Gaetan Roussel

Entrevue | Gaëtan Roussel nous parle de son album Orpailleur

Trois ans après son incontournable Ginger, Gaëtan Roussel rappliquait le mois dernier avec un autre album qui s’inscrit parmi les meilleurs disques francophones de son année de parution : l’éclectique Orpailleur. Décidément, la vie après Louise Attaque (qui n’est pas officiellement mort, comme il nous l’explique) va bon train pour Gaëtan Roussel, qui a aussi co-écrit et réalisé l’ultime album d’Alain Bashung (Bleu Pétrole, en 2008) et écrit des hits pour Rachid Taha et Vanessa Paradis.

Sors-tu.ca a rejoint l’artiste au bout du fil, alors qu’il se trouvait au Nord de la France, en résidence dans un théâtre à Valenciennes, où la tournée prenait son envol. 


Sors-tu.ca : Évidemment, avec un titre comme Orpailleur, on te devinait une fois de plus à la recherche de nouveaux sentiers, de nouvelles pépites créatives, si on peut dire…

Gaëtan Roussel : Mon but est toujours d’éviter de faire une copie du disque d’avant. J’ai la chance de pouvoir passer beaucoup de temps en studio – j’en ai un petit chez moi – alors j’en ai profité pour chercher, explorer, essayer des trucs. Au terme, je trouvais que le titre Orpailleur résumait bien la matière sonore.

 

En studio, l’idée de devoir transposer cette variété de sons sur scène ne te préoccupe pas?

Je me détache complètement de ce que vont devenir les chansons sur scène. Et tu vois, là, je suis en préparation de tournée et ça me joue des tours ! Ce n’est pas si simple de revenir sur scène après, tu dois trouver une manière de les remanier afin que ça fonctionne. J’aime bien juste travailler le studio. J’aime les deux, en fait. Ce sont deux éléments dans lesquels j’aime évoluer. J’aime chanter en live ; ce moment très vivant et très incarné me plaît beaucoup.

Parmi tes essais, on te retrouve dans des endroits inexplorés dont, notamment, le dub de Par-dessus tes épaules, ou les influences un peu eighties sur la chanson d’ouverture, La Simplicité.

gaétan rousselSur ces deux morceaux en particulier, mon envie était de partir d’un truc tout bête, presque un son de base d’un petit clavier trouvé dans un magasin à deux Euros, et d’aboutir avec quelque chose de compliqué. J’ai toujours aimé des groupes comme les Clash, qui parviennent à intégrer du dub sans perdre sa personnalité. Ajouter un peu de synthétique, tout en gardant son authenticité. De manière humble, je pensais à Massive Attack et Portishead…

 


Dans une entrevue que tu as accordée récemment, je lisais que tu avais ressorti tes albums trip-hop : Massive Attack et Portishead, justement. On en retrouve des traces sur Poésie ou encore We Will Be Strong. Mais ce n’est pourtant pas un album sombre, langoureux comme pouvaient l’être les parutions de ces deux groupes. Orpailleur est plutôt un album lumineux, rayonnant. Qu’est-ce que tu es allé chercher dans le trip-hop exactement ?

Mon but, avec les influences, ce n’est pas d’arriver jusqu’à eux. C’est l’inverse : je pars d’eux et ça remonte à moi. Souvent, mes influences de base, on ne les entend pas. Si je te dis que Get Free de Major Lazer m’a servi de point de départ pour Par-dessus tes épaules

 

C’est effectivement assez subtile (rires).

C’est le côté synthétique qui m’a lancé, dans ce cas. Les influences, il faut que ça permette de rester en mouvement, de rester libre.

 

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Comment a fonctionné la co-écriture avec Pierre-Dominique Burgaud (proche collaborateur d’Alain Chamfort) ?

L’idée de co-écriture n’était pas mûrie quand on s’est rencontré. Il avait des textes pas très structurés, et il me les a proposés. J’ai demandé si je pouvais en faire quelque chose de ludique, mélanger, découper. Il a accepté ce jeu-là. Il m’a proposé des choses, je gardais les idées. C’était comme écrire à quatre mains, mais à distance. J’étais très confortable avec ce système parce que j’étais très libre. Et ça me donnait un champ lexical de plus, mais ça me ressemblait à la fin. Et lui, il avait l’air d’être content de là où j’ai emmené ses mots. J’ai fait dire à ses mots des choses différentes, en y ajoutant plus de mystère. Lui, son écriture est plus limpide ; moi je fonctionne avec plus d’allusions, de tourbillons dans le texte. Mon approche est un peu plus décalée.

 

Et Benjamin Lebeau et Julien Delfaud (Phoenix, Woodkid) au niveau de la réalisation?

Julien et Benjamin avaient travaillé sur Ginger. On voulait continuer ensemble sans refaire la même chose. Ça a commencé d’abord à mon studio, avec Benjamin qui modifiait mes idées. C’est un processus que je connais, que j’apprécie dans le côté art collectif que j’aime dans la musique. Ce que j’aime, c ‘est qu’il n’a pas la même culture musicale que moi. C’est leur ‘autre chose’ que je trouve intéressant.

 

© Yann Orhan

© Yann Orhan

Tu inclus beaucoup de collaboration à tes albums solo. T’ennuies-tu de faire partie d’un groupe ?

Être en groupe, c’est raconter l’histoire en groupe de A à Z. Mais en solo, tes collaborateurs ne sont pas là de A à Z dans l’histoire, sauf que toi tu es à bord tout le temps. Ceci dit, j’aime être au contact des autres.

 

Tu saupoudres souvent tes chansons de phrases anglaises, une forme de bilinguisme fréquente en chanson pop française. Comment les phrases anglaises s’intègrent-elles à tes chansons ?

Les phrases anglaises me viennent par flash. Les textes en anglais sont rarement très longs, ils viennent se mettre au contact du français. D’ailleurs, jamais ma voix ne chante en anglais toute seule : ce sont toujours des harmonies. Pour moi, l’anglais c’est un instrument. Ça me fait écrire des choses différemment. Ce sont des flash par association, des mots insérés entre deux phrases.

 

Question délicate, peut-être : quel est le statut officiel de Louise Attaque ?

Ce n’est pas délicat. Nous ne voulons pas que ce soit un tabou.  Nous ne sommes tout simplement « pas en activité ». Nous avons décidé de faire une pause et nous n’avons jamais décidé de nous remettre au travail, mais ce n’est pas nécessairement fini pour autant. Ça peut arriver un jour…

 

Il n’y a pas de concert officiellement prévu au Québec prochainement. Ton passage aux Francofolies en 2010 s’était démarqué comme l’un des meilleurs spectacles du festival, puis tu es revenu en avril 2011, à l’Astral. Qu’y’aura-t-il de différent sur cette nouvelle tournée ?

Orpailleur entraîne une mise en scène, des chansons plus posées. Ça m’a inspiré de la vidéo, du visuel, de la scénographie. Du coup, j’avais envie de développer ça. Cet été, j’ai fait création à La Rochelle : j’ai repris le disque Play Blessures de Bashung sur scène. Il y avait une mise en situation avec de  la vidéo et un voile devant nous, des trucs comme ça.

C’est difficile à dire quelle forme ça prendra exactement, avec cette tournée. Mais on est en plein travail. Le but du jeu, c’est de mettre un peu de scénographie à l’intérieur de cette manière de livrer la musique sur scène, qui est rock, spontanée. Je suis un amoureux des Talking Heads, de l’énergie rock agencée aux projections et à la scénographie. Ça peut très bien fonctionner et j’ai envie de l’essayer.

 

Francofolies 2014, peut-être ?

(rires) Pourquoi pas…

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