Osheaga

Osheaga 2019 – Jour 2 | Du rave à la réalité…

Après une première journée marquée par le hip-hop, la pop-R&B-flamenco de Rosalia et l’annulation de J Balvin, le deuxième jour d’Osheaga aura aussi eu son lot de faits marquants pour le moins variés. Au calepin avec une excellente note : le grand retour des Chemical Brothers à Montréal, la leçon de stylisme pop de Janelle Monàe, le triomphal concert de Les Louanges en-français-siouplait et l’épatante prestation jam-band néo-disco de U.S. Girls.

 


Gros rave en tête d’affiche

Si l’EDM a la cote à Osheaga, c’est souvent sur la scène de l’île qu’on peut en trouver, devant une foule de jeunes vingtenaires adeptes de ces shows sensoriels où la basse résonne jusque dans le thorax. Sauf qu’Osheaga tentait un grand coup cette année, en ramenant les vétérans britanniques The Chemical Brothers à Montréal pour la première fois en 20 ans, en tête d’affiche du samedi sur la grande scène.

Plusieurs des adeptes d’îleSoniq n’étaient même pas nés lorsque les termes « acid house » et « big beat » faisaient rage et que les Chemical Brothers connaissaient le succès planétaire avec des singles comme Block Rockin’ Beat, qui côtoyaient allègrement les hits alt-rock de l’époque sur les radios et au sein de la compilation Big Shiny Tunes 2, se glissaient dans les trames sonores de films cool, et permettaient même aux Chemical Brothers de remporter des prix Grammy dans des catégories comme « Best Rock Instrumental Performance » ou « Best Alternative Music Album ». Inutile de dire que les temps ont changé.

Des gros noms de l’époque, The Chemical Brothers sont un peu les derniers des Mohicans, surtout depuis la mort du chanteur de The Prodigy, alors que les Fatboy Slim, The Crystal Method et autres Basement Jaxx n’ont plus la moitié de la résonance de leurs belles années.

Ce qu’ils ont à prouver dans des circonstances comme en tête d’affiche d’un samedi soir d’Osheaga, c’est qu’ils ont encore la pertinence des jeunes premiers qui les ont dépassé, tout en profitant de leur vaste expérience. C’est pas mal ce qu’ils ont fait, avec un show à la fine pointe de la technologie, nourri d’apports visuels hautement divertissants, d’une direction artistique épatante et d’une construction des dynamiques sans faille. Tout s’enchaîne avec un aplomb parfait, transformant le parterre somme toute assez bien rempli en immense piste de danse, « comme dans un grand rêve électrique » comme disait Richard Desjardins. (Ou peut-être devrait-on dire «un grand rave électrique » ici.)

Les trentenaires et quarantenaires reconnaissaient évidemment certains succès familiers, comme Chemical Beats, Hey Boy Hey Girl et évidemment, Block Rockin’ Beats au rappel. Mais familiers ou pas, les titres des Chemical Brothers s’intégraient à merveille dans un show bien construit, qui fonctionnait plutôt comme un tout plus grand que la somme de ses parties. Un pari réussi, en somme, pour Osheaga.

 

Sa majesté Janelle

Parlant de pari réussi, quelqu’un devrait avertir Beyoncé qu’une certaine Janelle Monàe est en train de profiter de son absence pour s’emparer du trône. On est encore loin des moyens de production des tournées de Queen Bey, mais en terme de showmanship showwomanship, Monàe est dure à battre.

Sa présence magnétique sur scène était appuyée par une troupe de musiciennes (et deux dudes) et danseuses à faire rougir la compétition. Les costumes, la mise en scène, le chant, les chorégraphies, les petites touches d’humour et les démonstration de force de caractère ; tout était parfaitement rodé sans être désincarné. Un véritable tour de force qui démontre à quel point un show pop peut être une oeuvre d’art de haut calibre, tout en étant engagé sans être moralisateur.

Janelle Monàe véhicule évidemment des messages d’acceptation de soi, de girl power et de tolérance, tout en s’assurant de ne pas s’éloigner trop longtemps de ce qu’elle fait de mieux: chanter, danser, divertir.  Les clins d’oeil abondent : on reconnaît ici des airs de Janet Jackson, des petits pas de danse à la James Brown, même un quasi-Moon Walk. Tout ce que la culture afro-américaine a apporter de mieux à la musique pop, Janelle Monàe l’a visiblement étudié et intégré.

So-li-de perfomance.

 

Les Louanges et ANEMONE : des tests pour nos artistes locaux

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y a un buzz prolongé autour de Vincent Roberge et son projet Les Louanges. Sa présence à la scène des arbres d’Osheaga en ce samedi fin-pm avait donc un certain cachet. C’était un peu un test, une façon de voir si la foule hipster, qui avait l’embarras du choix en terme de spectacles offerts samedi, allait se déplacer massivement pour aller voir un artiste francophone qu’on peut voir très souvent à Montréal et partout en région, hors-festival.

La réponse était venue assez vite lorsqu’on tentait de se faufiler au sein de l’attroupement, qui débordait hors des limites du toit qui recouvre l’espace de la scène des arbres. Et ça se confirmait d’autant plus lorsque la foule a fredonné spontanément, en choeur, le refrain de La nuit est une panthère. C’est parti pour la gloire pour Les Louanges. Et Vincent Roberge est visiblement fin prêt pour nourrir la bête. Plus le public lui en donne, plus il leur en donne en retour, visiblement galvanisé par ce moment de gloire qui lui était offert et qu’il a pris.

Après avoir chanté Tercel en toute fin de show, le jeune homme de Lévis a annoncé qu’un nouvel EP s’amenait à l’automne, à peine un an après la parution de son excellent premier album complet, La nuit est une panthère, qui rappelons-le, est sur la courte liste du prix Polaris.

Parlant de présence locale, plus tôt dans la journée sur cette même scène, Chloé Soldevila et sa bande du projet ANEMONE se produisaient devant, eux aussi, un public assez fourni.

Oeuvrant plutôt en anglais (sauf pour la mignonne chanson Bout de toi), ANEMONE a des visées auprès d’un public anglo-canadien et américain, et devrait visiblement trouver son chemin grâce à une concoction plutôt efficace de pop-yéyé, de rock psyché et de jams indie. Musicalement, ça fonctionne à merveille, et la présence de scène de la chanteuse Soldevila ajoute beaucoup à l’ensemble (puisque les musiciens sont, pour leur part, un peu statiques).

Il faudra toutefois faire gaffe de ne pas laisser les émotions gâcher la sauce… Par moments, la voix de Soldevila atteignait hier des fréquences un peu trop high pitch, surtout durant les interventions.

* Photo de courtoisie par Simon White.

Pour les avoir vus dans des contextes différents, en salle (notamment en première partie de La Femme au Théâtre Fairmount, il y a quelques années), une présence un peu plus groundée convient mieux à cette troupe qu’une tentative d’y aller à fond la caisse la pédale dans le plancher. L’interprétation de Bout de toi, justement, en a un peu souffert, la voix ratant la note un peu trop souvent…

Mais somme toute, tout est là pour que ANEMONE gagne son public et s’inscrive parmi les bands à surveiller pour les adeptes de ce type de rock lumineux et entraînant.

U.S. Girls et bülow

bülow. Photo de courtoisie par Pat Beaudry.

Notre journée a débuté dès 13h, alors que la jeune chanteuse pop allemande bülow ouvrait le bal sur la grande scène, vêtue de shorts jaunes fluo et d’un t-shirt de Slayer. Déjà, on l’aime bien.

Ce qu’elle allait proposer sur scène allait confirmer notre engouement (qui ne reposait pas que son look, mais aussi sur l’écoute de ses trois EP parus depuis 2017). En parfaite maîtrise de sa voix et de son style musical, la jeune femme de 19 ans a assuré sur scène, laissait bien entrevoir son approche variée, un peu cousine plus lumineuse de Billie Eilish.

Gardez ce nom en tête. Ça risque de faire du bruit lorsque Universal lancera éventuellement son premier album complet…

Tout de suite après, sur la scène de la montagne, Meghan Remy et les 8 musicien.nes de son projet U.S. Girls profitait pleinement des 45 minutes qui leur ont été accordés pour interpréter avec brio les excellentes chansons de son plus récent album In A Poem Unlimited et quelques titres du précédent Half Free.  L’esprit un peu hippie, un peu funk et un peu disco qui en ressort fonctionne à merveille avec cette bande qui jamme vraiment bien.

Évidemment, le clou de ce spectacle, c’est la magnétique Meghan, qui chante avec beaucoup d’expression et de ressenti, qui danse librement et qui s’assure de mettre le public dans la petite poche de son one-piece jaune-flash ligné.

On retient notamment la finale, tout juste après avoir interprété Pearly Gates, alors que Remy décide de venir rejoindre son public pour une petite danse improvisée et inclusive au beau milieu du terrain poussiéreux du Parc Jean-Drapeau. Un des nombreux très beaux moments de cette deuxième journée de festival.

Osheaga se poursuit dimanche avec une dernière (et très grosse) journée où l’on pourra voir notamment Childish Gambino, Tame Impala, Mac Demarco, Metric, Boy Pablo, Tierra Whack, Hozier, Kaytranada… (reprend son souffle)…  Metric, Koffee, Rejjie Snow et le groupe post-punk de l’heure, les Irlandais de Fontaines D.C. !

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