Entrevue avec Philippe Brach | La beauté du chaos
Couronné Révélation de l’année à l’ADISQ et prêt pour sa rentrée montréalaise au National ce jeudi 19 novembre, Philippe Brach est le petit frisé le plus en vogue de la scène montréalaise. Sors-tu.ca l’a rencontré devant un Americano dans le plus petit café de Montréal.
https://www.youtube.com/watch?v=yvpaQ-_lA-A
Quand Bouchard devient Brach
C’est son folk aux tournures grunge, bourré de mots poignants, et ses talents de conteur qui lui ont valu la première place des Francouvertes 2014. Il s’est alors empressé de sortir son premier album La foire et l’ordre, nommé à l’ADISQ dans la catégorie du meilleur album folk. S’ensuit une année de tournée avec plus de 80 représentations. Il adore vivre ses premiers spectacles et la réception progressive des gens.
Ce début de carrière se mélange à la composition de son deuxième album. « J’ai pas de pattern, j’ai pas de mécanique de travail, j’ai pas de workflow. Des fois ça part de moi, c’est très personnel, des fois c’est fictif total, des fois c’est de l’auto-fiction aussi. »
Louis-Jean Cormier se prête à la réalisation de son dernier album, expérience formatrice pour Brach : « C’est quelqu’un qui marche beaucoup avec des références, c’que j’avais pas avant, pour trouver des directions. Pis quand y faut que tu clutches rapidement, pis t’es avec des musiciens qui sont capables de jouer, d’avoir des références de même c’est assez efficace. »
Reste que, pour lui, sa musique c’est « un peu du chaos, de quoi de très gentil avec des cassures, des clashs, des clivages. C’est comme si tu prenais une belle toile, pis que tu câlissais une belle grosse trace de peinture dessus. » C’est pourquoi on peut retrouver une structure irrégulière sur cet album, avec Portraits de famine en introduction instrumentale, Bonne journée en a cappella, et Divagation parlementaire en segment théâtral. Résultat? Un album à écouter à répétition.
Portraits de famine
« J’aime bin gros travailler sur des détails que le 3/4 du monde verront pas, mais qu’on s’est forcé pour le faire. Dans tout ce qu’on fait, il y a tout le temps des p’tites twists », soutient-il en parlant de son nouvel album. Le titre de l’album, c’est un jeu de mots qui résonne avec le contenu, puisque plusieurs chansons explorent la famine ou les carences : « L’album était quand même dark/deep, je voulais une pochette qui était quand même très légère, qui relevait un peu de la blague. »
Il se retrouve avec une couverture qui nous rappelle sa chanson Dans ma tête (sur La Foire et l’ordre), puisque l’on peut y retrouver le profil de sa tête échevelée, qui contient un portrait des quatre membres d’un idéal de famille dysfonctionnelle, tous interprétés par nul autre que lui : « C’est peut-être quatre côtés de ma personnalité, il y en a d’autres par exemple…la famille est plus élargie. » Reste-t-il qu’il ne s’agit que d’une simple famille, puisque ces concepts deviennent complexes dans leur légèreté : « Souvent dans ce que je fais, faut soit que tu cherches pas trop loin ou que tu cherches trop loin, c’est rare que c’est au milieu. »
Philippe nous gâte même avec une mini-biographie des personnages :
- « T’as l’oncle, qui a fait la guerre, pis qui est comme le porte-parole de la famille, parce que c’est lui qui parle. C’est lui le meilleur, qui contrôle c’qui faut pas qui sorte d’la famille. Faque c’est lui le porte-parole, personne d’autre : tout le monde se ferme la gueule.
- T’as le père qui est là, qui a travaillé fort toute sa vie, pis y veut pu se faire chier avec sa situation, faque y’est un peu mort.
- T’as la mère qui est vraiment la surface, qui est vraiment elle. Elle sourit peu importe ce qui se passe comme si y’avaient une belle famille. Elle vit dans le déni, comme plusieurs mamans.
- Pis t’as l’ado complètement cancellé, qui fait ce qu’on lui dit mais dans le fond, y’a pas de QI… En tout cas, c’t’en bas de 70. »
« Tout ce que je fais dans vie, faut que ça soit narratif »: pour jouer davantage dans les détails et rassasier sa soif de narration, un livre à colorier avec des images de Philippe dans des situations absurdes sera disponible en décembre. « Bien gelé comme concept », rit-il.
Rentrée montréalaise
Parmi les spectacles qui n’arrêteront plus, il trouve quand même le temps de penser à son prochain album, puisqu’il a toujours une ligne directrice floue en tête. « Je sais autant où ce que je m’en vais avec le troisième que je savais où je m’en allais avec le deuxième, c’est-à-dire que je pense que je vais aller là, pis finalement ça va aller ailleurs », soutient-il. À l’horizon: beaucoup de chorale et de voix, puisqu’il est un fan de gospel, des twists de mélodies différentes, et une grande éventualité de dérape vers du garage électrique.
En rétrospective sur sa dernière tournée pour La foire et l’ordre, Philippe mentionne qu’il a appris bien des choses qui pourront le préparer à l’année chargée qui arrive. « Pas trop te saouler. Faire confiance aux gens aussi », sont ses mots d’ordre pour les prochains mois. « Je ne sais pas si ça va me servir parce qu’on est des jeunes cons. »
Pour sa rentrée montréalaise ce jeudi au National, on aura droit à son spectacle habituel, mais beurré avec biens des cordes, puisqu’ils seront une dizaine de musiciens sur scène. On peut s’attendre à du beau, du sonore, et du musical: « ça va être le show le plus proche de l’album, avec bien de la marde sur le stage aussi. » Ce qui est assuré, c’est que le côté conteur de l’artiste sera de l’avant pour nous faire rire entre chaque chanson: « C’est ce qui rend le show unique. Tsé, la toune, côté musical, c’est du pareil au même un peu de chaque show, tandis qu’au moins avec les interventions ça change. »
Pour Philippe Brach, c’est une belle journée pour mettre le feu.
Pour rassasier votre soif d’humour d’ici jeudi, ses capsules La musique pour les cons, dans lesquelles on retrouve son idéal de famille dysfonctionnelle et même Guy Richer sont pas pires du tout:
- Artiste(s)
- Philippe Brach
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Le National
- Catégorie(s)
- Folk,
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