Lionel Bringuier

OSM : Lionel Bringuier et Jan Lisiecki éclatants

Mardi soir, la Maison Symphonique et l’OSM ont accueilli les débuts du chef d’orchestre français, Lionel Bringuier. Dans un programme coloré qui alliait Moussorgski, Dutilleux et Stravinsky, le chef niçois, à la tête du Tonhalle-Orchestra de Zurich depuis sept ans, fut le complice musical du jeune pianiste canadien Jan Lisiecki dans un 2ème concerto pour piano de Chopin très poétique.

Mais c’est dans un premier temps avec un hommage à Mme Jacqueline Desmarais, la célèbre mécène qui a longuement soutenu plusieurs musiciens et orchestres canadiens, disparue samedi dernier, que le concert s’est ouvert. Jean-Willy Kunz, organiste en résidence, a interprété la pièce Prière à Notre-Dame de Léon Boëllmann sur l’orgue Pierre Béique, dont la totalité des coûts fut assumée par Mme Desmarais.

L’OSM a ensuite enchaîné avec le célèbre poème symphonique Une nuit sur le mont Chauve de Modeste Moussorgski. C’est avec une gestuelle et pulsation très précise que Lionel Bringuier a entamé ses débuts avec l’OSM, tenant l’orchestre avec beaucoup d’assurance. Les musiciens ont semblé plus à l’écoute les uns des autres, et l’oeuvre pensée avant tout dans une construction globale plutôt que morcelée s’assura d’être une entrée en matière poétique et éclatante.

Le pianiste canadien Jan Lisiecki, âgé de 22 ans et déjà porteur d’une brillante carrière, a une fois de plus illuminé son public avec son interprétation du 2ème concerto pour piano de Chopin. Le jeune homme ne fait pas partie de ceux qui veulent avant-tout faire démonstration de leur talent technique et chaque note de son jeu est pensée pour servir la partition. Avec Chopin, Jan Lisiecki est dans son élément. Il prend des risques dans son choix de nuances, descendant dans le très doux mais n’hésitant pas non plus à devenir fougueux et passionné lorsque la musique le demande. Jan Lisiecki possède une multiplicité de timbres, une palette sonore très étendue. On se souviendra longtemps de son 2ème mouvement, intime et lyrique, qui nous fit voyager dans la Pologne de Chopin (les parents du jeune homme en sont aussi originaires). À ses côtés, Lionel Bringuier, très attentif et regardant régulièrement les mains du pianiste, lui offrit une grande souplesse dans son accompagnement orchestral ce qui permit au soliste de pouvoir fluctuer ses tempi en fonction de sa pensée musicale. Ce concerto de Chopin est toujours difficile à négocier tant l’orchestre joue en suspension la plupart du temps, en ne prenant la parole qu’à de rares occasions et doit être sans arrêt au service de la partie pianistique, ce qui fut absolument le cas hier soir.

En deuxième partie, c’est une pièce d’Henri Dutilleux, Les Métaboles, peu connue du public montréalais que nous avons pu entendre. Commande de l’orchestre de Cleveland pour célébrer ses 50 ans, cette série de cinq tableaux enchaînés joue sur la figure de rhétorique du même nom. La métamorphose de la partition se fait alors par le rythme, par la superposition des voix, par des effets de miroir ou de renversement. Encore une fois, le chef français nous propose une direction extrêmement précise et engagée, faisant ressortir les timbres d’orchestre propres à l’écriture du compositeur français.

La suite (version de 1919) de l’Oiseau de feu d’Igor Stravinsky a ensuite clotûré le concert dans une interprétation très contrastée. Lionel Bringuier joue avec les timbres naturels des instruments et n’hésite pas à tirer une grande énergie des musiciens qui le lui rendent bien. La construction de la pièce, réfléchie et assimilée en amont, lui permet de se libérer face à des musiciens qui paraissent à leur tour plein d’assurance. On espère voir le retour de ce jeune chef dont la pensée musicale est toujours mûrie et où rien n’est laissé au hasard très vite à Montréal.

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