Rufus Wainwright

Rufus Wainwright à la Place des Arts | Vivement le désordre !

À l’aube de la cinquantaine, Rufus s’est présenté à un public montréalais déjà conquis. Il faut dire, cette tournée Unfollow the Rules dont l’album est sorti en 2020 (en pleine pandémie) s’était faite attendre. Pendant cette période houleuse, l’artiste n’a pas chômé. Il nous raconte pendant le spectacle qu’il s’est « amusé » à illustrer (littéralement), papier-crayon, chacune des chansons de son nouvel opus. C’est donc avec en toile de fond des plans rapprochés de ses esquisses très détaillées que les chansons nous sont présentées. Toujours plus de talents !

En débutant d’emblée par les pièces les plus vertigineuses vocalement de son répertoire, Rufus semble avoir eu du mal à se départir d’un certain chat dans la gorge. Wainwright était sur scène accompagné d’un pianiste, d’un guitariste et d’un contrebassiste. L’album étant truffé de chœurs, la version spectacle semblait initialement un peu dépouillée de sa magie. Après l’épreuve vocale de la pièce titre de l’album, le chat prit son trou et Rufus a semblé un peu plus détendu.

S’est ensuite enchaîné des chansons plus pop comme You Ain’t Big où il s’est même permis quelques blagues pendant son interprétation. Puis, en prenant sa guitare, l’atmosphère se réchauffait tranquillement alors que défilait l’esquisse pour Only the People That Love, ambiance planante et détendue.

Rufus s’est exprimé majoritairement en français entre ses chansons et enchaînait les anecdotes autour des histoires de ses chansons.

 

Des reprises variées

On a pu apprendre que l’album Northern Stars, uniquement en vente après ses performances (lorsqu’il lui en reste) comprend entre autres Harvest de Neil Young joliment interprétée malgré un début repris deux fois pour cause de guitare récalcitrante. Sur cet album figure aussi une reprise de la chanson Ziggy de Plamondon (Starmania). Il a débuté la chanson dans les aigues, de quoi faire rougir les Céline de ce monde. Empreint de délicatesse, entendre Rufus dire « Ziggy, il s’appelle Ziggy, Je suis folle, de lui », consiste en un moment magique s’il en est un.

Il a profité de cette brève incursion dans le monde des comédies musicales pour nous parler à mots couverts de son projet actuel et imminent de comédie musicale. Il a également discuté sous le ton de la confidence de son obsession d’enfance : la comédie musicale Annie dans laquelle il rêvait petit d’incarner le personnage principal. Quelle ne fût pas notre surprise de le voir, lors du rappel se déguiser en Annie, avec ses musiciens incarnant une partie de cette pièce mythique. Au début, on ne comprenait pas trop c’était quoi ses intentions en se rougissant les joues avec une rouge à lèvres et en le voyant se dévêtir devant nous puis enfiler une robe. Bref, la foule, ébahie, avait tout intérêt à être restée jusque là. Mais je vous brûle le punch du rappel ici parce que j’avais très hâte d’en parler.

 

Bon, poursuivons sur la première partie. Lorsque Rufus s’est installé au piano pour entonner Montauk, puis Poses, comme de vieilles berceuses. La salle au complet semble s’être sentie enrobée d’une immense douceur. C’est peu dire, on parle de Wilfred-Pelletier quand même. D’ailleurs, au niveau sonore, cette partie était particulièrement réussie, laissant toute la place à sa voix puissante et enivrante. (Le chat était définitivement parti rendu là.)

Dans les versions plutôt réussies pour la portion concert en comparant à l’album, on compte Romantical Man, qui raconte une de ses promenades à Londres. Les voix en chœur du groupe l’accompagnaient magnifiquement dans cette portion.

La seconde partie du spectacle s’est déroulée sur un ton plus personnel. Débutant par des arpèges vocaux à couper le souffle avec This One For the Lady, il a ensuite enchaîné avec Argentina, composée en l’honneur de son mari. Cette chanson parue sur l‘album Rufus Wainwright and Amsterdam Sinfonietta Live faisait partie d’un très beau projet live où Wainwright chantait Berlioz et Rameau en concert, des influences musicales majeures pour lui. Puis, vint un touchant hommage à sa fille en la chanson My Little You.

La grande surprise de la soirée à mon avis fût une interprétation de Hallelujah en compagnie de ses sœurs Martha et Julia; un moment de pure émotion. Toujours plus de talents dans la famille aussi!

Le spectacle s’est achevé par des chansons plus sombres et tourmentées, si on peut dire en Early Morning Madness et Devil and Angels plus théâtrale et dramatique. Franchement meilleure que sur l’album (un peu brouillée par la présence de « batterie »), cette version spectacle était spectaculaire.

Après le stunt de la reprise de la comédie musicale d’Annie version Rufus lors du rappel, on a eu droit à Going To A Town avec en fond des images de la chute du mur de Berlin, de villes bombardées et autres luttes sociales anciennes et actuelles. Cet hymne entonné tout en étant restant déguisé en Annie n’enlevait rient à la crédibilité du propos, bien au contraire.

En somme, un spectacle de Rufus, ça vaut la peine. Haut en rebondissement, fort en voix, personne ne pouvait se douter que ça allait finir en Music Hall. On aurait pu avoir un indice en le voyant arriver avec ses magnifiques chaussures rouge en paillettes peut-être?

Élégance et bon goût tout en étant funky. Selon Rufus, « ne pas suivre les règles » seraient le mot d’ordre.

Vivement ce désordre!

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