Festival international de Jazz de Montréal 2025 – Jour 2 | Lorsque folie rime avec génie (The Budos Band et Secret Chiefs 3)

Début avril, lorsque Secret Chiefs 3 a annoncé sa tournée avec The Budos Band, plusieurs mélomanes espéraient que le duo de choc s’arrête au Québec. Une semaine plus tard, SC3 confirmait que le groupe s’arrêterait au MTelus le 28 juin (en première partie du groupe new yorkais), avant de voler de ses propres ailes vers la Vieille Capitale (deux shows, ce soir et demain) pour ensuite monter au Saguenay, afin de participer à un dynamique festival auquel TBB a par ailleurs pris part en 2023, La Noce (évidemment que Sors-tu y sera également!).

IPA de la Côte Ouest (pour Impressionnant, Puissant et Arabisant)

Il faut savoir que Secret Chiefs 3 est le groupe de Trey Spruance, le guitariste-fondateur du groupe culte Mr. Bungle (et de Faxed Head), ayant aussi enregistré avec et/ou produit des disques de Faith No More, John Zorn, Tub Ring, Imperial Triumphant, Melt Banana et plus encore. Bref, le gars est ni plus ni moins qu’une légende de l’underground expérimental.

Fondée il y a déjà trois décennies, la troupe à géométrie variable est passée dans la belle province à sept reprises, de la toute première (aux Foufounes Électriques avec Estradasphere, en 2000) jusqu’à la dernière (à Santa Teresa en 2017), incluant de mémorables concerts en 2011 (au FME et à Montréal), en 2013 et en 2014. Et à chaque fois, fans et curieux n’en croient pas leurs yeux ni leurs oreilles, tant la proposition musicale est incroyable. C’est que SC3 métisse différentes inspirations dans leur bruyant trip, incluant trames cinématographiques (entre Ennio Morricone et Goblin) et musiques arabisantes, sombrant parfois (souvent) dans un bouillonnant métal en fusion, aussi extrême qu’atypique.

Et c’est exactement ce qui est arrivé samedi soir, alors que la formation a livré un concert extraordinaire, voire spirituel, alors qu’on tomba dans une puissante transe, où les mots peine à expliquer à quel point leurs performances se veulent transcendantes. Le genre d’expérience qui se vit, du type « y fallait être là » (comme le mythique passage de Mr. Bungle dans la même salle il y a un peu plus de 25 ans).

Cette fois-ci, Spruance, armé de ses multiples guitares (dont une à 9 cordes!), était accompagné d’un quatuor de musiciens d’exception. Si le violoniste Timb Harris (Estradasphere) brillait par son absence, on retrouvait deux autres membres en règle du collectif SC3, soit le claviériste Matt Lebofski (Mumble & Peg, John Zorn, Igorrr) et le guitariste Jason Schimmel (Estradasphere, Red Fiction/Atomic Ape, Dead Cross), de même qu’une section rythmique recrue, composée du bassiste Joe Lester (Intronaut) et du batteur Pej Mon (Toshi Kasai, Specimen Box). Pas des manchots, oh no, mais tous deux vêtus de tuniques monastiques pour un maximum d’effet mystique.

Pendant une quarantaine de minutes, entre deux pièces du dernier album de SC3, le groupe offrit un petit survol de sa discographie, en interprétant notamment la puissante Vajra, ainsi qu’un trio de pièces tirées de l’album des Traditionalists (la délicieusement tordue trame sonore d’un giallo fabulé), avec Spruance au deuxième clavier. Avant qu’on les laisser aller, le quintette brilla pendant la pièce d’Ishraqitun The 7, se fendant d’envolées aussi spectaculaires que cinglées, au grand plaisir de toute la maisonnée.

Or, le moment clé du show a été offert par un Québécois. Euh… quoi? Eh oui, était sur scène le gueulard aux cordes vocales élastiques qu’est ce rastaquouère de Youri Raymond. En plus d’avoir un temps tenu la guitare et la basse pour Cryptopsy, le vocaliste émérite et fondateur du groupe de metal extrême Unhuman est également membre d’Holy Vehm, l’un des sept (!) groupes satellites de SC3, qui figuraient sur l’album Book of Horizons (2013).

Qui plus est, en plus d’assister à la toute première performance en concert de Raymond avec SC3, la foule n’eut pas droit aux pièces de l’album de 2013 mais plutôt à deux toutes nouvelles compositions d’Holy Vehm, présentées en primeur mondiale à Montréal. Et sachez que c’était aussi génial que brutal. Sale, sombre et méchant en sacrament. On a déjà hâte d’entendre ce qu’ils nous préparent pour la suite, alors qu’on parie que SC3 sont repartis avec de nouveaux fans venus voir le groupe principal.

SC3 – Liste des pièces :

1. Spirit Intelligentiae: Jophiel**
2. Tistrya***
3. ‘Bionic Caveman’*
4. Vajra*****
5. ‘iGod’ avec Youri Raymond*
6. ‘Cali Book’ avec Youri Raymond*
7-8-9. RFID Slaverider*** / Codex Alimentarius*** / Agenda 21***
10. The 7** (‘Brazen Serpent’)

*Nouvelles pièces
**Ishraqitun: Perichoresis (2014)
***Book of Souls: Folio A (2013)
****Traditionalists: Le Mani Destre Recise Degli Ultimi Uomini (2009)
*****Book M (2001)

NEIPA (ou New yorkais et Émérites Individus Progressivement Attachants)

Comme on le disait plus haut, les gars de The Budos Band n’étaient pas non plus étrangers aux festivals québécois. En plus d’avoir été deux fois de la programmation du FEQ, on les a vus à La Commission B l’an dernier, alors qu’hier soir, c’était leur deuxième fois au Festival International de Jazz de Montréal. C’est à 21h45 que le septet débuta son set de pur bonheur instrumental, alors que les sourires fusaient autant sur scène que dans la salle. En fait, bien que leur musique emprunte surtout au blues et au jazz groove, l’énergie des musiciens se réclamait davantage de celles des groupes de rock classique et progressif. En quelque sorte, ce sont des rockeurs déguisés (pas tant) en jazzmen, ou encore des Blues Brothers mais en plus bum.

Au-devant de la scène, nous avions la section de cuivre formée de deux trompettistes en lunettes de soleil, un à casquette au look de Beastie Boys (Eric Biondo) et l’autre en t-shirt de Voïvod et aux cheveux longs (l’enthousiaste porte-parole Andrew Greene), et un saxophoniste (Jared Tankel au baryton). Le power trio était encadré d’un claviériste barbu avec une coupe style moppe (Mike Deller à l’orgue Hammond B3) et d’un guitariste chevelu rappelant Pag (Thomas Brenneck, qui se faisait joyeusement aller la pédale wahwah). Derrière, s’activait sans peine ni heurt derrière son kit le batteur (Brian Profilio), alors qu’arpentait la scène le flegmatique et hirsute bassiste (Daniel Foder), qui était tellement le fun à voir aller.

Comme si vous aviez passé dans un filtre à lampes la basse vrombissante de Cypress Hill époque Black Sunday et le boogie du Clutch d’aujourd’hui, en y ajoutant les claviers de The Doors et un peu de Black Sabbath (après tout, c’est The Budos Band qui accompagnait le regretté Charles Bradley sur sa reprise de Changes).

Lorsqu’il prenait le micro, Monsieur Voïvod nous disait adorer le métal canadien (ben kin!), les grands espaces verts et les animaux sauvages (!), lorsqu’il ne tarissait pas d’éloges envers les fans québécois. Ah, et il nous a aussi enseigné une désopilante chanson à répondre, pendant que ses collègues se marraient en le filmant avec leurs téléphones. C’est qu’une franche — et fortement contagieuse — camaraderie régnait sur scène. À tout bout de champ, les gars se donnaient des bines, se faisaient des high-five ou levaient leurs bières à notre santé. Du gros fun sale, où il faisait bon jammer. Parfois lancinant, souvent dansant, leur groove était irrésistible, indubitablement. Au programme, les gars nous ont offert leur dernier album (VII, sorti il y a à peine quelques jours) presqu’en entier, et plusieurs titres tirés des albums précédents. C’est pas mêlant, même après une perfo d’une heure et demie, on en aurait repris quasiment autant!

TBB – Liste des pièces :

1. Thrice Crowned (7)
2. Overlander (7)
3. Night Raid (7)
4. Old Engine Oil (5)
5. The Sticks***
6. Chicago Falcon (2)
7. Black Venom (3)
8. Escape From Ptenoda City (7)
9. TIBWF (7)
10. Long in the Tooth**
11. Frontier’s Edge*
12. Veil of Shadows (5)
13. Behind the Black Curtain (7)
14. Breakout (7)
15. Unbroken, Unshaven (3)
16. BAM (7)

Rappel:
17. Up From the South (1)
18. Ethio (7)
19. Turkish (7)

(7) VII (2025)
*Frontier’s Edge EP (2023)
**Long in the Tooth (2020)
***Burnt Offering (2014)
(5) V (2019)
(3) III (2010)
(2) II (2007)
(1) The Budos Band (2005)

 

Photos en vrac :