Francos de Montréal 2025 – Jour 2 | Fredz enchante les petits comme les grands

Au début du mois de mai, lors du match d’ouverture des Roses de Montréal  (l’équipe professionnelle féminine de soccer), j’ai découvert Fredz au spectacle de la mi-temps. En entendant mes deux acolytes de 15 ans s’exclamer « Ah, je connais ça! », alors que Fredz nous offrait son titre Le Stade, ma curiosité a été piquée. Je me suis demandé comment ce jeune artiste d’ici avait pu se rendre à leurs oreilles, elles qui carburent à la pop américaine et coréenne. La réponse est simple : Fredz cartonne sur les réseaux sociaux.

Curieuse, j’ai donc demandé à couvrir son spectacle des Francos du samedi 14 juin. Je m’attendais à passer une soirée avec une jeune foule, peut-être dans la vingtaine. J’ai été tout de même étonnée de constater une foule beaucoup plus jeune qu’anticipée, il y avait des centaines d’enfants du primaire et du secondaire au MTELUS. Ne me sentant plus légitime comme chroniqueuse – j’ai plus de quatre fois l’âge de certains spectateurs – j’ai donc sollicité la collaboration d’Axelle, une jeune amie qui entre bientôt au secondaire, pour apporter un regard authentique à cette revue, demande qu’elle a gentiment accepté.

Si vous lisez ces lignes et me plaignez d’avoir passé une soirée musicale avec une foule qui s’approchait de celle qu’on retrouve dans les cours d’école… détrompez-vous! Les jeunes ont apporté avec eux une excitation contagieuse, qui a contribué à donner à cette soirée une ambiance du tonnerre.

* Photo par Benoit Rousseau.

Fredz – Rencontrer une célébrité

Lors de l’entracte après la première partie de Carbonne (voir plus bas), j’ai demandé à ma co-rédactrice pourquoi elle avait tant hâte de voir la performance de Fredz. Elle m’a spontanément répondu :

J’ai hâte de rencontrer une célébrité de ma génération. Il nous raconte ses histoires, et le voir en vrai, c’est excitant.

Cette remarque illustre bien la stratégie de certains artistes de la nouvelle génération : s’affranchir des contraintes imposées par les maisons de disques en utilisant les réseaux sociaux pour se faire connaître. Les centaines de jeunes présents au spectacle ont découvert Fredz à travers leurs écrans, écoutant en boucle ses titres et n’hésitant pas à chanter et sauter au rythme de la musique.

Fredz, Frédéric Carrier, est un rappeur et auteur-compositeur-interprète originaire de Longueuil. Il est bien d’ici, même si on le croit souvent Français vu l’accent qu’il prend quand il chante. Il est d’ailleurs très populaire, peut-être même plus, de l’autre côté de l’Atlantique. Sa musique, un mélange de rap et de pop, se caractérise par des structures mélodiques simples et des textes universels. Il y dépeint la vie d’un jeune homme ordinaire, abordant principalement le thème de l’amour et de ses ex. On n’est pas dans le rap d’un gangster en devenir, mais plutôt dans celui du gendre qui s’entend bien avec sa belle-mère et le petit frère de son ex. Sa musique est joyeuse et estivale, rappelant des artistes comme BoyWithUke et Bigflo & Oli.

* Photo par Benoit Rousseau.

Fredz est entré sur scène comme une rock star, descendant un escalier en contre-jour, accueilli chaleureusement par des mains formant des petits cœurs. Les projections visuelles derrière l’écran étaient magnifiques, évoquant l’univers, les étoiles et autres paysages célestes imaginaires. Au plus grand plaisir des petits qui adorent les animés japonais, on a également vu (si je ne me trompe pas) des projections d’images du film Le Voyage de Chihiro du japonais Hayao Miyazaki.

Avec les jeunes, chaque titre donnait l’impression d’être le hit de l’année. C’est vrai que pour eux ce sont tous des hits: ils ont dû écouter chaque chanson mise en ligne des milliers de fois, et ça se sent. Ils connaissent les paroles de toutes les chansons et n’hésitent pas à les chanter en cœur. Mais si vous voulez être dans le coup, sachez que ces plus grands succès sont Rappeler son…, Ce soir – j’suis dans ma tête et de loin sa plus populaire Le stade.

Ce qui m’a le plus plu de cette soirée, ce n’est pas le charisme évident de Fredz, son aisance sur scène, ces rythmes ensoleillés, ses mélodies agréables à l’oreille ou ces textes universels où tous reconnaissent leurs histoires d’amour de jeunesse, mais bien de voir ces centaines d’enfants contaminés de leur enthousiasme les adultes de la salle. Une belle démonstration de ce que les concerts permettent: de forts moments de communions intergénérationnels.

Fredz n’a cependant pas laissé en reste la plus vieille génération et a su la séduire en reprenant habilement Paradis City de Jean Leloup et Parce qu’on vient de loin de Corneille. Un père qui était un peu enivré à côté de moi criait joyeusement sans cesse à son fils et son ami : « C’est Jean Leloup, c’est Jean Leloup », comme pour lui dire « Moi aussi j’ai eu des héros ».

Carbonne chante l’été

On le sait, être en première partie n’est jamais facile. Devant un jeune public qui, si l’on en juge par la rapidité avec laquelle la table de merch se vidait, était impatient de découvrir Fredz, je m’attendais à un grand moment d’impatience de leur part. J’ai eu tort.

Dès son entrée sur scène en début de soirée, Carbonne a frappé fort. Enveloppé d’un éclairage digne d’un concert en aréna, il nous a servi son style musical hybride mêlant rap, pop urbaine et influences méditerranéennes.

Les quatre musiciens qui l’entourent ajoutent une texture et une profondeur qu’on ne retrouve pas sur l’album. La guitare sèche aux airs manouches m’a particulièrement séduite.

Au final, tous se sont laissés charmer par l’ambiance festive et dansante que ce rappeur originaire de Montpellier nous a offerte. Plusieurs parmi les jeunes spectateurs connaissaient et chantaient certains de ses titres, dont le plus connu, Imagine, qui cumule près de 150 millions d’écoutes sur Spotify.

Ma corédactrice a parfaitement résumé les 45 minutes de prestation :

C’est un chanteur semblable à Fredz. Il est énergique, il nous fait penser à l’été et parle avec le public. Des fois, les chanteurs ne nous parlent pas. Lui, il nous parle et nous dit de bouger !

Effectivement, sur le bord de la piscine ou à la plage, Carbonne s’écouterait sans modération. Pour découvrir avec vos jeunes ou moins jeunes, Carbonne sera de retour cet automne au Studio TD.

* Photo par Frédérique Ménard-Aubin.

Sensei H – Le meilleur d’elle-même en fin de soirée

Alors que Fredz enchaînait pour une deuxième fois dans la soirée Le Stade, pour le plus grand plaisir des jeunes admirateurs qui aiment écouter des chansons en boucle, je me suis dépêchée de me rendre à la Scène Desjardins afin d’assister à la courte prestation de Sensei H, cette rappeuse de Québec qui a sorti l’automne dernier l’excellent album La mort du troisième couplet.

Depuis ses débuts, Sensei H impressionne par sa capacité à livrer avec aisance les milliers de mots qui composent ses textes. On peut penser cependant qu’une telle densité verbale peut parfois contraindre la performance dans une rigueur excessive, au détriment de la spontanéité. Ça n’a pas été le cas dans les spectacles qui m’a été l’occasion de voir, tout de même, on observe au fil des spectacles une évolution vers plus de fluidité et de liberté sur scène.

Samedi, accompagnée de sa complice contrebassiste Vérone, on a constaté une légèreté et une aisance qu’on n’avait pas encore eu l’occasion d’observer. Plus décontractée que d’habitude et très mobile sur scène, Sensei H a semblé s’envoler en souriant à plusieurs reprises, et elle a même laissé transparaître une influence de raï dans certaines de ses lignes, comme si une part d’elle-même s’était libérée.

Il n’y a pas grand-chose d’autre à dire que Sensei H et sa complice Vérone à la contrebasse ont, comme à l’habitude, offert une prestation de rap old school de grande qualité et que les titres Coup de théâtre et Magnifique ont tout pour plaire. On vous invite à lire la revue du lancement de La mort du troisième couplet (ici), qui avait lieu plus tôt ce printemps au Centre Phi, pour en apprendre davantage.