Festival Suoni Per Il Popolo 2023 | Beatings Are in the Body : un projet déconcertant mais riche en découvertes

Au cours de cette soirée au festival Suoni Per Il Popolo, après une improvisation riche et en solo de la saxophoniste Karen Ng, on découvre le nouveau projet Beatings Are in the Body avec Erika Angell (Thus:Owls) très riche en originalité. Du côté de la Sala Rossa, c’est un bonne soirée jazz qui commence avec le sextet de Melissa Pipe et se termine avec le quatuor Villemure Ô Carré.

Beatings Are in the Body à la Casa Del Popolo

Beatings Are in the Body est un groupe inclassable à l’orchestration originale, composé d’Erika Angell (Thus:Owls) au chant parfois manipulé d’effets électroniques, Róisín Adams (Hildegard’s Ghost) au wurlitzer et au piano et le violoncelle de la légendaire Peggy Lee.

Ce projet s’inspire de l’œuvre de la poétesse canadienne Meaghan McAneeley et explore la façon dont les souvenirs, la douleur et toute une gamme d’émotions sont stockés et portés par notre corps.

D’où le nom : « beatings are in the body » = les coups sont dans le corps.

À quoi ça ressemble? Comme une sorte de pop qui s’est découvert des attraits vers une improvisation entre free jazz et musique contemporaine. Il y a une grande liberté dans le son et les arrangements même si les textes restent le corps des morceaux. Erika Angell est toujours aussi intense et accompagne son chant magnifique de gestes précis. Róisín Adams joue d’un wurlitzer au son remarquable avec un jeu plutôt sobre et classique dans ce contexte. La violoncelliste Peggy Lee a un jeu plus exploratoire et sait amener son instrument vers des recherches sonores originales tout en soutenant une partition traditionnelle.

C’est cette dualité entre un format chanson pop et l’improvisation moderne qui fait toute l’originalité du projet et rend toute description hasardeuse. Après les arrangements très écrits de trois premiers titres avec la voix non traitée d’Angell, qui navigue entre spoken word, envolée lyrique et chant pur, le morceau suivant offre une plateforme au goût du bidouillage électronique de la chanteuse. À travers différents filtres et effets d’harmonisation, sa voix se retrouve déformée dans divers extrêmes, entre une voix masculine et celle de R2-D2, tandis que les deux autres musiciennes la suivent dans ses expérimentations sans aucune difficulté.

La complicité entre les trois femmes est apparente et les mélodies se mélangent magnifiquement entre voix et violoncelle. Et ce wurlitzer a vraiment un son d’une belle sensualité, rehaussé par le jeu de Róisín Adams. Le concert se termine par un titre qui ressemble à un exercice de respiration des musiciennes, dirigé par Róisín Adams qui se termine en musique.

Beatings Are in the Body est un projet ambitieux à la musique particulière. Les improvisations débridées alternent avec des parties très écrites pour un résultat déconcertant mais qui mérite une écoute attentive et ouverte pour apprécier pleinement la richesse de l’ensemble et l’intensité des titres.

L’album homonyme de Beatings Are in the Body est sorti le mois dernier et se trouve sur les principales plateformes d’écoute.

 

Karen Ng en solo

La saxophoniste Karen Ng ouvre la soirée avec une prestation en solo. Exercice difficile, qu’elle a réussi, à mon sens. Elle est assise, décontractée sur le bord de la scène. Elle opte pour une approche purement acoustique dans la petite salle, sans sonorisation.

Et elle réussit à garder mon attention et rester originale dans un style free jazz, sans partir dans des travers trop bruitistes. Elle rebondit dans son improvisations avec des effets de claquements et quelques recherches polyphoniques pour rester captivante.

Karen Ng a brillé au cours de ces 30 minutes de musique improvisée.

 

Une soirée jazz plus traditionnelle à la Sala Rossa qui s’ouvre avec le sextet de Melissa Pipe

J’ai pu assister à quelques titres du sextet de Melissa Pipe dans une salle en configuration cabaret avec les musiciens au niveau des spectateurs.

Melissa Pipe est une compositrice, joueuse de basson et de saxophone baryton. Elle a lancé son album Of What Remains, il y a quelques mois lors du festival OddSound et elle présente des titres de ce disque ce soir, avec des musiciens de haut calibre : Andy King (trompette), Philippe Côté (saxophone ténor, clarinette basse), Jeff Johnston (piano), Solon McDade (contrebasse). À la batterie, c’est la talentueuse Mili Hong qui, pour moi, est du niveau des Kevin Warren, Robbie Kuster ou Sam Joly.

L’intégration du basson dans un contexte jazz peut sembler contre nature mais c’est ici une réussite. Avec la clarinette basse de Philippe Côté, le saxophone baryton de Melissa Pipe et la contrebasse de Solon McDade, on est bien choyé dans le spectre grave!

Villemure Ô Carré

J’ai également pu assister à la fin du concert de Villemure Ô Carré, un quartet jazz de facture traditionnelle qui compte en son sein Marc Villemure (guitare), Frank Lozano (saxophone), Normand Guilbeault (contrebasse) et Pierre Tanguay (batterie).

C’est bien joué, avec des arrangements intéressants et des musiciens inspirés. Le dernier titre dédié à la douce de Marc Villemure nous a laissé sur une très belle note pour terminer la soirée.

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