Paul McCartney

Critique album: Paul McCartney – Kisses on the Bottom

Paul McCartney - Kisses on the Bottom Paul McCartney Kisses on the Bottom

Il n’y a rien de plus navrant que de voir une idole créer une œuvre que nous n’arrivons pas à apprécier. Ça arrive, parfois. Dans ces cas-là, on se pince, on se dit que ça ne se peut pas, on consomme à nouveau ladite œuvre, et on accepte à contrecoeur la dure vérité.

Paul McCartney, Macca pour les intimes, nous arrive cette semaine avec un trip qu’il a décidé de se payer: un album de reprises jazz de l’époque de sa jeunesse. Son père ayant été musicien, le petit Paul a donc baigné dès un tout jeune âge dans ce genre de musique et se sent aujourd’hui nostalgique.

Sur Kisses on the Bottom, Sir Paul reprend 14 titres, des standards du répertoire jazz populaire. Ayant reçu aide et conseils de la part de Diana Krall – car la tâche rendait le vétéran un peu nerveux – McCartney nous a concocté un disque qui s’écoute avec un verre de vin à la main, assis devant un bon feu de foyer, en compagnie de la personne aimée.

Du moins, c’est l’effet escompté. La réalité est quelque peu autre…

Des 14 titres, peu d’entre eux se démarquent vraiment. On est ici dans le pays du jazz sirupeux à excès, celui du batteur qui effleure ses fûts avec des balais, de la basse ronflante, de la voix à la limite du chuchotement. Si vous avez toujours rêvé de vous faire chanter dans le creux de l’oreille par Paul McCartney, voici votre chance…

Comment peut-on pardonner à l’ancien Fab Four de retirer à certaines des chansons tout ce qui en faisait leur charme au départ? Prenons Ac-Cent-Tchu-Ate The Positive comme exemple, que Bing Crosby avait popularisé avec une version des plus amusantes et allumée. La version Macca 2012 ne fait pas le poids en comparaison, mais alors pas du tout.

Au mieux, la pièce est bien jouée. John Clayton à la basse fait profiter la chanson, et le reste de l’album, de son savoir-faire dans le domaine du jazz et fait preuve d’un jeu très sensible et nuancé. Et le piano de Diana Krall est d’une grande beauté. Hormis cela (et la réalisation très correcte tout au long du disque, signée par le vétéran Tommy LiPuma), la chanson a perdue toute la joie qu’elle contenait à l’origine, tout son punch.

Ne reste qu’un squelette bien frêle, une prestation convenue, prudente, sans qu’aucun risque ne soit pris. Et la même chose peut être dite des autres titres.

Mais tentons d’être positifs : Eric Clapton offre un joli solo acoustique sur My Valentine, l’une des deux seules compositions originales de McCartney sur l’album.

L’autre pièce, Only Our Hearts, réunit l’ex-Beatle avec l’un de ses anciens collaborateurs, Stevie Wonder, qui joue ici de son inimitable harmonica – peut-être pas le meilleur choix d’instrument pour ce disque. Vinnie Colaiuta, un respectable vétéran de l’équipe de Frank Zappa, joue de la batterie sur cette même pièce (et on se demande un peu pourquoi).

Parlant de Clapton, celui-ci a enregistré en 2010 une version totalement jouissive de My Very Good Friend de Milkman, que McCartney chante à son tour ici, mais encore une fois, c’est faiblard et quelconque. Ça se veut mignon, mais il manque un je-ne-sais-quoi.

Peut-être que cette réception négative que nous offrons au vieux rockeur est due en partie à son chant, qui n’est pas des plus naturels sur cet album. Sa voix a déjà été meilleure, et bien que nous sommes sensibles à l’âge avancé du chanteur et que nous respections l’effort louable qui a donné naissance à ce disque, une question demeure : était-ce bien nécessaire?

Au risque de se faire lancer des tomates par les adorateurs de Macca, Kisses on the Bottom n’apporte rien à sa discographie. L’intention est peut-être de créer des ponts entre les générations, et encore une fois nous le disons : l’effort est louable. Mais ce n’est pas une très grande réussite.

Il y a du jazz très original qui se fait de nos jours, et des classiques vocaux qui sont repris à tout moment, et ce, de bien meilleure façon. Cette entrée dans l’ensemble de l’œuvre de Paul McCartney ne sera, en fin de compte, qu’une curiosité. Espérons du moins qu’il n’en prenne pas l’habitude.

Si ce cher vieux Paul désire à tout prix faire des reprises qu’il nous fasse plutôt une suite à Run Devil Run qui, en revanche, fut l’un de ses meilleurs albums solo.

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