crédit photo: Marc-André Mongrain
Robert Plant et Alison Krauss

Bluesfest d’Ottawa 2023 – Jour 3 | Robert Plant et Alison Krauss concluent leur tournée mondiale sur les Plaines Lebreton

Les légendaires Robert Plant et Alison Krauss concluaient samedi soir leur tournée mondiale sur les Plaines Lebreton à Ottawa. Après plusieurs mois de tournée marqués par quelques annulations récentes en raison de la santé fragile de Krauss et de la mauvaise qualité de l’air en Ohio, les deux collègues et leurs musiciens ont terminé la série de spectacles avec une performance relevée et pleine de nuances, inspirée des divers courants musicaux qui ont précédé les styles qu’ils ont eux-mêmes exploités tout au long de leur carrière respective, c’est-à-dire le rock’n’roll des années 1950, le country, le bluegrass et le blues.

On connait bien Robert Plant. Chanteur de Led Zeppelin, il a marqué au fer rouge l’histoire du rock’n’roll et sans surprise, plusieurs des gens présents sur les Plaines en ce samedi soir portaient des gaminets à l’effigie du mythique groupe anglais. En tant qu’artiste solo, la foule ottavienne avait pu le voir à l’oeuvre lors du festival CityFolk en 2019. Mine de rien, il a maintenant 74 ans.

Alison Krauss, elle, est un peu moins connue au Canada, et pourtant… Chanteuse et violoniste country bluegrass, elle s’est démarquée en solo dès les années 1980, en plus de faire carrière au sein du groupe Union Station depuis maintenant 35 ans. Beyoncé a récemment battu son record pour le plus grand nombre de prix Grammys remporté par une artiste féminine. C’est un monument au Sud de la frontière. Elle est âgée de 51 ans.

Parallèlement à leurs carrières respectives, Plant et Krauss ont fait équipe une première fois en 2007. Fans l’un.e de l’autre, ils ont uni leurs forces pour un premier album intitulé Raising Sand qui a remporté le prix Grammy de l’Album de l’année, rien de moins, en 2009. Douze ans plus tard, ils récidivaient avec un deuxième disque, Raise The Roof.  On peut se demander ce qu’ils raiseront la prochaine fois!

Sur disque, l’harmonie de leurs voix est remarquable, mais c’est véritablement en live qu’on peut constater à quel point ces deux personnes sont faites pour chanter ensemble.

Dès l’interprétation de Rich Woman et Fortune Teller, toutes deux tirées du premier album, la magie opère : la voix cristalline de Krauss, toujours juste sans être froide, se marie parfaitement au timbre si unique de Plant, qui oeuvre désormais davantage dans les basses. On peut le comprendre. À 74 ans, on ne s’attend pas à réentendre ses fameux cris aigus de la belle époque de Led Zep.

Et c’est là où les arrangements du projet Plant/Krauss brillent : les relectures des quelques chansons de Led Zeppelin permettent à Robert Plant d’utiliser le registre vocal qui convient à son âge, tout en laissant Alison Krauss monter dans les aigus pour créer une nouvelle force mélodique à ces titres si connus.

Musicalement aussi, c’est très créatif : Rock ‘n’ Roll prend désormais des savoureux airs country, alors que Gallows Pole est réhaussée d’un mordant rock étonnant. The Battle of Evermore est presque intacte, mais embellie par la présence de Krauss, alors qu’une version épique de When The Levee Breaks conclut la performance avec force.

On ne souligne ici que les chansons de Led Zeppelin, mais tout le matériel qui l’entourait était de haute qualité et apportait une diversité d’approches intéressante. High and Lonesome (co-écrite par Plant et T-Bone Burnett) est charmante comme tout, alors que les enthousiasmantes Can’t Let Go (premier single de Raise the Roof), Gone Gone Gone (des Everly Brothers) et In the Mood (tirée du deuxième album solo de Robert Plant, en 1983) donnent du pep dans le soulier!

Un peu statiques sur scène, on devine que les deux artistes ont de la tournée dans le corps et s’investissent davantage dans leur performance vocale. Le décor invite d’ailleurs à accepter une certaine fixité, et on ne peut s’empêcher d’imaginer à quel point ce spectacle était davantage conçu sur mesure pour une salle de spectacle adéquate (comme la Place des Arts, comme ce fut le cas la veille dans le cadre du Festival de Jazz) que pour une scène extérieure.

On regrette aussi un peu de ne pas avoir pu entendre leur savoureuse version de Quattro (World Drifts In) de Calexico, ou encore quelques titres d’Union Station, mais bon, l’occasion était belle pour voir et entendre ces deux talents d’exception en union musicale quasi-parfaite, et entendre des titres d’un certain groupe légendaire en versions complètement revisitées, mais tout de même avec la voix originale au chant.

Au moment de dire aureveoir, un membre de l’équipe technique est arrivé sur scène pour prendre une ultime photo du groupe avec la foule en arrière-plan. « Would you please do something interesting while we take a picture, please ? » de demander Plant avec son phrasé si élégant, avant de conclure par un très British « Carry on » une fois la photo prise.

Selon nos informations, Robert Plant et Alison Krauss annonceront toutefois plusieurs autres dates de spectacles pour 2024.

Blackie and the Rodeo Kings

L’équipe de programmation du Bluesfest d’Ottawa avait de l’ordre dans les idées en programmant Blackie & The Rodeo Kings sur la même scène plus tôt en soirée. La formation ontarienne est formée du vieux bum Tom Wilson (ancien chanteur du groupe Junkhouse), du pétillant artiste solo Stephen Fearing et du guitariste Colin Linden, qui a travaillé notamment avec Bruce Cockburn, Lucinda Williams et le susmentionné T-Bone Burnett.

 

On se trouve encore une fois en territoire country rock alternatif, fortement infusé de folk et de blues.

Si l’on se pâmait sur la complémentarité des voix de Plant et Krauss ci-haut, on peut pratiquement en dire autant du jeu de guitare des trois comparses.  Ça y va par là avec les trois vétérans, qui prennent visiblement un plaisir fou à jouer ensemble.

Comme si ce n’était pas assez, Blackie & The Rodeo Kings nous ont partagé quelques titres avec des membres de leur « communauté musicale », soit la chanteuse et guitariste blues de Saskatoon, Suzie Vinnick, et le légendaire musicien canadien Daniel Lanois, un peu en retrait, mais non moins content d’être là.

De très beaux moments de folk-country à la Canadienne.

Parlant de Canadiens, on a aussi enfin pu voir la formation jazz-rap ottavienne BlakDenim sur la scène River.

On entendait et lisait beaucoup de bonnes choses à leur sujet, notamment qu’ils avaient pu travailler avec DMC de Run DMC, ce qui est un seau d’approbation pour le moins remarquable.

Sur scène, la troupe est sympathique, et tente d’engager la foule dans son spectacle avec un certain succès, notamment lors d’une improvisation effectuée à partir d’un thème et de mots fournis par les gens du public. Quand le MC Precise Kenny Creole s’est fait suggérer d’intégrer l’expression « bad bitches » à son petit jeu, il s’est habilement débrouillé en créant une « no cancel dance », semant le rire de l’auditoire.

Une reprise de All the Way Up de Fat Joe et quelques chansons originales ont marqué cette performance sympathique, qui laisse croire que le groupe a un potentiel certain.

Le Bluesfest d’Ottawa se poursuit dimanche avec Death Cab For Cutie, Tegan and Sara et Bran Van 3000, avant de faire relâche lundi et mardi.

Nous serons de retour sur place pour la couverture de la deuxième portion du festival, dès mercredi, avec les Foo Fighters.

 

Photos en vrac

Blackie & The Rodeo Kings

BlakDenim

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