crédit photo: Jérôme Daviau
L'Abîme

L’OFF JAZZ 2022 – Première fin de semaine | L’ambitieux projet de Francesca Remigi et le jazz décomplexé de l’Abîme

L’OFF Jazz de Montréal bat son plein depuis quelques jours maintenant, et se poursuit jusqu’au 15 octobre. Retour sur les deux spectacles que nous avons eu l’occasion de voir ce week-end.

Francesca Remigi The Human Web au Théâtre Plaza, samedi 8 octobre

Cette fin de semaine commence avec un concert interdisciplinaire international avec des musiciens du Canada et de l’Italie. Le projet appelé The Human Web, mené par la batteuse italienne Francesca Remigi, est conçu « pour étudier comment la technologie et plus particulièrement les médias sociaux affecte la santé mentale, l’identité de soi et la vie publique en général. » La danseuse italienne Clotilde Cappelletti est également présente sur scène. S’ajoute à la formation, le clarinettiste italien Federico Calcagno, ainsi que la saxophoniste torontoise, la contrebassiste d’Edmonton Aretha Tillotson et le Montréalais Evan Shay au saxophone ténor et aux instruments électroniques.

Si la veille, le concert de l’ONJ au théâtre Plaza s’était déroulé avec un public clairsemé, le groupe se présente dans un théâtre désert samedi soir. Moins de 20 personnes étaient présentes en salle. Étonnant pour un concert de soir d’une longue fin de semaine de trois jours… Un problème de promotion?

La batteuse Francesca Remigi avouera que leur vol d’Italie avait pris bien du retard, limitant la formation à une seule vraie répétition, en plus du jetlag. Je dois dire que ça ne s’est pas ressenti. C’est la première fois que je découvrais ces musiciens italiens et le jeu inventif et subtil de Francesca Remigi m’a particulièrement impressionné.

C’est un long morceau en plusieurs mouvements qui nous est joué, dans un style jazz d’avant-garde, avec des solos des différents musiciens lorgnant le free. Le saxophoniste Evan Shay est plus sobre qu’habituellement dans ses interventions et ajoute parfois des éléments sonores plus ou moins remplis d’effets. C’est la saxophoniste Naomi McCarroll Butler qui brille par ses solos parfois plus sauvages que ce que Shay nous a habitué, ce qui est un exploit digne de mention! Federico Calcagno à la clarinette basse nous rappelle la fougue enjouée d’un Denis Colin, une des références de cet instrument. Aretha Tillotson à la contrebasse travaille joyeusement son gros instrument avec maîtrise et originalité. La danseuse Clotilde Cappelletti illustre la musique par des mouvements entre danse contemporaine et ballet jazz, avec quelques clins d’œil à la compagnie La La La Human Steps d’Édouard Lock.

J’avoue que le concept Human Web du concert m’est quelque peu passé au-dessus de la tête et l’apport de la danseuse reste questionnable à mon sens. Est-ce que je manque peut-être d’ouverture à ce mélange? Il reste que la musique fut agréable et que la formation de Francesca Remigi aurait mérité un plus grand public à la hauteur de l’ambition du projet et de leur travail.

L’Abîme à l’Improv Montréal, dimanche 9 octobre

C’est dans l’ambiance chaleureuse de la cave du Improv Montréal que se déroule le show de dimanche soir et avec quatre fois plus de personnes que le show de la veille au Plaza. L’Abîme est une formation très proche de l’ensemble dirigé par Hugo Blouin, Charbonneau ou les valeurs à’ bonne place que l’on avait pu écouter à la soirée d’ouverture du festival, mais sans chant cette fois.

L’Abîme est le projet du pianiste Jonathan Turgeon que l’on retrouve ce soir au Fender Rhode et aux compositions, accompagné d’Hugo Blouin (contrebasse), Jean-Philippe Godbout (batterie), Alex Dodier (saxophones, flûte) auquel s’ajoute Gabriel Genest (saxophone ténor, clarinettes). C’est un jazz plus décomplexé et plus ouvert que le projet sur la Commission Charbonneau, c’est ce que permet une formation plus restreinte et sans chanteurs.

Lors de notre arrivée dans la salle, les balances sont toujours en cours et le concert commence réellement après ce rébarbatif moment, tout ça pour aboutir à un son de contrebasse en solo totalement distordu et désagréable. Malgré ce désagrément, on entre rapidement dans leur musique avec un premier titre tout en douceur avec le son du Fender Rhode, qui vous caresse dans le sens du poil. Et si le groupe s’annonce comme ancré dans le jazz moderne, avec des influences rock et de classique contemporain (Olivier Messiaen), on cherche un peu le rock, mais on entend bien plus des traces de Messiaen notamment dans la pièce l’Abîme qui donne son titre à l’album du groupe l’Abîme. C’est ce que l’on appelle une mise en abîme!

Avec un concert riche et dense d’une heure, ils ont rapidement réussi à conquérir un public un dimanche à 17h. Les interventions de clarinettes de Gabriel Genest étaient notables et originales. Hugo Blouin est toujours aussi expressif autant dans ses expressions que dans son jeu de contrebasse très ressenti. Les compositions de Jonathan Turgeon sont bien construites et permettent à tous les membres de s’épanouir et ses solos sont recherchés avec un travail du son à travers différents effets. Le morceau final Kick La Can nous présente une belle section originale avec juste la batterie et les deux saxophones.

Comme a dit ma blonde lorsque je suis rentré : « bon, t’as beaucoup aimé ce show-là, t’as ramené le CD. »

L’abîme, deuxième coup de cœur du Off Jazz!

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