crédit photo: Charline Clavier
Anatole

Entrevue avec Anatole | Adieu, cher Anatole

Anatole, c’est fini. Enfin, pas encore, mais le projet d’Alexandre Martel ne donnera plus que deux spectacles avant que son Soleil Noir ne s’éteigne pour de bon. Après presque dix ans d’exubérance, de métamorphoses, de folies et de revirements, Anatole foulera pour la dernière fois la scène du Gesù ce soir, et celle de l’Impérial Bell de Québec le 29 février prochain.

Alors, Anatole, ça t’a fait du bien de te glisser dans la peau d’un alter ego toutes ces années?

« Oui, et non, j’imagine. Au début, il y avait quelque chose de très libérateur, mais de très terrifiant à la fois. Le groupe entier, on avait quand même l’impression à l’époque de toucher à quelque chose qui avait un écho chez les gens, qui n’était pas forcément proposé par d’autres personnes à ce moment-là », explique l’artiste, en entrevue avec Sors-tu?.

* Anatole aux Francouvertes, en 2015. Photo par Shanti Loiselle.

La question brûle pourtant les lèvres de tous ses fans : pourquoi est-ce la fin, pourquoi maintenant?

« [Le projet] est devenu une source de pression, laisse tomber Anatole. Rapidement, c’est comme si en voulant déjouer les attentes des spectateurs, en n’offrant pas ce que les gens ont l’habitude de recevoir, on créait une nouvelle série d’attentes. C’était voulu, qu’un spectacle soit de plus en plus gros, poursuit-il. C’était quoi la prochaine idée, c’était quoi le prochain costume? La volonté de ne pas se répéter, de constamment être en mouvement, ça nécessitait de toujours y penser, de toujours se métamorphoser, mais en ayant peur que la prochaine métamorphose soit moins bonne que la précédente. »

« Je me suis vraiment tanné de ça, c’est devenu un peu… un peu lourd », confie Anatole, rempli d’honnêteté.

 

Rétrospective

Alexandre Martel a débuté dans le milieu à travers le groupe Mauves à la fin des années 2000. Voulant se lancer en solo, l’artiste a opté pour un personnage extérieur haut en couleur.

« Je n’avais pas envie qu’on se dise  »ce sont les tounes de Mauves que le groupe n’a pas retenues et qu’Alex fait en solo ». Je voulais qu’il y ait une coupure claire entre les deux projets pour que ces questions-là ne se posent pas », lance Anatole.

Préférant d’abord prendre une place discrète, derrière un fauteuil de réalisateur, Martel a trouvé un réconfort dans les costumes et le maquillage d’Anatole.

« Ça m’a permis d’être vraiment plus libre et de pouvoir incarner des choses que je n’aurais sûrement pas assumées si je ne jouais pas sous ce nom », dit-il.

« C’était important pour moi que si on me croisait dans la rue le lendemain d’un spectacle, on ne puisse pas faire le lien entre les deux personnes. Que l’effort de transition soit très visible, très marqué. Le comportement et l’apparence physique étaient tellement loin de ce que je suis dans la vie que je me sentais protégé, à l’abri des remontrances », raconte le musicien.

* Anatole au Verre Bouteille, en 2019. Photo par Camille Gladu-Drouin.

Anatole a lancé trois projets longs au cours de sa carrière. L.A. Tu es des nôtres, en 2016, Testament, en 2018, et Alexandre Martel il y a un an et demi. La pochette de son album le plus récent affiche la tête du musicien sans maquillage et porte son nom de naissance. Comme si l’Anatole d’Alexandre Martel essayait de faire tomber son masque pour présenter une version plus épurée et pure de l’artiste.

« C’était porté par une volonté de construire une posture, une posture à l’opposé de ce qu’on avait fait par le passé », souligne Anatole.

Si Alexandre Martel n’avait d’abord pas été pensé dans l’optique d’une finalité de son projet, le concept de son troisième et dernier album concorde à merveille avec l’adieu d’Anatole. Et également avec les deux spectacles ultimes de la tournée Soleil Noir, au Gesù et à l’Impérial Bell.

Celui qui avait fait le bonheur de bars ténébreux à travers le Québec conclura la belle histoire avec une disposition à grande échelle, calme et assise. Anatole avoue que c’est une manière de contourner les attentes, ironiquement, avec une proposition complètement à l’encontre du grandiose passé.

« On présente la majeure partie du dernier album, mais on revisite aussi de vieilles chansons dans des réarrangements qui se prêtent bien à la formule acoustique », indique Anatole.

L’artiste vante la conception des éclairages des deux derniers concerts. « C’est la dimension visuelle du spectacle qui va vraiment être l’apport par rapport au reste de la tournée. C’est un exercice d’ombre, de lumière, de lignes claires. C’est comme une espèce de manifestation lumineuse des idées qui traversaient l’album », explique l’artiste québécois.

Vous pouvez encore vous procurer des billets en cliquant ici (Montréal) ou ici (Québec).

 

Épauler la relève

Si le projet d’Anatole a pris une place majeure dans la vie de Martel depuis ses débuts, c’est bien la réalisation qui occupait déjà la plus grande partie de son quotidien. « 90% » de ses activités musicales, selon les propres estimations de l’artiste.

Martel a notamment réalisé ces dernières années les albums d’Hubert Lenoir, de Lou-Adriane Cassidy (sa conjointe) et de Thierry Larose. Anatole tient de doux mots pour cette nouvelle génération de musiciens.

« Je suis vraiment plein d’admiration pour ces artistes-là. Je me considère très chanceux de pouvoir travailler avec certains d’entre eux », dit Anatole.

« Ce ne sont plus des gens qui sont nécessairement pris dans l’idée qu’avoir du succès, c’est peut-être moins bien que de ne pas en avoir. Que l’on ne perd pas forcément quelque chose dans l’authenticité de la démarche ou dans la pertinence de la démarche si on finit par toucher un plus grand public », mentionne-t-il à l’égard cette nouvelle génération.

« C’est aussi de la musique qui parle aux jeunes, on le voit dans les spectacles. »

Le Roy, la Rose et le Lou[p], super-groupe composé d’Ariane Roy, Thierry Larose et Lou-Adriane Cassidy, représente cette résurgence de la fierté québécoise à ses yeux. Martel agit d’ailleurs en tant que directeur musical du projet.

« La volonté derrière ça, c’était de dire : […] nous sommes les nouveaux Félix Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois. Eux, ce sont les idoles du passé, mais aujourd’hui, on est en train d’écrire la nouvelle légende, la nouvelle histoire. C’est important pour chaque génération d’avoir ses propres artistes phares. C’était ça, la volonté. »

* Le Roy, la Rose et le Lou[p] au Club Soda, en 2023. Photo par Morgane Dambacher.

Alexandre Martel rangera pour de bon son alter ego, et ne sait pas s’il reprendra un jour les devants de la scène sous une autre forme.

« Je n’ai pas l’intention d’écrire des chansons de manière rapprochée, mais je n’ai pas nécessairement la décision définitive prise par rapport à ça. »

Mystère et boule de gomme. En attendant, on salue et on remercie Anatole pour tous ces beaux instants partagés.

À la prochaine, à ce soir.

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