Fatoumata Diawara

Fatoumata Diawara au Théâtre Beanfield | Un concert rock aux accents africains

Fatoumata Diawara, artiste malienne désormais établie en France, était de passage au Théâtre Beanfield samedi soir. C’était sa première visite à Montréal depuis 2020, alors qu’elle avait participé au Festival Nuits d’Afrique.

Fatoumata Diawara a souvent exprimé sa quête d’équilibre entre ses racines maliennes et les sonorités contemporaines telles que le jazz, le blues et la pop.

Son désir de transcender les frontières et les cultures se reflète notamment dans son deuxième album, Fenfo (2018), coréalisé avec Matthieu Chedid, alias -M-, et dans son dernier album, London Ko (2023), réalisé en collaboration avec Damon Albarn (Blur, Gorillaz). Elle est à la guitare, lui aux synthétiseurs. C’est d’ailleurs ce dernier projet qui a été au cœur de l’attention hier soir, avec dix des douze titres interprétés issus de London Ko.

Fade départ d’une artiste pourtant réputée comme étant envoutante

Le public montréalais était visiblement impatient de voir et d’entendre cette artiste réputée pour savoir communiquer des émotions profondes sur scène.

Pourtant, pendant le premier morceau, j’ai été envahi par le sentiment que la soirée risquait d’être fade. Peut-être que le set électrisant de DJ Mansa avait placé la barre trop haute en termes d’attentes vis-à-vis la tête d’affiche de la soirée.

Malgré son apparence resplendissante, Fatoumata Diawara, munie de sa guitare électrique, semblait presque figée derrière son micro. Son interprétation de Tolon manquait de spontanéité, presque mécanique. Les chœurs étaient diffusés à partir d’une bande préenregistrée, tandis qu’en arrière-plan, une courte vidéo où son nom apparaissait aux quelques secondes tournait en boucle.

La voix de Diawara peinait à s’élever au-dessus du mixage dominant du band. D’ailleurs, c’était bien cela, un band. Un band rock composé de guitares, d’une batterie, d’une basse et d’un synthétiseur. Aucune choriste, aucun instrument traditionnel comme le tama, la kora ou le djembé.

Sans les colorés habits de Fatoumata Diawara ou les textes en bambara, on aurait eu du mal à croire qu’il s’agissait du spectacle d’une artiste censée être proche des traditions mandingues.

Il n’y avait malheureusement pas grand-chose d’enthousiasmant dans cette ouverture.

La voix engagée de Fatoumata Diawara

Le solo de guitare électrique joué par Fatoumata Diawara à la toute fin de Tolon a éveillé les soupçons. Son deuxième solo dans Somaw, ponctué par un poing levé avec fierté, en a remis. Les interventions revendicatrices entre les titres ont confirmé les soupçons. On n’assistait pas à un concert de world musique aux accents occidentaux, mais bien à un concert rock revendicateur aux accents de l’Afrique de l’Ouest.

À partir de ce moment, j’ai accepté. Je n’avais plus de déception de ne pas entendre sur scène une chorale ou des djembés. Il fallait prendre ce qu’elle avait à nous offrir, de la manière qu’elle comptait nous l’offrir.

Fatoumata Diawara n’a pas hésité à exprimer ses convictions féministes. Tout juste avant le titre Mousso, une célébration de la vie et de la résilience féminine, elle a rappelé que la place de la femme reste précaire dans notre époque moderne.

Avant Sete, où elle aborde le sujet de l’excision féminine, elle a souligné que cette pratique barbare, selon elle associée à l’arrivée de la religion en Afrique, persistait dans le monde entier. Les vidéos projetées en arrière-plan durant la performance étaient profondément bouleversantes.

Le crescendo d’une bête de scène

Il aura fallu attendre le milieu du concert pour la voir se libérer. Après une brève sortie de scène, elle est réapparue, troquant sa guitare pour un sifflet. Avec le sifflet est né Fatoumata Diawara la bête de scène. Ses repères trouvés, la soirée a « vraiment » pu commencer.

Le point culminant de la soirée est survenu avec Yada, titre sur lequel elle a retiré sa coiffe. L’énergie dans la salle atteignait son paroxysme alors que Fatoumata se déplaçait avec grâce sur scène, dansant avec une intensité évoquant les danses traditionnelles africaines.

Enchaînant avec Netara, elle a pris un instant pour rendre hommage aux femmes qui ont pavé la voie dans le monde de la musique. De Miriam Makeba, combattante de l’apartheid, à Angélique Kidjo, fervente défenseure de la musique africaine et cinq fois lauréate des Grammy Awards, en passant par les légendes afro-américaines Billie Holiday et Nina Simone. Fela Kuti, l’un des pionniers de l’afrobeat, n’a pas été oublié.

Une interprétation remarquable de Massa Den a suivi, un titre sur lequel Matthieu Chedid a contribué, rappelé par une vidéo qui le mettait en scène. J’ai été agréablement surprise de constater que la version live était plus rapide et dépourvue de la contribution vocale de -M-, qui, il faut bien le dire, n’apporte rien à la pièce sur l’album.

Le concert a atteint son apogée dans un véritable crescendo d’intensité, symbolisant un cheminement d’émancipation où Fatoumata a retrouvé son essence. Elle a clôturé la soirée sur une note électrique, démontrant à tous et à toutes qu’elle est une véritable force sur scène. Arborant tantôt un masque, se couvrant tantôt la tête d’un drap, on a pu voir en fin de soirée une artiste charismatique et dramatique : elle a commencé sa carrière comme actrice, après tout.

Même si je suis finalement repartie enchantée de cette version formation rock de London Ko, je garde encore en moi le désir de revoir Diawara sur une grande scène extérieure, accompagnée d’une dizaine de musiciens et de choristes. Une expérience qui permettrait d’explorer pleinement la fusion des genres.

Plongée musicale avec DJ Mansa

Dès l’ouverture des portes, la DJ Mansa a réchauffé l’atmosphère. Réchauffer est un euphémisme : dès notre arrivée, la centaine de personnes présentes dansaient déjà au rythme de Robinio Mundibou (République démocratique du Congo), DJ Maphorisa (Afrique du Sud) et les super stars Magic System (Côte d’Ivoire), pour ne citer qu’eux.

Sa présence derrière les platines aurait pu durer jusqu’aux petites heures du matin sans que personne ne s’en plaigne.

Bien qu’inconnue pour nous, quelques recherches ont révélé qu’elle avait participé l’année dernière au Festival Nuits d’Afrique dans le cadre des Escales Tropicale, où des DJ se produisaient juste avant les concerts de clôture.

Si elle revient cette année, ce sera un rendez-vous à ne pas manquer !

Grilles de chanson

  1. Tolon
  2. Somaw
  3. Mogokan
  4. Mousso
  5. Sete
  6. Dambe
  7. Yada
  8. Netara
  9. Nsera
  10. Massa Den
  11. Blues
  12. Anisou (encore)

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