En attendant Oedipe

En attendant Oedipe de François Blouin | Danser avec les monstres

Dès les premières minutes du spectacle, alors que François Blouin installe sur une scène dépouillée son personnage du Professeur Lucien Luisa Igor, une spectatrice éclate d’un rire franc et communicatif. La salle, aussitôt, lui emboîte le pas. «Prenez le temps, on est pas pressé…» nous intime François Blouin, en brisant le 4e mur avec nonchalance. Le ton est donné. Blouin, en ouvrant le spectacle avec une lampe de poche en guise de follow spot, en a décidé ainsi : nous allons vers la tragédie, d’accord, mais à pas lents, d’accord, mais à pas lents.

Le spectacle, créé à La Chapelle au printemps 2022, et ayant fait salle comble pour cinq représentations, est de retour cette année dans la même salle intimiste, pour une nouvelle série qui se poursuit ce soir (vendredi) ainsi que samedi soir et dimanche (en après-midi).

Blouin se présente comme réalisateur et metteur en scène, mais on va se le dire, c’est un oiseau au plumage bien plus vaste. Conteur, clown, mime, danseur, tragédien, professeur émérite : il porte tous les costumes, seul sur scène, pour une performance qui, d’un soir à l’autre, est en constante évolution. Explorant l’envie de se fondre dans l’autre, la volonté d’être libre et de faire mentir les oracles divins, il s’amuse, en accord avec un public volontaire et complice, à rejouer Oedipe Roi de Sophocle, tout en se permettant de délicieuses disgressions.

* Photo par Maxime Brodeur.

Est-ce un spectacle sur la psychanalyse?

Une oeuvre qui s’intéresse à la liberté et à la guérison?

Un solo clownesque?

C’est un peu tout ça, et Blouin nous emmène avec lui, habile conteur, en nous conviant à découvrir, encore et encore, cette histoire qu’on connaît par coeur mais qui prend mille détours. Le public devient choeur grec, la Pythie un bête moteur de recherche, on ne sait plus de quelle pandémie il est question, mais une chose est certaine: Blouin a un malin plaisir à incarner tantôt Jocaste, tantôt un Oedipe au port altier et à la diction incertaine, tantôt le professeur Igor et ses maladresses. Il joue avec les registres de langage, s’amuse à nous dérouter, et nous convie, au fond, à renouer avec le spectacle tragique : se retrouver ensemble pour entendre parler de la vie, de l’amour, du destin et de la mort.

« Oedipe est l’histoire d’un être qui veut être libre, pris entre la volonté des dieux et ce qui bouille en lui et qu’il ne connaît pas », nous explique, en toute fin, le narrateur.

Mais on retient de ce Oedipe le plaisir franc de jouer, d’aller à la rencontre du public, de prendre des libertés et d’aller à la rencontre de nos monstres intérieurs. Et de leur donner un baiser. Sur le bout du nez.

À voir à La Chapelle Scènes Contemporaines jusqu’à ce dimanche 26 novembre. Détails et billets par ici.

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