crédit photo: Benoit Paillé
Klô Pelgag

Entrevue avec Klô Pelgag | Invoquer Abracadabra, d’un coup que ça réglerait tout…

À la veille de la sortie de son quatrième album Abracadabra, Klô Pelgag a convié ses fans, ses collaborateur·ices et ses ami·es à une écoute immersive et intime de ses nouvelles compositions, dans la Satosphère, le dôme de 18 mètres de diamètre de la Société des arts technologiques. Des dizaines de poufs noirs étaient dispersés, prêts à accueillir celles et ceux qui avaient choisi de s’isoler des distractions de la vie pour se consacrer pleinement, dans l’obscurité, à l’écoute exclusive de ce nouvel opus. Quelques minutes avant de découvrir l’album, Sors-tu? a eu l’occasion de jaser avec Klô Pelgag.

L’envie de créer des moments spéciaux pour les gens

Interrogée sur l’intention derrière cette séance d’écoute originale, celle qui cumule 20 Félix aux Galas de l’ADISQ répond:

J’avais juste envie de célébrer cela [le travail qui a été fait par tout le monde sur l’album] avec les gens de la communauté dans le fond, [ceux] qui ont envie d’écouter ça ensemble. Plus je vieillis en faisant ça, plus j’aime l’esprit de communauté qui se forme autour de la musique qu’on aime, plus j’ai envie de créer des moments spéciaux pour les gens, en pensant à eux.

Cette envie croissante de faire du bien en vieillissant revient d’ailleurs plusieurs fois au cours de l’entretien. Lors de la création de son premier album, L’alchimie des monstres paru en 2013, elle confie : « Je n’étais pas en mode de faire du bien ». Mais avec le temps, elle a pris conscience de l’impact positif que sa musique pouvait avoir sur certaines personnes. Progressivement, il y a eu une prise de conscience et elle a ressenti l’envie « de partager, plutôt que de garder pour moi ». La maternité l’a d’ailleurs « rapprochée des gens ».

Contrairement à certains artistes qui voient la musique comme une tribune pour exprimer tout haut leurs réflexions et convictions, Klô Pelgag ne se considère pas comme « une personne qui a tant de choses à dire » ou ressentant le besoin de crier « écoutez-moi ». « Je m’exprime à travers la musique, c’est un peu quelque part un accident que ce soit cela mon médium », confie-t-elle. Sensible aux iniquités, aux violences, aux génocides et à l’itinérance, elle aurait opté pour une carrière dans le travail social si son talent et sa créativité ne l’avaient pas poussée vers la musique.

* Photo par Benoit Paillé.

Abracadabra (d’un coup que)

C’est d’ailleurs dans le désir d’effacer les injustices que prend racine le titre de son quatrième album, Abracadabra. Elle a voulu « prendre une formule convenue, de la dire, de l’agiter dans le monde, au cas où cela marche, que ça règle des problèmes. » Comme une incantation, presque sans y croire, elle invoque « une force inimaginable et hors de notre contrôle, mais qui en l’invoquant réglerait tout et qui rendrait le monde plus beau, et pour tout le monde ».

Dans cet album, elle explique qu’il y a « beaucoup de moments [où] il y a quelqu’un pour rassurer, pour consoler ». Ce désir d’être présente pour les autres, de les soutenir, transparaît dans chacun des textes qu’elle a écrits. On ressent une intimité, une proximité qu’on n’avait pas encore eu l’occasion de vivre dans ses précédents albums. Elle s’adresse à ses proches, ses amis, sa famille. Et même si c’est elle, la narratrice de ces histoires, l’écoute et la compassion transcendent la simple relation personnelle.

L’album s’ouvre avec Le sang des fruits rouges, une pièce quasi instrumentale, où seuls quelques chœurs ajoutent une texture subtile à l’ambiance électronique feutrée. Mis à part Libre, qui rappelle la sonorité de son précédent album Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, Abracadabra nous dévoile un univers sonore entièrement nouveau. Premier album qu’elle réalise elle-même, en plus de l’avoir écrit et composé, elle se permet d’explorer de nouveaux horizons musicaux, pour le plus grand plaisir de ceux et celles qui la suivent depuis plus d’une décennie.

Dès les premières écoutes, Coupable se distingue par son refrain céleste agrémenté de flûtes, tandis que Sans visage, avec ses sonorités médiévales, nous envoûte presque en état d’hypnose. Les puits de lumière s’inscrirait dans la lignée de la chanson française traditionnelle, si ce n’était pour les synthétiseurs qui ancrent le morceau dans la modernité. La très dansante Deux jours et deux nuits surprend et sera probablement très bien rendu sur scène. Enfin, Pythagore capte l’attention par sa mélodie accrocheuse et l’intégration harmonieuse des violons aux synthétiseurs.

Sur une note très personnelle, l’autrice de ce texte est très ravie que les violons n’aient pas disparu des arrangements sonores. Les violons et les synthétiseurs, une formule aussi grandement utilisée par Björk, font bon ménage.

Quels morceaux Klô Pelgag a-t-elle le plus envie de jouer sur scène ? Pythagore, Libre et Lettre à une jeune poète, une chanson adressée à sa fille. Mais, dit-elle, « la vie [d’un album] sur scène, c’est complètement autre chose. »

* Au Festif! de Baie-Saint-Paul en 2023. Photo par Pascal Leduc.

Le paradoxe d’être maximaliste et minimaliste

Lors d’une session de questions et réponses organisée dans le cadre de la séance d’écoute à la SAT, Klô Pelgag a confié ressentir de plus en plus l’envie de monter sur scène. C’est un moment unique pour constater l’impact de sa musique sur le public : les lèvres qui bougent en synchronie avec ses paroles, la magie dans les yeux des spectateurs… autant de signes qui la nourrissent. Les spectacles, pour elle, sont avant tout des occasions de donner, de partager. « C’est comme un passage de toi à l’autre. La chanson ne t’appartient plus, elle devient le passé pour moi et le présent pour quelqu’un d’autre. Je trouve cela vraiment beau et magique. »

En novembre dernier, Sors-tu? écrivait à propos de son spectacle solo à l’Église Saint-Denis, dans le cadre du Festival Triste : « Klô Pelgag nous a habitués à jouer le rôle de la maîtresse d’œuvre des images que projettent ses chansons par des scénographies riches et éclatées. D’ordinaire, elle nous partage son imagination et laisse peu de place à la nôtre. Hier, les rôles se sont inversés. »

* Klô Pelgag en solo à l’Eglise Saint-Denis en novembre 2023. Photo par Pierre Langlois.

En lui demandant ce qu’elle pensait de ce contrôle d’image qu’habituellement elle exerce, elle dit que la conception de spectacles consiste à « créer une extension de moi, visuellement ce qu’il y a dans ma tête, ce que j’aime, ce qui me fait rire. De créer une dimension scénique à cela ». Or, elle admet ne pas toujours avoir l’occasion de créer des spectacles à grand déploiement, comme cela avait été le cas pour la tournée en soutien à l’album Notre-Dame-des-Sept-Douleurs.

D’ailleurs, elle a appris à apprécier les formules plus simples, comme celle du Festival Triste, où elle est arrivée « avec rien, le piano [était] sur place, l’opposé d’une tournée avec un groupe. […] Je n’avais pas de setlist, c’était comme si j’étais dans le salon avec des amis. »

Elle avoue candidement que ce paradoxe la définit bien : elle incarne à la fois le maximalisme et le minimalisme. Et c’est probablement cette dualité qui fait d’elle une artiste si fascinante. Elle est aussi authentique dans la simplicité que dans l’extravagance.

En attendant de voir ce que donnera Abracadabra en spectacle au MTelus ce printemps (par ici les billets), Abracadabra est maintenant disponible sur les diverses plateformes ainsi qu’en formats physiques. Détails par ici.

Klô Pelgag sera aussi en spectacle aux quatre coins du Québec dès février, de Saint-Jean-sur-Richelieu à Brossard, en passant par la Salle André-Mathieu de Laval, le Zaricot de Saint-Hyacinthe, la Salle Odyssée de Gatineau et plusieurs autres villes. Toutes les dates par ici.

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