Sylvain Deschamps aux claviers, et d’un quatuor à cordes. On en aurait pris bien plus qu’une toute petite demi-heure, mais c’est ainsi ces temps-ci. On va le prendre!

Au même lieu le lendemain, Lido Pimienta a épaté la galerie avec un set de 45 bonnes grosses minutes. Pas facile d’embarquer la foule avec une musique souvent rythmée quand ladite foule est tenue de rester assise et masquée. La chanteuse canado-colombienne n’en a pas fait de cas, et a été chaudement applaudie pour tout le coeur et l’amour qu’elle transmettait par le biais de ses compositions synth-pop à mi-chemin entre une Björk latino-américaine et l’approche cumbia psychédélique de Bomba Estéreo.

 

Et le virtuel dans tout ça?

Après avoir testé un concept sympathique nommé Le Funhouse lors d’une édition 100% virtuelle en juin, POP Montréal ramenait cette plateforme de visionnement en ligne qui illustre l’intérieur d’un lieu où l’on peut « circuler » d’un espace virtuel à un autre pour visionner divers shows. Le look de la plateforme rappelait un peu les festivals virtuels qui ont cours dans divers univers de jeux vidéo comme Minecraft.

 

Quelques-uns des spectacles en présentiel y étaient diffusés en direct, avec l’option de se rattraper quelques heures plus tard. Ce fut le cas du susmentionné concert d’Antoine Corriveau, mais aussi de la tonitruante prestation de VICTIME et du set sympathique (mais un peu statique) de Jonathan Personne.

On pouvait aussi y voir des prestations entièrement vouées au volet virtuel, comme la très chouette chanteuse néo-soul Amaka Queenette (qu’on a découverte en furetant avec curiosité sur la plateforme), le duo Strange Froots dans leur salon, ou la très cool demi-heure de sérénade guitare-voix d’Yves Jarvis, à bord d’une chaloupe!

 

L’instant de quelques jours, on aurait presque cru que tout était revenu à la normale, même si POP Montréal redoublait d’effort pour assurer une distanciation entre les spectateurs, et faire respecter les consignes de sécurité sanitaire.

On verra bien si d’autres événements pourront se débrouiller dans le contexte peu encourageant qui nous tombe sur la tête.

En attendant, POP Montréal avait la chance de tirer son épingle du jeu, et n’a pas raté son coup, loin de là.

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