Kid Koala

Entrevue avec Kid Koala: Space Cadet et le concert en écouteurs

Eric San, dit Kid Koala, ne fait rien comme tout le monde. Le grand clerc de la table tournante se prépare à envahir la Biosphère de Montréal ce week-end pour y présenter l’univers de son Space Cadet, qui fait l’objet d’un livre (roman graphique), d’une exposition et d’une trame sonore que Kid Koala interprétera pour un public qui l’écoutera assis parterre… avec des écouteurs.

Sors-tu.ca en a profité pour piquer un brin de jasette avec l’artiste/DJ/dessinateur.

Photo par Paolo Kapunan, lors de la première mondiale au MoCA en décembre 2011

D’où t’est venue cette idée de monter cette expérience multimédia?

Ç’a commencé par le livre, Space Cadet. On remonte en 2004. Ç’a pris beaucoup plus de temps que prévu en raison de la technique de dessin qui est très exigeante. J’étais loin de me douter que certaines pages me prendraient jusqu’à 50 heures de dessin. Ça m’a donné beaucoup de temps pour penser à un spectacle, pour le planifier dans ma tête.

Comme une forme de méditation?

Ouais, c’est une technique dessin qui te mène à un état méditatif, en effet. J’avais l’habitude de dessiner avec de gros contours gras alors que là, je devais travailler couche par couche en « éclaircissant » certaines parties du dessin.

En même temps, il se passait plusieurs trucs dans ma vie quotidienne sur lesquels je réfléchissais. Ça m’a donné envie de travailler sur les thèmes de l’isolement et de la collectivité, que je voulais transposés ensuite dans un spectacle. La musique qui en a découlé était si délicate que je trouvais l’idée des écouteurs plutôt appropriée.

Photo par Paolo Kapunan, captée lors de la première mondiale au MoCA, en décembre 2011

Avais-tu tenté des expériences semblables par le passé?

Pas vraiment. Il y avait le truc Cabaret que j’ai fait, qui était plus narratif, plus théâtral. Le rythme était très différent.

Ma dernière tournée était très physique, très viscérale. On a même eu un « moshpit » à un certain show! (rires)

Disons que cette fois, ce sera un changement de ton assez radical. Ce sera un défi de voir les gens étendus parterre au lieu de danser.

Les tables tournantes restent une partie intégrale de ce que je ferai. Elles ont tellement un large éventail de sonorités, c’est intéressant de pouvoir les explorer.

Je ressens le besoin de me renouveler constamment. Je fais autour de 150 shows de club par année. L’opportunité d’avoir carte
blanche pour monter un projet fou comme celui-là me plaisait.


Tu parles de tables tournantes, mais il y aura également du piano. Pourtant, quand on pense Kid Koala, on pense DJ, on pense vinyles…

Les tables tournantes seront très présentes quand même: il y en aura jusqu’à 7! Mais la base de cette musique a quelque chose de très comptine. Quand j’ai composé certaines de ces pièces, je tenais ma petite fille dans mes bras et je jouais des accords au clavier de l’autre. J’ai dû composer des contrepoints à la table tournante avec tout ce qui me tombait sous la main en vinyles.

Le piano est mon premier instrument, en fait. J’ai commencé à en jouer à 4 ans. Ceci étant dit, je n’ai jamais été un pianiste de concert. Je détestais les récitals, cet univers très strict où tout est concurrence et l’espace d’expression et d’improvisation est réduit à néant. « Voici cette vieille pièce de 200 ans. Joue-la telle quelle ou on t’enlève des points ».  Il y a quelque chose de presque militaire là-dedans.

Ces petites pièces que je présente pour Space Cadet, ce n’est pas du tout de cet ordre-là: ce sont des comptines que j’ai écrites pour ma fille. C’est plus personnel et plus senti.

 

Dans ton communiqué, on invite les gens à explorer « l’univers du roman graphique Space Cadet dans un spectacle qui peut convenir à tous les âges ». À quel genre de public t’adresses-tu? T’attends-tu à ce que des familles débarquent à la Biosphère avec leurs enfants et tout?

(Rires) Je ne sais pas trop. Pourquoi pas?

Quand on l’a fait au Massachussets, en décembre, il y avait plusieurs enfants, des gamins de 10 ans qui s’amusaient ferme parce que c’est une expérience très différente. Aussi, l’exposition est très interactive, avec toutes sortes de trucs très concrets qui ajoutent à l’environnement spatial. Il y a plusieurs de ces jeunes qui n’ont jamais vu une table tournante de leur vie.

En même temps, c’est très approprié pour des enfants, en raison de la formule écouteur. On est loin de l’ambiance de bar, avec du volume à la tonne.

Il y avait même des jeunes enfants pré-scolaires. Toutes sortes de monde. Tu sais, il y a eu 4 demandes en mariage à des shows de Kid Koala! L’une de celles-ci s’est produite à Vancouver. Ils se sont pointés avec leur enfant au show suivant. Il y a toujours un genre d’idéal romantique derrière ce que je fais. Créé quelque chose d’original à partir de la technologie pour raconter ta propre histoire, c’est un concept assez romantique qui attire visiblement un public assez romantique.


Parle-moi de Travis Flint, qui ajoute une dimension visuelle à l’expérience.

J’ai rencontré Travis en Espagne il y a quelques tournées. Il était DJ à l’époque, mais s’est tourné davantage vers des installations d’éclairage en utilisant des tables tournantes comme régulateur.

Ce que j’aime de ce qu’il fait, c’est l’aspect direct, en temps réel. Ç’a quelque chose de très viscéral. Il a notamment créé des trucs comme des stylos et des pinceaux en lumières LED. Il utilise toutes sortes de techniques: des modèles 3D en plasticine, des pochoirs, des ampoules, il travaille avec l’ombre et la lumière pour peindre un arrière-plan lumineux.

C’est difficile à expliquer. Il n’y a rien de préprogrammé, ce sont toutes des techniques traditionnelles, comme lorsque Picasso dessinait des lignes avec un briquet pour créer des images très temporaires. Ça, c’était la technique originale, que Travis Flint a développée, élaborée.

Il sera sur scène avec moi. En fait, il y aura 2 scènes, une dans chaque coin.

 

Les événements musicaux sont assez rares à la Biosphère de Montréal. Qu’est-ce que ça représente pour toi de te produire dans cet espace mythique que tu connais sans doute, comme tout bon Montréalais?

C’est une icône, c’est certain. Quand j’ai visité le musée, j’ai adoré cette superbe énergie de l’âge spatiale, ce contraste futur/passé. Quand j’ai su qu’il y avait une opportunité de le faire là, j’ai sauté sur l’occasion. J’espère que même le simple fait de s’y rendre fera partie de l’expérience pour les gens. Marchons tous vers cette mythique boule que l’on voit si régulièrement sans jamais s’y rendre! (rires)

C’est un peu comme ça pour toute cette « tournée ». Je dois organiser des spectacles avec des galeries d’art et des planétariums. Mon spectacle se doit d’être facile à adapter aux différents espaces.

C’est vraiment la production la plus ambitieuse que j’ai mise sur pied et j’en ai jusqu’à 2013! Je me retrouve un peu en terrain inconnu. Je ne suis pas habitué de devoir réserver mes lieux un an à l’avance. Je suis un habitué de l’industrie de la musique où tout s’organise en moins de 6 mois. C’est un peu étrange.

Vos commentaires