Betty Bonifassi

Critique concert: Béatrice Bonifassi à Montréal

Un Voyage dans le temps

Vendredi 11 novembre 2011 – Le National (Montréal)

L’enfant terrible de Beast, connue entre autres pour avoir prêté sa voix à la trame sonore des Triplettes de Belleville et au premier album de DJ Champion, nous conviait hier soir à un retour dans le temps musical. Direction : la France des années folles. Et il faut dire que rien qu’en rentrant au National, le spectateur avait déjà l’impression de se retrouver au début du 20ème siècle, le théâtre ayant gardé son cachet authentique (datant de 1900): ambiance feutrée et embrumée, sièges en velours rouges, pentures dorées.

Sur la scène s’entassent la multitude d’instruments des 7 musiciens qui porteront le spectacle au côté de la chanteuse : piano à queue, harmonium indien, 2 violons, violoncelle, guitare, batterie, basse, ainsi que quelques instruments à vent divers.

Pas de première partie, le plat de résistance nous est servi d’emblée et à l’heure, de surcroit. Sur un air mystérieux et très cabaret, Beatrice Bonifassi sort d’une petite porte située au-dessus de la scène, sa silhouette auréolée de lumière, et se déhanche lentement au son de la musique. Puis, elle disparait pour réapparaitre sur scène : « Bienvenue en 1920! » lance-t-elle au public avant d’entamer sa première chanson.

Sa voix unique et son charisme opèrent immédiatement dès qu’elle ouvre la bouche, son ton de voix grave se prête à merveille pour les chansons françaises d’époque et l’on est suspendu à ses lèvres.

Un jeu de lumière extrêmement efficace, combiné à la confiance démesurée que Bonifassi dégage lorsqu’elle est sur scène, donne un spectacle unique et aventureux. Le choix de son répertoire aussi éclectique qu’inusité – de Piaf à Aragon, en passant par Prévert – vient compléter le tout. Elle nous interprète des classiques oui, mais des classiques souvent inconnus et très peu repris, ce qui rend le spectacle parfois difficilement accessible au commun des mortels.

Sur une petite musique d’entracte jouée par ses musiciens, Beatrice nous invite au bar pour boire un verre, comme cela se faisait à l’époque des spectacles-cabarets. Puis, gin tonic dans une main, cigarette dans l’autre, elle entame Du Gris de Berthe Sylva (un classique de la chanson francaise de 1926)  dans l’entrée du National, accompagnée de sa pianiste qui joue sur un piano-vélo (du jamais vu, cet instrument!). Tout le monde chante en cœur, puis s’ensuivent Padam Padam  de Piaf et une version inédite de Come As You Are  de Nirvana (éclectique je vous disais). Un moment de musique inoubliable que cet entracte, un concept incroyablement chaleureux pour tous les chanceux qui s’y trouvent.

Le reste du spectacle s’enchaîne sans anicroche, bien que le résultat semble improvisé et inventé au fur et à mesure tellement Betty est à l’aise sur scène. Et une mention honorable à sa pianiste hors pair à l’allure étrange qui semble toute droit sortie d’un film de Tim Burton pour notre plus grand plaisir.

Petite critique toutefois : Bonifassi qui lit les paroles à quelques reprises sur son lutrin, ce qui vient un peu briser le charme fluide de la prestation.

 

Finale théâtrale

Sur une magnifique interprétation de Parlez-moi d’amour  durant laquelle la voix de Bonifassi s’impose dans toute sa splendeur, la fin du spectacle est annoncée. Puis, des chaînes sont placées sur les cordes du piano à queue et donnent une sonorité métallique à la dernière chanson qui portera la finale théâtrale : tous les musiciens sortent un pistolet en plastique et tirent sur Bonifassi qui s’écroule.

Elle terminera sa chanson couchée alors que les musiciens saluent la foule et sortent, la laissant morte sur scène. Elle reviendra finalement à la vie pour le court rappel, sous les applaudissements du public séduit par cette belle expérience musico-théatrale.

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