Danse-Cité | Coup de coeur pour Elle-moi de Katia Gagné

Dans Elle-moi. D’un bout du monde à l’autre, la chorégraphe Katia Gagné se propose de revisiter la mémoire sous plusieurs aspects. Mêlant danse, théâtre, musique et vidéos, le spectacle explore le corps féminin avec beaucoup de pudeur et nous montre l’importance de « l’autre », de ceux et celles qui nous entourent à chaque instant, de ceux qu’on connaît ou qu’on ignore et de cet « autre » invisible toujours présent à nos côtés.

© Danse-Cité

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Il y a d’abord cette femme seule sur scène qui nous subjugue par sa présence. Nous sommes face à une femme qui vit un mal-être et qui, se retrouvant au bout du monde, se met à revivre sa vie. Elle parcourt son corps et nous raconte la naissance, la sienne peut-être, d’un nouveau-né dans la première scène.

Durant les différents tableaux, elle va revivre les moments les plus marquants de sa vie : l’adolescence, le premier amour… Tout ce qui fait d’elle qu’elle est ce qu’elle est aujourd’hui. L’espace scénique est revisité, les barrière tombent. Eve Garnier, la soliste, est vivante. Sur l’écran en arrière, des images de paysages défilant à travers une vitre de train montrent les différentes strates du temps. Tantôt en couleurs, tantôt en noir et blanc, elles montrent des vues du bout du monde.

Quatre femmes rejoignent un peu plus tard la soliste. Elles forment à elles cinq un choeur de femmes qui viennent, avec douceur, nous chercher pour nous emmener ailleurs.

© Danse-Cité

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Elles évoluent à l’unisson ou en échos afin de mettre en avant le conscient et l’inconscient de l’âme humaine. La question de l’attente est omniprésente dans cette pièce : ces cinq femmes sont aussi là pour nous rappeler simplement qu’il y a toujours quelqu’un qui nous attend quelque part, même au bout de la terre. De ce fait, l’espace scénique paraît grandi car elles arrivent à l’occuper entièrement, nous remplissant alors d’un sentiment d’apaisement : nous ne sommes pas seul dans ce voyage qu’est la vie. Chacune de ces cinq danseuses nous émerveille : elles ont une présence incroyable et savent faire passer les émotions.

L’idée du projet a germé dans l’esprit de Katia Gagné lors de ses nombreux voyages en train reliant Montréal à Gaspé. En filmant les paysages qui défilaient sous ses yeux, elle a commencé à voir surgir des tableaux avec des danseuses dans ses pensées. S’en est suivi ensuite des séances d’improvisation dansante ou textuelle avec Eve Garnier qu’elle considère comme tout aussi importante dans la conception du spectacle. Elle-moi serait donc la rencontre de deux âmes artistes. Les textes ont été écrits autant par Katia que par Eve et il en est de même pour la danse. Certaines vidéos ont été tournées par le complice-caméraman de Katia Gagné, Mathieu Leblanc, dans des gares indiennes et plus précisément dans la région du Kerala. Encore une manière de nous montrer que l’attente est partout et qu’il suffit de s’ouvrir aux autres pour le comprendre.

Katia Gagné souhaitait également créer avec cette pièce des ambiances et des textures sonores. Certains bruitages musicaux utilisent carrément le bruit des trains, par la suite façonné comme un patchwork. C’est donc un travail avant tout de collaboration avec plusieurs personnes qui ont creusé, découpé, collé, superposé… afin de donner le résultat final. La chorégraphe mentionne aussi qu’il s’agit d’un dialogue des générations alors que plusieurs de ses danseuses (Johanne Madore, qui fut aussi sa mentore, Annie Roy…) n’étaient plus montées sur scène depuis une dizaine d’années. « C’est une véritable opportunité pour nous alors que nous ne pensions pas remonter sur scène un jour même si nous sommes encore très présentes dans le milieu de la danse » déclare à ce propos Johanne Madore. Elle mentionne aussi la réappropriation de cette naïveté que doit avoir une danseuse, un peu à la manière d’un jeune enfant.

« Au début, il s’agissait plutôt d’improvisations personnelles » confie Eve Garnier. « Par la suite, on s’est de plus en plus mélangé avec Katia. Et depuis plus de deux ans que l’idée du projet a germé, le voyage de la vie et ses changements ont conduits à différentes étapes d’émotions que nous souhaitions retransmettre sur scène » continue-t-elle.

« Il a fallu adapter notre travail sur scène étant donné que l’espace est plus limité » ajoute Katia Gagné. « C’est un peu une redécouverte à chaque nouveau projet, on essaye de créer un nouveau vocabulaire. La question d’être juste ou de ne pas l’être est toujours très compliquée à cerner ».

Une chose est certaine, l’originalité du langage exploré est un voyage en lui-même qui mérite d’être découvert et vécu. Elle-moi est définitivement un gros coup de coeur et vous pouvez le découvrir à La Chapelle – Scènes contemporaines jusqu’au 18 février.

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