Blonde Redhead

Blonde Redhead à Laval | Le digne spleen de Misery Is A Butterfly

Blonde Redhead venait présenter dimanche soir à Laval le tout premier d’une courte série de concerts où le trio reprend en (quasi-)intégralité son album culte de 2004, Misery Is A Butterfly, en compagnie de l’American Contemporary Music Ensemble. Belle façon de faire honneur à ce splendide disque, sans doute le meilleur du groupe à date.



D’emblée, admettons que c’est une belle prise de la part de la Salle André-Mathieu : juste à temps pour leur réouverture progressive après des rénovations majeures, la salle lavalloise accueillait en exclusivité canadienne ce spectacle un peu hors-norme d’un groupe considéré par plusieurs comme l’un des plus pertinents du rock indé depuis quinze ans.

Tout n’est pas encore parfait, mais force est d’admettre que le nouveau foyer, l’espace bar (qui n’est pas encore totalement terminé) et les nouveaux fauteuils donnent un look totalement 2017 à la salle de spectacle.

Ceux qui croyaient que c’est un sacrilège de voir Blonde Redhead assis dans une salle avec fauteuils auront sans doute changé d’avis après l’expérience. Parce que, bien entendu, le rock mordant que Blonde Redhead nous a offert par moments au cours de sa carrière se vit généralement mieux dans une atmosphère de bar ou de boîte à shows rock. Mais Misery Is A Butterfly est un album plus posé, plus grandiloquent avec ses arrangements à cordes, ses enchaînements d’accords mineurs et sa charge de mélancolie. Pour l’occasion, il valait mieux absorber chaque détail musical avec attention, pas créer un circle pit devant la chanteuse Kazu Makino et ses deux comparses, les frères Pace.

Dès les premières notes de Elephant Woman, les violons ont retenti, puis la voix haute perchée de Kazu, et cette bulle si particulière qui se construit de la première à la dernière seconde de Misery Is A Butterfly opérait sur scène comme sur disque.

Bien que ce soit en quelque sorte un « show exploratoire » et que les musiciens ratent quelques « cues » ici et là, le public n’y voit que du feu tant l’interprétation bénéficie de la maturité musicale acquise par le groupe au fil des ans, sans compter l’apport majestueux de l’ACME. De Messenger à Pink Love, les quarante-quelques minutes d’écoute nous transportent dans l’univers luxuriant créé par le groupe au milieu des années 2000 avec cet album d’une beauté sans nom.

 

Où est Equus ?

Une fois Pink Love terminée, on s’attendait à un soulevement du public pour l’entraînante Equus, qui clôt l’album. C’était le deuxième single du disque, et probablement la chanson la plus accrocheuse. Ça allait assurément bien terminé le spectacle.

Mais… rien. Dans un moment de confusion notable, Amedeo indique à Kazu que c’est terminé, les musiciens saluent la foule sans avoir joué la dernière pièce du disque, et attendent les applaudissements pour le rappel. Étrange.

Donc on se gardait Equus pour le rappel ? Même pas. Blonde Redhead revient, mais enchaîne avec deux chansons du plus récent album Barragan : les très bonnes Mind To Be Had  et Defeatist Anthem. On est donc déjà passé à autre chose. La foule ne semble pas en faire grand cas, accueillant généreusement ces deux chansons d’extra. Certains ont même laissé entendre des « We love you, Kazu », ce à quoi la timide Japonaise répondait avec sa retenue habituelle. « J’étais si nerveuse que je ne vous ai pas parlé. Mais merci ».

Petit cadeau avant de partir : Blonde Redhead nous partage deux chansons toutes nouvelles, qui paraîtront sans doute sur un EP à venir l’an prochain, selon ce que nous confiait Amedeo Pace en entrevue. La première est intitulée 3 O’Clock et repose sur un tempo assez modéré et une mélodie oblique typiquement Blonde Redhead. La deuxième porte le nom de Golden Light et nous plonge davantage dans la mélancolie, un peu plus lente, presque langoureuse.

Les deux sont chantées par Kazu, et on sent que l’ensemble à cordes a déjà inspiré grandement les arrangements, qui portent la signature de l’ACME.

Bien hâte d’entendre ces deux nouveaux titres sur disque en 2017.

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Luke Temple en première partie

La première partie était assurée par le charmant Luke Temple, chanteur du groupe Here We Go Magic, qui oeuvre également en solo de temps à autres.

Seul avec sa guitare classique, assis sur une chaise au milieu de la grande scène avec ses jeans troués et sa casquette bleue poudre vissée sur la tête, on n’avait pas l’impression qu’il saurait captiver la foule. Les sceptiques furent confondus.

L’étiquette Secretly Canadian (The War On Drugs, Yeasayer, Porcelain Raft, Whitney) lancera son nouvel album A Hand Through the Cellar Door le 11 novembre prochain. Temple en a évidemment offert quelques extraits, dont la très jolie The Birds Of Late December, la sympathique The Complicated Men of the 1940s et l’émouvante Maryanne Was Quiet, inspirée d’une histoire vraie au sujet d’une fille complexée et troublée, à qui le suicide raté insuffle une nouvelle dose de courage et de confiance en soi.

Sa plume très narrative est plutôt prodigieuse, et son chant, bien qu’imparfait, transmet bien ses textes et son sens de la mélodie harmonieuse. Rien de bien compliqué, mais diablement efficace.

Sur disque, les arrangements sont évidemment plus présents, mais son petit tour de chant en solo a fait bonne impression auprès de la foule.

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