Léopold Z

Critique Album: Léopold Z – Ennuyez-moi

Léopold Z - Ennuyez-moi Léopold Z Ennuyez-moi

Plus de 7 ans après La Joie, premier album méconnu et sous-estimé quoique apprécié par les critiques, l’excentrique formation montréalaise Léopold Z ressurgit avec Ennuyez-moi : un disque tout aussi savoureux dans ses contradictions que son prédécesseur.

Du Léopold Z de 2005, il ne reste plus que la tête: le chanteur, auteur-compositeur-interprète et autrement cinéaste Marc Bisaillon et son collègue multi-instrumentiste Eric Rathé, des ¾ putains. Se sont greffés Lydia Champagne à la batterie et Martin Fontaine à la basse, qui forment une section rythmique parfaitement dans le ton décalé de leurs nouveaux partenaires.

L’essentiel reste intact: cette poésie inspirée et raffinée qui abonde en jeux de mots habiles et en clins d’œil ingénieux et parfois mordants, chantée et murmurée sur une musique électrique, sournoisement déglinguée.

Principalement axé sur un rock en surface assez pop, la musique de Léopold Z gagne en couleurs avec ses teintes tantôt jazz-lounge (Picolle… pis décolle, Comme disait Léopold-Z), tantôt funk (Qu’as-tu fait aujourd’hui?, Ton doux chant). Cette approche musicale dégage une indolence fallacieuse (à l’image du titre de l’album), qui ne fait qu’accentuer l’effet des guitares acérées qui interviennent à l’occasion pour nous rappeler que les crocs ne sont jamais bien loin du sourire…

Tout le charme de Léopold Z repose sur cet intéressant contraste entre la légèreté de son abord et son contenu plus corrosif. Derrière son petit côté conteur sympathique, Bisaillon souligne avec éloquence nos échecs sociaux et nous remet les yeux en face des trous avec ses textes cruellement justes et adroitement imagés.

 

Léopold, Léo-Paul, Leonard…

En plus de faire briller les textes de son auteur, le groupe « fait place à d’illustres Léo » aussi, comme l’indique le communiqué accompagnant l’album.

Bien sur, le nom du groupe même fait référence à l’un de ces Léo: Léopold Z Tremblay, personnage de Gilles Carle, qui a inspiré Comme disait Leopold Z en conclusion de l’album. Mais cette thématique touche également Léo-Paul Lauzon – oui oui, l’auteur, professeur et homme politique de gauche Léo-Paul Lauzon! – pour Qu’as-tu fait aujourd’hui?.

De plus, Léopold Z fait sienne un classique de Leonard Cohen, Everybody Knows, qui prend des airs de grande valse. Placée au beau milieu de l’album, Tout le monde s’en fout! ne dépasse pas du lot comme un enfant adopté mal intégré grâce au bon travail de transposition française, même si l’approche musicale évacue le côté sinistre de l’original.  Dommage.

Dans l’ensemble, Ennuyez-moi poursuit là où La Joie nous avait laissé, avec ce mélange singulier qui commande une écoute attentive pour être dignement apprécié. Comme si Louise Attaque s’était inspiré des Colocs et avait engagé le guitariste de Tom Waits afin de tremper le tout dans une atmosphère carnavalesque d’une étrangeté vaguement glauque. Fort appréciable.

* Léopold Z lancera son album ce soir (mardi 15 mai) à 17h au Quai des Brumes.

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