Desjardins, on l’aime-tu ? aux FrancoFolies 2017 | Dignement sobre
Richard Desjardins n’est pas le plus extravagants des poètes québécois. C’est le moins qu’on puisse dire. Il se fait généralement discret, évite les flaflas, baigne à peu près jamais dans les galas et autres événements du gratin artistique. Il allait donc de soi qu’un événement hommage à son oeuvre fasse preuve d’une belle et grande retenue, et d’une sobriété dans la mise en scène, afin de garder l’accent sur ses chansons qui, elles, sont à leur façon spectaculaires. C’était bien le cas sur la Place des Festivals, alors que une pléiade de jeunes artistes établis — et pas les moindres! — se sont succédés pour mettre en valeur les textes et les musiques de Richard Desjardins, et tout l’amour qu’on leur voue.
L’album est paru en avril dernier. Certains ont louangé l’effort, d’autres ont émis certaines réserves.
Une chose est sure : on sentait que l’exercice prenait la forme d’une grande célébration pour les artistes impliqués, et d’un beau cadeau à ses fans, davantage qu’à une session de flattage du poète dans le sens du poil. On pourra maintenant dire que le spectacle est à l’avenant.
Non, Richard Desjardins n’était pas là hier soir pour récolter la gloire, ou larmoyer devant les kodaks. On ne lui a pas vu le bout du nez sur scène ou même sur écran géant. C’est tout à fait dans l’ordre des choses que ce soit ainsi.
On a plutôt vu les artistes s’enchaîner, les uns après les autres, interprétant avec coeur, émotion et humilité certaines des chansons qui les ont visiblement émus et inspirés au fil des ans. Et on a compris de tout ça que l’oeuvre de Desjardins est chère au coeur de notre colonie artistique.
L’exception est sans doute venu d’entrée de jeu, alors que le jeune Thomas Brassard (que plusieurs ont découvert lors de sa participation à La Voix Junior) a interprété la magnifique lettre d’amour aux futures générations, Nous aurons, en compagnie de la jeune Simone Marchand, fille de Joseph Marchand (guitariste sur scène hier soir) et d’Émilie Laforest (qui assurait la mise en scène de la soirée), à ce qu’on a pu comprendre. Jeune âge oblige, ils n’ont pas encore « grandi » avec Desjardins parmi les colonnes de leur fondation artistique. Ça viendra. En attendant, leur version de Nous aurons était jolie et touchante, à sa façon.
Puis c’était parti pour l’intégralité (pas dans l’ordre toutefois) de l’album hommage — à l’exception de Koriass, qui s’est complètement éclipsé des FrancoFolies à quelques jours du festival, mais ça c’est une autre histoire… — ainsi que plusieurs ajouts pour le moins notables.
Par exemple, oui Benard Adamus a interprété Les Mammifères du projet Abbittibbi, mais on lui a aussi confié l’explosive Y’a rien qu’icitte qu’on est ben, et l’entraînante Boom Town Café en duo avec Philippe Brach.
Keith Kouna, qui ma foi se Tom-Waitsifie savoureusement d’année en année, nous a gracié de sa sublime version graveleuse de Jenny, mais a aussi offert la sérénade Et j’ai couché dans mon char, avec Les Soeurs Boulay et un petit appui de taille de la foule qui chantait des longs bouts à l’unisson. Ces dernières ont ébloui tout le monde avec L’engeolière, tout comme Stéphane Lafleur a charmé avec la sinistre valse de Boum Boum, une autre qu’on ne retrouve pas sur l’album.
Le grand public a aussi pu faire la connaissance d’Émile Bilodeau, qui est arrivé accoutré en adulescent pour une chanson d’occasion : Le Chant du Bum. « Excusez-la… » Matiu a pour sa part offert un Bon Gars plus ou moins inspiré. Le duo Saratoga avait l’air pour sa part un peu nerveux pour leur numéro, qui est pourtant exactement dans leur registre : Quand j’aime une fois j’aime pour toujours.
Tout comme sur disque, le clou de la soirée était le duo de Klô Pelgag et Philippe Brach pour le monument qu’est Les Yankees. En bonus, tant qu’à les avoir dans les parages, Les Soeurs Boulay, Safia Nolin et Émilie Laforest ont servi de choeur de luxe. Hallucinante relecture, à la fois dans l’esprit de l’originale et dans la folie de Klô et Brach.
Safia Nolin était aussi parmi les moments marquants avec sa déchirante version de Va-t’en pas. Il ne se fait pas plus triste comme chanson, et il ne se fait pas meilleure chanteuse de chanson triste que Safia.
Les relectures bluesy de Fred Fortin et le quasi-mimétisme de Philippe B étaient aussi dans le mile.
Si tout baignait dans une relative sobriété, le seul « coup d’éclat » provenait de Yann Perreau qui a interprété L’homme canon sans accompagnement musical, à trois pieds de nous, sur la galerie de presse.
La mise en scène, très simple et efficace, était bien appuyée par une Queen Ka inspirée, qui a lu quelques-uns des fameux monologues de Desjardins, dont T’attends, qu’on pouvait entendre sur l’album Live au Club Soda du début des années 1990.
Toute cette belle brochette de talents était appuyée par des musiciens de renom. Qui ne rêverait pas d’entendre ses chansons réinterprétées sous la direction musicale de Guido Del Fabbro, avec le guitariste et harmoniciste Rick Haworth, le batteur Robbie Kuster (Patrick Watson), le bassiste Alexis Dumais et le ci-haut mentionné Joseph Marchand ?
La soirée s’est conclue sur une Chaude était la nuit avec tout le monde sur scène, en choeur. Finale assez classique pour un spectacle hommage qui n’avait de défi que d’être à la hauteur du répertoire abordé. En ce sens, c’était plutôt réussi.
Grille de chansons
- Nous aurons – Thomas Brassard et Simone Marchand
- Au pays des calottes – Stéphane Lafleur (Avec pas d’casque)
- Déboutonne ton blues (monologue) – Queen Ka
- Boomtown Café – Philippe Brach et Bernard Adamus
- Le Bon Gars – Matiu
- Y va toujours y avoir – Philippe B
- Quand j’aime une fois, j’aime pour toujours – Saratoga
- Jenny – Keith Kouna
- T’attends (monologue) – Queen Ka
- L’homme canon – Yann Perreau
- Va-t’en pas – Safia Nolin
- Les Yankees – Klô Pelgag et Philippe Brach (avec Les Soeurs Boulay, Emilie Laforest et Safia Nolin)
- Boum Boum – Stéphane Lafleur (Avec pas d’casque)
- L’engeolière – Les Soeurs Boulay
- Et j’ai couché dans mon char – Keith Kouna et Les Soeurs Boulay
- Avec l’amour de Jésus (poème) – Queen Ka
- Tu m’aimes-tu? – Fred Fortin
- Y’a rien qu’icitte qu’on est ben – Bernard Adamus
- Un beau grand slow – Philippe B
- Le Chant du bum – Émile Bilodeau
- Dans ses yeux – Yann Perreau
- Le coeur est un oiseau – Fred Fortin
- Les Mammifères – Bernard Adamus
- Chaude était la nuit – Tous les artistes
- Artiste(s)
- Avec pas d'casque, Bernard Adamus, Desjardins On l'aime-tu!, Emile Bilodeau, Forêt, Keith Kouna, Klô Pelgag, Les Soeurs Boulay, Philippe Brach, Queen Ka, Richard Desjardins, Safia Nolin, Simone Marchand, Thomas Brassard, Yann Perreau
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Place des Festivals
- Catégorie(s)
- Chanson, Country, Folk, Francophone,
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