Entrevue avec Monster Truck I Renaissance du genre et pureté d’intention
Une semaine après la sortie de leur nouvel album, rempli des gros riffs grovvy à souhait, et à l’approche de leurs concerts à Montréal et Québec (8 mars au Cercle, et 9 mars au Théâtre Corona), nous avons jasé avec Jeremy Widerman, guitariste de la formation de Hamilton Monster Truck, au succès international et grandissant. Suite de l’entrevue.
Bon pour vous ! Parlons de la set-list pour cette tournée que nous allons voir à Montréal. Comment allez-vous répartir les chansons entre les 2 EP et les 2 albums ?
Jeremy : On va juste jouer un set très long. En fait, on va jouer presque tout le nouvel album en entier, mais on va aussi jouer les singles et succès de Furiosity, plus quelques extraits des premiers EP.
Malade ! Les fans devraient être comblés !
Jeremy : j’espère !
J’aimerai avoir ton avis. On dirait qu’aujourd’hui, il y a comme un fossé, entre les groupes comme AC/DC par exemple, ou ces autres vieilles légendes, qui sont capables de remplir des stades de 50 000 personnes, et les nouveaux groupes de rock, comme par exemple Airbourne, ou même vous qui êtes de plus en plus populaires, qui remplissent au plus des salles de 2000 personnes. Il y a comme un fossé entre les deux. Penses-tu qu’il y a quelque chose à faire, où à venir, pour remplir ce fossé et réduire cette distance ?
Oui définitivement. Je vois ce que tu veux dire. Je pense que tu fais aussi référence à cet énorme mouvement, la naissance du classic rock dans les 70s, où il y avait tellement plus de groupes, et c’était une époque très excitante, c’était l’apparition d’un genre, à la fin des années 1970 donc il y avait un véritable mouvement autour de ça. Et je pense que toute l’excitation qu’il y avait autour de ça, ça restera toujours quelque chose de fort dans les mémoires pour ceux qui l’ont vécu, donc c’est naturellement un engouement qui est massif par nature, puisque c’était littéralement la naissance d’un genre de musique.
Donc il y a eu comme un gros manque depuis ces années-là, parce qu’il y a eu les années 1980, le glam et le hair metal, ensuite le grunge et ces choses-là, et maintenant on commence à voir le son du classic rock qui revient un peu, tous ces groupes qui retravaillent et réveillent ce son des années 1970. Donc finalement c’est comme si on repartait d’en bas, du début. Alors je pense que ça va prendre un temps considérable pour reconstruire et voir un jour un groupe comme Rival Sons ou Airbourne jouer dans un stade, parce que c’est presque comme si on recommençait tout du début.
Donc en fait c’est naturel ce fossé dont on parle, parce qu’il y a presque 40 ans qui se sont écoulés, donc ça va être plus difficile. Parce qu’aujourd’hui il y a une nouvelle génération qui a des millions d’autres genres de musique à écouter, plus le fait qu’il y ait un peu moins d’excitation pour le genre classic rock ou hard rock, parce que ce n’est pas la naissance, l’éclosion. Ce n’est pas comme à l’époque où c’était un changement immense, un vrai mouvement. C’est plus comme une renaissance, donc tu ne pourras pas influencer autant de gens, ça a naturellement moins d’impact aujourd’hui. Ceci dit, ça n’arrêtera personne de le faire. Je pense qu’il y a un million de nouveaux groupes excellents en ce moment qui portent le flambeau, et on espère être un de ceux-là, et on va essayer de mener le bateau aussi loin qu’on peu.
Donc selon toi, ça va prendre du temps, mais on pourrait revoir un jour des nouveaux groupes de rock remplir des stades.
Jeremy : Je ne peux pas l’affirmer, mais j’ai le sentiment que ça peut arriver. Tu vois des groupes comme Rival Sons qui ouvrent pour Black Sabbath, on essaye tous d’aller vers cette ère du arena rock. Donc, qu’on y arrive ou pas, essayons et voyons ce qui arrive.
Vous êtes donc des adeptes du son vintage, de la vieille école et la grande époque du rock : est-ce que vous avez encore enregistré cet album sur bandes ?
Jeremy : Pas du tout. On est arrivé au point où on travaille tellement longtemps sur ces morceaux, on a enregistré en six mois à travers trois studios différents, donc c’est vraiment, vraiment contre la logique du processus d’enregistrement, de réenregistrer, rééditer les bandes, et ça coûte cher en plus. Pour faire ça, tu dois arriver en studio une seule fois, avoir beaucoup pratiqué, et surtout avoir un budget pour pouvoir se permettre, je ne veux pas dire ce luxe, mais plutôt ce format. C’est quelque chose qu’on aimerait faire dans le futur, mais en ce moment on a trop de restrictions de temps et d’argent.
Et puis honnêtement, je dois le dire, c’est aussi par rapport à nos capacités. Il peut m’arriver par exemple de devoir faire 50 prises avant d’avoir le bon solo qui me satisfait. Si j’étais capable de le rentrer du premier coup, ça serait plus facile de le faire sur bande, mais si je veux réécouter, y revenir, le refaire, réessayer encore d’autres trucs, ça n’a juste aucun de sens de le faire sur bande.
Parlant d’analogique et de numérique, que penses-tu de cette nouvelle génération Internet pour la musique : est-ce que ça aide le rock à survivre en général, grâce aux possibilités de diffusion internationale qu’offre le web, ou au contraire est-ce que c’est négatif avec par exemple les ventes de CD qui sont très difficiles de nos jours, ou le fait que les groupes se noient dans la masse du web ?
C’est difficile d’avoir un point du vue arrêté et positionné spécifiquement, parce qu’au final, Internet, les médias sociaux, et tous ces trucs qui sont disponibles pour tout le monde, qu’ils soient bons ou mauvais, ils sont là pour rester et on ne peut pas les éviter. Presque tout le monde utilise Internet, et organise sa vie à travers ces médias. Que tu sois intéressé par le soccer, le hockey, la pêche ou le rock’n’roll, ton expérience de ces intérêts passe par les médias sociaux. Donc notre travail, en tant que groupe qui essaye d’avoir de l’attention, c’est d’utiliser au mieux ces outils, parce que tout le monde les utilise.
C’est sûr il y a des bons et mauvais côtés. Mais par exemple notre EP on a été capable de le sortir partout dans le monde, et du Japon à l’Angleterre, tout le monde peut avoir accès librement à cet EP, et ça m’a coûté 18$ pour avoir cet EP partout dans le monde à travers Internet. Après de l’autre côté, je suis le gars du groupe qui gère les médias sociaux, et à la fin de la journée je me rends compte que j’ai constamment mon téléphone dans les mains, tout le temps en train d’Instagramer et de Facebooker, et je me rends compte que ça commence à polluer un peu mon esprit ! Donc il faut essayer de prendre le bon dans tout ça, mais c’est un outil nécessaire pour le groupe, qu’il soit bon ou mauvais, c’est dur à dire, mais par nature des gens aujourd’hui, on doit faire avec, pas le choix.
Il y a un an, tu as déclaré dans une entrevue que lorsque tu avais fondé Monster Truck, proche de la trentaine, tu étais rendu à une étape de ta vie où tu voulais plus ou moins te poser, ne plus vraiment faire de tournées, et quitter ce mode de vie sur la route. C’est exactement l’inverse qui est arrivé ! (Rires) Comment tu te sens aujourd’hui par rapport à ça ?
Jeremy : J’adore ça ! Je pense qu’à l’époque, les frustrations que j’avais par rapport au fait de s’engager dans ce mode de vie, c’était d’une part à cause des gens et compagnies avec qui je travaillais, qui n’étaient pas les bons, et aussi simplement parce on n’avait pas de succès (rires). Donc naturellement, quand tu échoues dans tes objectifs, que ce soit de juste avoir du plaisir ou de partir en tournée, ou diffuser ta musique dans le monde, si ça ne marche pas, au bout d’un moment, tu perds un peu d’intérêt. Je n’aimais pas notre maison de disque, notre agent, les gens qui vendaient notre musique, le succès n’était pas là, je n’étais pas heureux et je voulais prendre la distance par rapport à ce monde-là pour revenir à ce qui me plaisait au départ dans le fait de jouer de la musique : juste jouer de la musique!
Et finalement on s’est engagés dans cette direction: concentrons-nous sur ce qu’on aime, ayons du plaisir, faisons notre propre truc, sans prendre en compte l’avis des autres, c’est à ce moment-là que nous avons créé Monster Truck, avec cette intention vraiment pure et simple de juste vouloir se concentrer sur nous, et jouer pour nous-mêmes. Et comme ça partait de ce concept pur et honnête, ça a marché vraiment rapidement. Et comme nous avions l’expérience et la connaissance de ces échecs et frustrations dans le passé, on a été capables d’être assez patients pour trouver les bonnes personnes avec qui travailler. Et aujourd’hui c’est comme si j’avais régénéré mon amour pour l’industrie de la musique, parce que tous les gens qui sont impliqués dans la production, le management et le booking de notre groupe, ce ne sont pas seulement des gens avec qui on travaille, à qui on fait confiance et qui font une bonne job, mais ce sont aussi des amis. Donc on a cette merveilleuse équipe de presque 20 personnes, qui travaillent dans le même but d’exposer le groupe partout. C’est vraiment fun, avec le succès qui suit, en faisant la musique qu’on aime jouer, et finalement voir le fruit de notre travail.
Donc la morale, c’est un peu d’y aller avec son cœur, faire ce qu’on aime, et peut-être ne pas se soucier trop du côté business et marketing, ou de devenir un groupe à succès.
Jeremy : Hmm non, il faut quand même prendre ces choses en considération. Pour nous c’est facile d’avoir du plaisir avec ces choses autour, parce qu’on est parti d’une place, d’une intention pure. Donc on peut s’asseoir par exemple pour parler du design des chandails, et avoir des superbes idées, parce qu’on a du fun ! On fait des vidéos qui nous plaisent, des campagnes marketing dans notre goût, parce que tout ça découle d’un pur désir de juste jouer la musique qu’on aime. Et au final c’est juste bénéfique pour le groupe. Et on a aucun problème avec le côté marketing et diffusion de masse, on se sent pas coupable, parce qu’on croit fort en notre musique. Alors ça serait faux de dire qu’on ne prend pas en compte cet aspect-là, le business, les ventes, parce que c’est le seul moyen pour nous de continuer à… avoir du plaisir ! Ça nous garde sur la route, et sur la map. Il faut que ça reste profitable et rentable, car il ne faut pas oublier qu’on a tous dans les 35 ans, alors si on ne fait pas ça, on va être obligés de retourner faire des jobs qu’on déteste ! (Rires) Donc voilà, on veut juste trouver les moyens de continuer à faire ce qu’on aime, et que ce soit une affaire qui roule.
Jeremy, merci beaucoup pour ton temps ! Avant de raccrocher, un message pour les fans montréalais peut-être ?
Jeremy : Pas spécialement, on a juste vraiment hâte de revenir à Montréal, c’est une ville qu’on adore, on aime beaucoup les fans montréalais, toujours un beau mélange de fans de hard-rock, punk, metal, et ça a toujours été des super moments ici, on a hâte !
Excellent ! Vivement le concert, merci encore et bonne route !
Jeremy : Merci à toi ! Bienvenue, et super questions en passant ! Bye !
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- Artiste(s)
- Monster Truck
- Ville(s)
- Montréal, Québec
- Salle(s)
- Le Cercle, Théâtre Corona
- Catégorie(s)
- Classic rock, Hard rock, Rock, Rock 'n' roll, Stoner rock,
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