Bjork

Critique album: Bjork – Biophilia

Bjork - Biophilia Bjork Biophilia

Toujours prête à repousser les frontières de sa vaste créativité, Bjork lance Biophilia, son 8e album studio aux multiples facettes – applications iPad/iPhone, projet multimédia éducatif et interactif, instruments inventés par une horde de scientifiques – qui risquent d’en intimider plus d’un et de faire ombrage à la beauté inhérente et exigeante de la musique qu’il contient.

Pour plusieurs, Bjork s’apprête à laisser sa marque dans la jeune histoire de la distribution et la commercialisation de la musique à l’ère du numérique en lançant un album sous forme d’applications iPad et iPhone.

Or, si plusieurs mélomanes vieux jeu y verront un obstacle à l’adoption de Biophilia, ce sera une grave erreur, puisque peu importe le format – Biophilia existe également simplement en CD – le huitième album de Bjork réinvente autant son approche à la musique que celle de l’industrie.

Le concept artistique de Biophilia s’agence parfaitement à son concept formel mais ne s’en trouve pas diminué lorsque séparé de celui-ci: il s’agit d’étudier les liens (si profonds qu’ils seraient carrément biologiques, d’après la théorie « biophilienne » qui a inspiré son thème à l’album) entre l’humain, l’art, la nature et la technologie.

Sur le plan thématique, les analogies sont abondantes et profondes: Bjork examine le cosmos et l’immensité de l’univers (Moon), la rotation de la Terre (Solstice), le mythe de la création (Cosmogony), les phénomènes météorologiques (Thunderbolts), compare les plaques tectoniques aux battements du coeur et à la « fusion » relationnelle (Mutual Core), tisse des liens entre les dépendances génétiques des virus aux corps et aux tissus, à celle des relations entre deux êtres humains amoureux (Virus).

La musique, et plus particulièrement les sons générés pour la créer, supportent admirablement ces concepts.

Instruments inventés

Pour les fins de cette création, Bjork a sommé une horde de scientifiques de créer une panoplie d’instruments sur mesure, dont quelques « harpes gravitationnelles » (mélange de pendules robotisées et de harpes), une bobine Tesla musicale (utilisée sur Thunderbolts) ainsi qu’un croisement entre un Gamelan (instrument percussif de la famille des métallophones) et un célestra (un hybride entre le glockenspiel et le piano) nommé « Gameleste »:

Ce dernier est omniprésent sur l’excellente Crystalline, qui débute avec un air mélodique se trouvant quelque part entre une berceuse et une pièce minimaliste de Philip Glass, avant de prendre la forme d’une chanson électro-pop à la Homogenic et de se terminer sur une séquence drum and bass frénétique.

Autre merveille de l’album, Mutual Core est un peu construite de la même façon. En fait, l’album entier regorge de ce genre de contraste entre des sonorités froidement électroniques, des instruments plus classiques (voire archaïques) et un agencement de trames de voix fantomatiques.

Certains titres ne bénéficient toutefois pas de ces élans rythmiques cataclysmiques, dont les inquiétantes Hollow et Dark Matter, ainsi que la splendide pièce de fermeture Solstice.

Si l’art n’a jamais semblé si calculée, la science n’a jamais paru si émotive.

Applications iPhone/iPad

Pour les friands d’expériences musicales modernes, une application Biophilia est présentement disponible et chapeaute une dizaine de sous-applications – une pour chaque pièce de l’album – avec un jeu, des animations et des « essais musicaux » signés Nikki Dibben, ainsi qu’une panoplie d’utilités interactives.

L’application est évolutive, c’est-à-dire qu’elle sera mise à jour afin d’enrichir le contenu au fil du temps.


Le titre Biophilia (ou biophilie, en français) fait référence à une théorie popularisée par Edward Osborne Wilson dans son livre Biophilia, en 1984. L’hypothèse de la biophilie prétend qu’il y aurait un lien instinctif entre les êtres humains et les autres systèmes vivants, que les affiliations profondes des humains avec la nature seraient ancrées dans notre biologie.

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