Dolman-Rossy-Jobin

Ouverture de l’OFF Jazz 2022 | Entre chants de sirènes et sirène d’alarme

Ce jeudi 6 octobre commençait le OFF Festival de jazz de Montréal, qui offre une série de concerts sur deux semaines dans diverses salles de la métropole. Pour commencer en douceur, le trio Dolman-Rossy-Jobin, et pour plus de second degré et de cynisme en musique, l’exploration jazz d’Hugo Blouin sur la commission Charbonneau.

Dolman-Rossy-Jobin : chant de sirènes

C’est dans la salle de l’Impro Montréal/Saint-Henri Jazz Club, devenue la remplaçante du regretté Résonance Café, que le festival s’ouvre avec le trio Dolman-Rossy-Jobin. Le projet d’Aaron Dolman (batterie, compositions et textes) est accompagné par Sarah Rossy (voix) et Eugénie Jobin (voix et vibraphone). J’avoue découvrir Dolman pour la première fois, alors que je connaissais Sarah Rossy pour son travail en solo et dans de nombreux projets (notamment l’album Beyond Here de Beth McKenna sorti il y a un an) et Eugénie Jobin pour son projet sous le nom d’Ambroise.

Entre chanson et improvisation, l’univers du trio est vaste et navigue entre jazz et folk. Il explore même la musique contemporaine : aucun carcan ne les retient. Sur des tempos relativement lents, les morceaux de Dolman laissent les deux jeunes femmes entrelacer leurs chants à l’unisson, en canon ou en harmonie. Le batteur les accompagne calmement, prenant le temps de sortir de son sac une de ces multiples cloches aux formes variées ; son séjour d’un an en Suisse lui aura permis de s’approvisionner en cloches, il faut croire!

Avec une multitude de baguettes et de mailloches différentes, Dolman a un vocabulaire riche qui assoie les morceaux et laisse s’épanouir les voix. Si une bonne partie de celles-ci semblent très écrites, il y a tout de même place à l’improvisation. On note aussi l’emploi de quelques effets de retard et de boucles, mais toujours avec subtilité, sans abus. J’apprécie le bon goût. On remarque parfois dans le chant de Rossy des influences de musique indienne. Dans cet univers onirique, parmi les titres composés par Dolman, s’immisce sans problème une reprise de Joni Mitchell.

J’avoue avoir eu un gros coup de cœur pour cette formation expérimentale hors norme, mais qui réussit à rester abordable. La grande aire de jeu des voix, la batterie subtile… j’en redemande.

L’album Are You Here to Help? de Dolman-Rossy-Jobin est à écouter de toute urgence sur Bandcamp :

Sirène d’alarme : la commission Charbonneau en musique, entre absurde, réflexions et prouesses vocales

Je traverse Montréal pour quitter le quartier Saint-Henri et rejoindre le Cabaret Lion d’Or dans le Village. C’est la formation d’Hugo Blouin qui nous offre le volume 2 de Charbonneau ou les valeurs à’ bonne place, sa recherche musicale sur le thème de la commission Charbonneau, le palpitant télé roman qui nous a tenus en haleine entre mai 2012 et novembre 2014, plus passionnant que District 31, plus réaliste que STATS… Blouin commence la soirée en expliquant sa démarche, qui a commencé par un intérêt sur la musicalité des voix et l’influence de l’album de René Lussier, Le Trésor de la langue (1990). Avec beaucoup de seconds degrés et une part de cynisme, les paroles souvent absurdes de différents témoins de la commission nous sont présentées dans un court montage vidéo avant d’être reprises en musique par la formation.

Pas moins de quatre chanteurs sont employés pour reprendre les élucubrations des acteurs de la commission, soit Kathryn Samman (voix principale), Julie Hamelin (voix alto), AndréAne Robichaud (voix soprano) et JP Loignon (voix ténor). Hugo Blouin (composition, contrebasse) dirige l’ensemble et le groupe est composé d’Alex Dodier (saxes, flûte), Jonathan Turgeon (clavier), Jean-Philippe Godbout (batterie) et Julie Houle (tuba), qui fait également partie du René Lussier Quintette. Tout est dans tout… La chanteuse Marcie passe en invitée pour chanter un titre du volume 1.

Avec des arrangements sophistiqués, les voix de l’ensemble, très travaillées et même acrobatiques, contrebalancent les discours souvent décousus, voire édifiants, des Rambo Gauthier, Lino Zambito et Gérald Tremblay, ancien maire de Montréal. C’est sûr que ça rit fort dans la salle : difficile de rester sérieux devant Tremblay qui nous explique son rapport aux déjeuners ou Rambo et son vocabulaire limité.

C’est tout un défi qu’Hugo Blouin s’est lancé, et au-delà de ce qui pourrait être une farce de cégépiens avinés, on y trouve une riche et jouissive matière musicale qui enclenche une réflexion sur la pertinence de la commission Charbonneau et la théâtralité, volontaire ou non, de ses acteurs. À quand le volume 3?

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