crédit photo: Vincent Girard
Fête nationale du Québec à Laval

Fête nationale du Québec à Laval 2022 | Entre fierté, joie et tristesse

« Le fait que ça ne soit pas télédiffusé, ça change tout ! »  C’est ce que les artistes et artisans qui prennent part ou mettent sur pied la Fête nationale à Laval nous répondent lorsqu’on leur parle de cette singularité qui permet à ce party de la St-Jean juste au Nord du Pont Pie-IX de se démarquer des deux grands (sur les Plaines et sur la Place des Festivals).

C’est là une autre démonstration du pouvoir handicapant de la télévision. Ça coûte cher, produire pour la télé, et les diffuseurs ne sont pas prêts à prendre des risques, investir sur des artistes et des directions artistiques un peu plus champ gauche. Ça donne presque toujours du spectacle grand public ronflant, empêtré dans des vieilles habitudes et des zones de confort pour ne pas trop choquer matante Ginette et mononcle Réjean devant leur téléviseur à La Pocatière.

Pendant ce temps, c’est à Laval qu’on s’amuse le plus avec le concept d’un show de St-Jean, loin des caméras. Cette année, Ines Talbi était à la barre d’un rassemblement d’artistes pas mal plus pertinent et à jour qu’à Montréal et Québec : Klô Pelgag, Fouki, Hubert Lenoir, High Klassified (producteur électro s’étant frotté au sommet du hip-hop mondial, et qui n’a jamais caché son chauvinisme « Laval or die »!), Lisa Leblanc, Samian, Sarahmée, mais aussi Patrice Michaud et Isabelle Boulay, parce que ça prend bien des vétérans de la chanson pop pour faire lever un bon spectacle grand public !  Avec tous ces outils en main, il y a de quoi dresser un portrait intéressant de la diversité musicale québécoise.

Le président de la Fête nationale du Québec à Laval, Jean Desautels, ainsi que le maire de Laval, Stéphane Boyer, se sont d’abord succédés sur scène pour parler de l’importance d’être fiers du Québec et du fait français, avant que Fouki n’arrive sur scène avec un « What’s up, Lavaaaaaal? » qui faisait un beau contraste avec le conservatisme linguistique exprimé quelques minutes plus tôt.

Enthousiaste comme un collégien à l’arrivée des vacances, Fouki nous chante une chanson intitulée St-Han, qui nous permet de constater que « Laval » est le mot le plus weird à prononcer sur Autotune.

* Photo par Vincent Girard.

Suivront des numéros de Lisa Leblanc, Patrice Michaud et Isabelle Boulay, et tout roule rondement. Puis, BANG! Klô Pelgag débarque avec ses Grand-mères à broil (ses trois choristes sur le 220 volts : Laurence-Anne, N’ Nao et Lysandre) pour secouer un peu le party avec Les Ferrofluides-fleurs et une prestation particulièrement déroutante de Rémora. Plus tard, elle chanteront aussi Mélamine avec une énergie survitaminée. Bon sang que ça fait du bien, une Klô Pelgag, dans un show de variété !

* Photo par Vincent Girard.

Isabelle Boulay s’est sans doute dit qu’il fallait qu’elle ait l’air de party elle aussi, alors elle a choisi Désenchantée de Mylène Farmer. Ça nous rappelle du même coup que, bien qu’elle soit « la chanteuse française qui a vendu le plus de disques depuis les années 1980 », Mylène Farmer est techniquement née à Pierrefonds, au Québec. D’un père marseillais et d’une mère bretonne, relocalisés au Québec avant de regagner la France alors qu’elle avait 8 ans, mais heille, c’est TECHNIQUEMENT une chanteuse québécoise, NOTRE Mylène Farmer !

N’empêche, non seulement inclure le répertoire de Mylène Farmer dans la catégorie de la « chanson québécoise » est un peu tiré par les cheveux, faire de Désenchantée une chanson de party, c’est un peu audacieux. « Tout est chaoooooos… ALLEZ TOUT LE MONDE! … À côtééééé ».

Les artistes se passent élégamment la rondelle en s’introduisant les uns les autres au spectacle, dont Klô qui présente Les Louanges en le qualifiant à la fois de « libre » et « ponctuel ».  Sarahmée, qui venait de faire un tabac avec son excellente chanson incendiaire Fuego, a très bien mis la table pour l’arrivée de Samian en disant (on la cite ici librement, de mémoire) : « On me parle souvent de ma résilience. Mais son peuple en est l’ultime exemple. » Et Samian arrive tout feu tout flamme — sans doute allumé par le Fuego de Sarahmée — pour interpréter Génocide.

* Photo par Vincent Girard.

D’ailleurs, de tous les artistes présents à ce spectacle, c’est sans doute Samian qui a le plus surpris la foule, avec son aplomb, son charisme, et ses chansons à la fois chargées mais très rythmées et inventives. Son débit est, ma foi, franchement impressionnant et percutant.

 

Quand les jeunes foutent le bordel

Pas entièrement satisfait de faire absolument tous les festivals du Québec en entier cet été, Hubert Lenoir s’est dit : « Je pourrais aussi aller à Laval pour faire la St-Jean! »

On s’en plaindra pas.

Fidèle à lui-même, il a secoué un peu tout le monde en demandant un moshpit d’emblée — imaginez un moshpit dans un show de St-Jean sur les Plaines… — avant de faire monter l’intensité d’un cran avec Dimanche soir, puis un Quatre quarts en feu, avec High Klass à ses côtés.  Une petite visite dans la foule pour du bodysurfing et Hubert a même sorti le bon vieux truc de faire asseoir le public pendant un moment calme de la chanson, afin que toustes bondissent en même temps au refrain, avec grand succès. On a rarement vu un parterre aussi bondissante dans un spectacle de Fête nationale !

* Photo par Vincent Girard.

Fouki s’est probablement dit « Oh, ok, c’est ce genre de party, hein? », et s’est pointé sur scène 3 chansons plus tard avec un gigantesque joint pour chanter Gayé et célébrer les plaisirs de l’herbe légale. Lui aussi a visité le public, avant de lancer son gros spliff dans la foule. Encore une fois, imaginez ce genre de scène à la télévision durant le grand spectacle à la Place des Festivals !  Le CRTC aurait dû engager du personnel supplémentaire juste pour gérer les plaintes…

Évidemment, Hubert Lenoir a donné la grosse claque finale avec Filles de personne II, et la foule en avant de la scène était en mode festif !

 

Les petits bémols

Un spectacle de la St-Jean ne sera jamais parfait, forcément.

La principale faiblesse de la soirée, c’est la fausse bonne idée d’inclure des citations de poètes en surimpression ici et là sur les écrans géants. Sur papier, c’est un beau concept qui met en lumière certaines des plumes les plus pertinentes du Québec. Sauf que la personne en charge de faire apparaître ces citations sur les écrans ne semblait pas trop savoir quoi en faire.

À quelques reprises, des citations apparaîssaient durant 2 secondes, et hop, ça disparaissait avant qu’on ait le temps de lire.

Certaines juxtapositions étaient limite comiques, comme celle-ci :

Faut bien donner une chance à la lumière

– Elisapie

Très joli, mais on se demande pourquoi c’est apparu durant que Fouki s’amusait à prononcer « Bonne St-Han » sur l’Autotune.

Quelques enchaînements de chansons fonctionnaient plus ou moins, aussi.  On a beau ADORER Les Louanges, et sa chanson Panthère : ça plombait l’ambiance après une présence électrisante de Hubert Lenoir. D’ailleurs, on ne comprend pas trop pourquoi les canons à confettis ont été utilisées durant cette chanson posée, calme et somme toute sensuelle.

Le discours patriotique, qui prenait la forme d’une très jolie correspondance entre Michel-Marc Bouchard et Caroline Dawson (mais lue par Samian et Sarahmée), était un brin trop longue et perdait en efficacité.

Pas trop sûr que Mon pays en mode disco soit à son plus efficace non plus.

 

Hommages aux disparus

On ne crachera toutefois pas trop dans la soupe, parce que non seulement la soirée était globalement très réussie et agréable, mais les clins d’oeil ont été faits avec respect et tact.

Chapeau à Isabelle Boulay et Krystel Mongeau (gagnante de Star Académie 2022, et invitée surprise ce soir) pour une version sobre et bien sentie de J’ai un amour qui ne veut pas mourir, popularisée par la regrettée Renée Martel.

L’hommage à Karim Ouellet, en toute fin de spectacle, était également émouvante et bien dosée. Patrice Michaud, Hubert Lenoir et une Klô Pelgag à la gorge visiblement nouée par l’émotion, ont interprété L’Amour et Karim et le loup avec le bon ton.

Dans l’ensemble, la Fête nationale de Laval aura une fois de plus été une excellente option pour célébrer notre journée nationale en musique, sans remâcher les sempiternels classiques québécois. Ne serait-ce que pour avoir la chance d’assister à un duo Fouki / Isabelle Boulay, voir Sarahmée visiblement émue d’être acclamée à tout rompre après une semaine passablement éprouvante, ou assister à du bodysurfing de Hubert Lenoir, ça valait le déplacement !

* Photo par Vincent Girard.

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