crédit photo: FIKA(S)
Rebecca Bergcrantz

FIKA(S) 2022 | La réalité complexe des femmes dans l’industrie musicale

Le Festival Immersif de Kultur et d’Art Scandinave et Nordique célèbre sa 4e édition cette année à Montréal, du 17 au 23 octobre. Pour l’occasion, Sors-tu? a assisté mercredi aux panels à propos de la place des femmes dans l’industrie musicale, vue par des panélistes originaires du Québec, des pays nordiques et des pays scandinaves.

La troisième journée du festival était consacrée aux nombreux enjeux auxquels font face les femmes dans l’industrie musicale, ainsi que l’analyse des différences entre cet enjeu au Canada et dans les pays du nord de l’Europe. Des enseignantes de musique, des autrices-compositrices et des agentes de développement se sont unies pour offrir leurs points de vue respectifs sur des sujets féministes.

Un manque de représentation

Le premier panel de la journée évoquait la représentativité des femmes dans la musique et la difficulté de donner une place à divers maillons de l’industrie, tels que les festivals ou la radio. Bien qu’une équité est de plus en plus atteignable, l’ensemble des panélistes admet qu’il reste encore du chemin à faire.

70% des femmes dans l’industrie musicale se sentiraient inférieures à leurs collègues masculins, selon Vanessa Blais-Tremblay, professeure-chercheuse de musicologie et d’études féministes à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « C’est extrêmement important d’avoir des alliés masculins, qui nous aident à nous faire sentir égaux », souligne-t-elle. « Il est donc impossible d’obtenir une équité absolue si les artistes masculins ne sont pas de notre côté », ajoute Dina Liberg, agente de développement suédoise.

Plusieurs d’entre elles gardent tout de même espoir grâce à leurs étudiants et étudiantes en musique. « C’est la première fois que j’ai une classe composée de 50% de garçons et 50% de filles », souligne l’artiste et enseignante norvégienne Marte Eberson. Son propos est appuyé par l’autrice-compositrice suédoise Rebecca Bergcrantz. Elle raconte qu’au début de sa carrière, elle n’avait que des garçons dans ses cours de musique.

(Les gars) sont toujours majoritaires, mais on sent au moins une hausse chez les filles.

Exporter sa musique à l’international

Le deuxième panel de la journée, plus court que le premier, concernait le voyage des talents féminins entre l’Europe du Nord et le Canada. Bien que l’ensemble des artistes sur la scène s’entendait sur la volonté d’exporter leurs créations à l’international, elles n’ont pas toutes le même historique. La DJ montréalaise Killa-Jewel a brisé la glace pour expliquer qu’après un certain moment de sa carrière, elle a envie d’explorer ses horizons. « Ça fait presque 25 ans que je fais ce métier, et j’avais envie de voyager et d’essayer de nouvelles choses », souligne-t-elle.

Selon elle, le monde est si vaste ; c’était une étape évidente pour sa carrière. Elle précise toutefois que Montréal est une formidable ville pour celles qui se lancent dans l’industrie, autant pour la reconnaissance artistique que pour l’accessibilité financière.

Cette réalité est différente pour l’artiste Salóme Katrín, originaire de l’Islande. « Avec seulement 345 000 habitants et habitantes, se faire connaître est beaucoup plus difficile. C’est comme un quartier ; il n’y a plus vraiment de contrats à réaliser après peu de temps », affirme-t-elle. Il est donc nécessaire pour l’autrice-compositrice de faire valoir sa carrière à l’étranger.

Un sujet qui ne fait pas l’unanimité

Le premier panel avait aussi évoqué la question de la discrimination positive dans la société actuelle, sujet créateur de débat entre les panélistes. D’une part, Vanessa Blais-Tremblay explique qu’elle trouve que c’est nécessaire pour apporter un changement, surtout dans un milieu où la majorité des femmes ne se sent pas à la même hauteur que les hommes. « Ce n’est donc pas discriminatoire si le groupe exclu est dominant dans notre société », souligne-t-elle.

« Les femmes travaillent plus fort alors qu’elles ont le moins de reconnaissance. Aussi triste que ça peut être, la plupart d’entre nous sont habituées à tout ça, se désole Rebecca, en entrevue avec Sors-tu?. Je reste toutefois confiante que ça va aller mieux », déclare-t-elle.

De l’autre côté, plusieurs dénoncent l’exagération du phénomène. « Je déteste me faire dire que je suis une femme DJ », souligne Killa-Jewel. En entrevue avec Sors-tu?, cette dernière explique que des hommes lui ont déjà dit qu’elle a obtenu un contrat parce qu’elle est une femme.

Si j’obtiens un contrat, je veux l’avoir pour mon talent et non pour mon genre.

Dina Liberg appuie le point de la productrice de musique. Elle raconte qu’en 2018, un festival en Suède a été forcé de fermer pour discrimination de genre : les artistes devaient obligatoirement être des femmes ou des personnes non binaires. « C’est triste que nous devions nous rendre jusqu’à ce niveau pour atteindre l’équité; ça ne devrait pas se passer ainsi », se désole-t-elle.

D’autres points amenés sont toutefois restés unanimes chez les panélistes : vieillir en étant une femme est bien pire qu’en étant un homme, pour des raisons d’apparence et de jugement. Elles ajoutent aussi que de nombreuses femmes quittent l’industrie dû à un épuisement quant au harcèlement sexuel qu’elles ont vécu depuis des années.

Le FIKA(S), Festival Immersif de Kultur et d’Art Scandinave et Nordique, se poursuit jusqu’au 23 octobre dans différents lieux de la métropole. Parmi les activités à venir, notons un concert de « Reprises nordiques » par Safia Nolin ce soir (jeudi 20 octobre) au Centre Phi, ainsi qu’une causerie littéraire avec Auður Ava Ólafsdóttir à la Librairie Éphémère Gallimard demain, ainsi qu’un concert de Tuvaband au Ministère avec Agath Christ et Cikada, et une « Scène ouverte à la relève islandaise » avec la susmentionnée Salóme Katrín (qui prenait part au panel hier) et Hugar à la Sala Rossa le 23 octobre.

Détails et programmation par ici.

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