Mike Beaudoin à la Salle Albert-Rousseau | Un spectacle simple et épuré qui fait du bien
Certains soirs, on pense qu’on va rire, juste rire, mais on se surprend à recevoir beaucoup plus: une claque de différence, une secousse de vérité, un rappel que certains ne jouent pas à être drôle, qu’ils sont drôle jusqu’à la moelle. Hier, à la Salle Albert-Rousseau, Mike Beaudoin a offert Acharné, un spectacle dépouillé, un tabouret, une toile blanche, presque rien, comme pour laisser toute la place à qui il est réellement: un être entier, sincère, audacieux souvent, authentique toujours. Dès les premières secondes, quelque chose se dépose doucement dans l’air, quelque chose qui dit: reste, ça va te faire du bien.
Il salue, remercie, encore et encore, avec cette sincérité rare qu’on reconnait immédiatement. Puis vient la première confidence: Mike ne s’appelle pas Mike. Il s’appelle Michaël. Et déjà, la salle chavire. Car Michaël et Mike, selon lui, ne vivent pas la même vie. Michaël est rangé, appliqué, presque doux. Mike, lui, vend de la drogue, est cabochard, navigue dans une vie brouillonne remplie d’histoires savoureuses. Il décortique ces deux identités comme on déshabille une vérité: avec humour, mais aussi avec lucidité. Il rappelle qu’on change, qu’on mue, qu’on avance, qu’on est plus les versions adolescentes qu’on traine dans nos angles morts.
Très vite, la salle comprend que cet humoriste possède un sens de la répartie aussi vif que l’éclair. Quand un père dans le public reconnait avoir trois filles, 16, 14 et 11 ans, Mike réagit avec une spontanéité instinctive, « Ta plus grande a déjà sucé un gars c’est sûr ». Cette réplique, inattendue, d’une vérité qui fesse, fait exploser la salle de rire. Ce moment, presque improvisé, révèle l’essence du spectacle: une intelligence comique, pure, brute, qui ne s’apprend pas. Une manière d’être sur scène qui ne cherche jamais la facilité.
Il parle de sa fille, de ses fréquentations, de ce que ça signifie pour un père d’accepter que sa petite fille devienne une adolescente qui « date ». Il raconte qu’elle tripe sur un « Black », sans jamais tomber dans la lourdeur ni la caricature; il flirte avec l’excès, mais demeure profondément humain. Il décrit les conversations improbables d’un père qui tente de comprendre ce monde où les jeunes filles reçoivent des photos de pénis; mou, dur, éclairé ou pas. Il se positionne devant la toile blanche pour imager la prise d’une photo, revient hilare, avouant que c’est l’unique utilité de ce décor. Et la salle éclate, encore et encore.
Puis viennent les souvenirs: le Club Med, la parentalité à temps plein, le weekend sur deux, la volonté maladive d’en faire trop pour combler ce qu’on croit manquer. L’écart d’âge entre ses enfants, la patience perdue avec l’âge, la laveuse et la sécheuse qui se confondent dans une scène mimée à la perfection. Et chaque fois, ce rire franc qui lui échappe à la fin de ses blagues. Ce rire vrai, contagieux, presque enfantin, qui confirme qu’il ne joue pas un rôle: il vit ce moment autant que le public.
Il raconte aussi l’avant, le plus dur: vendre du speed pour son beau-père, se faire jeter dehors de chez-lui à 18 ans, devoir apprendre la vie trop tôt. On devine les cicatrices derrière le rire, et c’est peut-être ça qui rend le tout aussi vibrant: l’impression d’être devant un homme complet, pas seulement un humoriste.
Il évoque sa ressemblance avec le nain de Game of Thrones, son acharnement depuis vingt ans, le fait que le succès n’est arrivé pour lui qu’il y a trois ans. Et soudain, tout fait sens. Le titre. Le parcours. La fougue. Les épaules qui ont porté très lourd. Le besoin irrépressible de bouger, d’exister, de créer, quoi qu’il en coute.
L’un des moments les plus hilarants survient lorsqu’il mime les gars de la Cage aux sports qui le reconnaissent, lui brasse le cou, lui paie des shooters comme si l’amitié virile venait avec un mode d’emploi. Impossible de ne pas rire. Impossible même de s’en remettre rapidement.
Il aborde également la sexualité avec une liberté totale: un fils de cinq ans gay? Tant que ce n’est pas une enfant allergique au gluten, tout va bien. Branler un autre gars, est-ce gay? Une histoire avec son meilleur ami qui commence à 98% hétéro et qui descend graduellement. C’est audacieux, irrévérencieux, désarmant. Et tellement drôle.
Ce qui frappe, surtout, c’est la différence. Dans un monde saturé d’humoristes, Mike Beaudoin possède une couleur unique. Une sauce à lui. Une façon de transformer le vulgaire en vérité, l’anecdote en miroir, le rire en étreinte. Acharné porte bien son nom. Parce qu’il s’acharne à être lui-même. Et c’est ce qui le rend tout simplement Hot, certainement l’un des plus Hot que le public québécois ait pu voir ces dernières années.
Après des applaudissements nourris, il remercie encore. Sincèrement. Sans artifice. Touché. Humble. On sent un homme qui vient de loin et qui ne prend rien pour acquis. Ce succès, il l’a mérité. Inchangé. Inaltéré. Gagné à la dure.
Il serait impossible de terminer sans mentionner la première partie. Douaa Kachache, jeune humoriste d’origine arabe, ancienne professeure, a livré un segment brillant, inattendu, d’une fraicheur qui détonne. Son humour, rarement entendu sur nos scènes, charme instantanément. Ensemble ou seuls, ces deux artistes valent le déplacement, sans hésitation.
Mike Beaudoin ne reviendra à Québec qu’en 2027. Il faudrait que la ville s’y prépare: les billets devraient s’envoler rapidement. Parce qu’Acharné n’est pas qu’un spectacle. C’est une soirée magnifique, portée par un humoriste unique, débordant de talent, de coeur, et de feu. Une soirée comme on en vit trop rarement. Une soirée qui rappelle pourquoi on aime rire: parce qu’on en sort plus léger, plus vivant, plus humain.
La première montréalaise aura lieu le 25 novembre prochain à l’Olympia, mais l’humoriste visitera aussi plusieurs autres villes québécoises. Détails et billets par ici.

- Artiste(s)
- Mike Beaudoin
- Ville(s)
- Québec
- Salle(s)
- Salle Albert-Rousseau
- Catégorie(s)
- Humour,
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