AaRON

Entrevue avec AaRON | Duo aux sonorités électro envoûtantes de passage à Montréal en lumière

Les festivités de Montréal en Lumière commencent tout juste en ce jeudi, et c’est à cette occasion que le groupe français AaRON (acronyme de Artificial Animals Riding On Neverland) vient nous rendre visite pour une date unique au Métropolis le samedi 20 Février. Il nous tardait de les rencontrer pour en savoir un peu plus sur leur duo de musique pop aux accents chimériques, dont le dernier album We Cut the Night est sorti récemment, amenant avec lui des sonorités électroniques innovantes et envoûtantes.

Sors-tu : Quand êtes-vous arrivés à Montréal? Avez-vous pu visiter la ville, j’imagine que ce n’est pas la première fois que vous venez ici?

Simon Buret : On est arrivés hier… Ce n’est pas notre première fois ici, effectivement…

Olivier Coursier: Oui, on est venus il y a 7 ans à peu près, pour le premier album.

Simon : Mais on a déjà fait pas mal de choses depuis hier, en fait! On a été aux Foufounes Électriques, on a mangé une poutine, on s’est promenés dans le quartier chinois…

Olivier : On a été en haut du Mont-Royal, aussi…

 

Sors-tu : C’est déjà pas mal en effet! En écoutant votre album We Cut the Night, on ne peut passer à côté du virage électronique que vous avez pris… Quelle a été votre motivation?

Simon : Ce qui nous a motivé, c’est nous-même, au final!

Olivier : C’est venu naturellement. On marche à l’excitation avec les nouvelles choses, on n’aime pas refaire ce qu’on a déjà fait avant, et on avait envie de pousser le sujet de l’électro un peu plus loin. On en avait déjà introduit dans nos albums précédents, mais là on a davantage mêlé les choses.

Simon : On a toujours mélangé les choses, en fait…

Olivier : Oui, mais là il y a beaucoup d’instruments qu’on passe dans des effets, ils sont tellement traités que tu ne sais plus d’où vient la source.

 

Sors-tu: Ah oui? Sur Maybe on the Moon, on aurait dit qu’il y avait des synthés purs et durs…

Olivier : Eh non, ce sont des guitares passées dans beaucoup d’effets.

 

Sors-tu: Piégés…?

Olivier et Simon : Oui, piégés…

Simon : A chaque fois, on s’intéresse à la matière visuelle qu’on va amener à la chanson. Sur Maybe on the Moon, on se demandait : quand tu n’as plus de place sur terre, quel est ton poids sur la lune? A  partir de là, on cherchait des sons, l’énergie qui s’en dégage, à partir de quelle note on voulait créer… C’est la façon de raconter un souvenir, un lancement de fusée, ou même l’idée de disparaître, de partir.

Olivier : On s’amuse plus comme ça qu’en cherchant à « copier » un courant musical, finalement. Et c’est souvent le premier ou le deuxième morceau qui vont définir la couleur de l’album. Ça nous donne une direction, un son qui va nous passionner.

Sors-tu : Avez-vous, dans tout votre répertoire, une chanson qui représente un symbole particulier émotionnel pour vous?

Simon : Elles ont toutes un symbole particulier, tu sais. On prend du temps entre chaque album, chaque chanson compte. Je ne fais pas une chanson par jour, un même titre devient obsessionnel. Les textes je les coupe, les re-découpe. Ils veulent tous dire quelque chose. Regarde, toi, un jour [comme aujourd’hui, ndlr] tu vas mettre du rouge à lèvres, un jour tu préfères ne pas t’en mettre, ça dépend de tes humeurs. Notre relation avec nos chansons, c’est la même chose. Ça varie selon le moment, le contexte. Sur scène, une chanson va résonner plus que d’autres et tu ne sais pas pourquoi. Tout change tout le temps, c’est la beauté de la musique, rien n’est figé… Tu chantes des choses différentes, avec un public différent, dans un endroit différent… Les facteurs changent sans cesse…

 

Sors-tu : Et votre création alors, elle marche comment? C’est par phase?

Simon : Oui, c’est vraiment par phase. Comme dit Olivier, quand on part sur une lancée, tout le reste suit. C’est vrai qu’on note tout en permanence, nos ébauches. Mais le vrai processus créatif s’établit pendant un laps de temps particulier.

Olivier : Oui, il y a des groupes qui écrivent 30 chansons et qui font un tri, en choisissant parmi toutes celles-là. Nous on n’est pas comme ça. Quand on a les 10, elles sont là. Et lorsqu’on n’est pas dans un processus net de création, on saisit chaque chose qui nous traverse pour s’en resservir plus tard… Moi ça va plus être des choses de production, un rythme par exemple. Et puis deux ans après, pendant qu’on est plongés dans la création, ça ressort… Disons que ça se précise, quand on arrive en studio… Mais on est toujours en train de créer d’une façon ou d’une autre.

C’est très important pour nous que ça reste des chansons et pas une expérience sonore, qu’on puisse le jouer en piano-voix ou guitare-voix. Que le son de la mélodie raconte quelque chose.

Sors-tu : Comment sont répartis vos rôles? Toi, Olivier, tu fais la musique, et toi, Simon, les textes?

Olivier : Non, pas du tout en fait. Simon écrit les textes, mais pour la création musicale c’est différent. Simon est arrivé avec une grosse maquette pour Blouson Noir par exemple, et on a développé le reste du morceau ensemble. Inversement, je peux avoir une idée de son de synthé, et Simon va construire un texte…  Puis dès qu’on se réunit, on va créer un refrain pour ce titre…

Simon : Et c’est important que ça reste anarchique. Parfois, on construit une chanson à partir d’un texte, et puis d’un coup on change tout. Pour We Cut the Night, j’avais fait complètement autre chose au début, et puis d’un coup après plusieurs mois, elle nous a fatiguée tous les deux sans qu’on se le dise vraiment. On a tout remis à plat, on  a changé toute la rythmique. Ça nous a redonné de l’énergie créative… Y a pas une règle définie…

Olivier : Et d’ailleurs, on le sent…

Simon : C’est très important pour nous que ça reste des chansons et pas une expérience sonore, qu’on puisse le jouer en piano-voix ou guitare-voix. Que le son de la mélodie raconte quelque chose. A chacun son interprétation, mais on aime bien faire des chansons qui poussent une émotion dans l’oreille, dans le cœur de l’auditeur en fonction de ce qu’il ressent lui. C’est important de ne pas diriger l’émotion… Chacun colore la chanson à sa manière.

 

Sors-tu: Il y a une sorte de dualité dans vos titres, avec deux dimensions : l’une complexe d’un point de vue créatif, et l’autre plus accessible à travers vos mélodies…

Olivier : On n’est toujours entre les deux.

Simon : Il y a plusieurs couches de lecture. C’est d’abord la mélodie, puis en ré-écoutant, autre chose va venir te toucher. On peut dire qu’il y a un tapis sonore quotidien, mais en montant le volume, il y a autre chose qui te saisit et t’attrape l’oreille. C’est important de ne pas se retrouver esclaves de nos morceaux en tournée, et de pouvoir les ré-orchestrer.

 

Sors-tu : Votre titre Maybe on the Moon, on l’a pris pour un standard. Après l’avoir écouté, on l’avait dans la tête quelques jours plus tard. On a cherché avant de faire l’analogie. On n’avait pas réalisé à quel point la mélodie était déjà rentrée dans la tête.

Simon : C’est cool, mais je pense que nos influences jouent aussi.  J’ai écouté beaucoup de standards, mon oreille s’est éduquée avec Bob Dylan, Leonard Cohen, Nina Simone, Jeff Buckley… Sans vraiment analyser, des mariages créatifs se font et nous nourrissent. L’amour de la mélodie vient de là aussi.

 

Sors-tu : Est-ce que vos prises lors des maquettes à la maison peuvent servir sur la version définitive d’un titre, ou vous ne gardez que les prises de studio?

Olivier : Ça se mélange un peu en fait, on aime bien garder certaines aspérités.

Simon : Oui, davantage sur les prises de voix…

Olivier : On a fait des lignes avec beaucoup de petites voix qu’on avaient enregistrées avant, qui viennent à droite et à gauche, qu’on décale, et dont l’intention de base était bien.

Simon : A la guitare aussi, à un moment y a un truc bizarre qui s’est passé, et cette couche là mêlée au reste devenait intéressante… Ça peut être un souffle… dans un certain contexte, ça passe bien, ça appuie le propos.

Sors-tu : On a vu que vous avez collaboré avec Yves Saint-Laurent pour la bande originale du parfum « L’Homme ». Une fierté?

Simon : Cette maison est fantastique. Et le réalisateur, Colin Tilley, c’est quelqu’un qu’on vénère. On voulait garder le côté vénéneux, dépasser le simple message de la publicité. YSL cherche des codes, la marque s’intéresse vraiment à l’artiste, et l’équipe avec nous posait des questions intéressantes sur la création. J’avais emmené l’équipe d’YSL en studio, lors de l’enregistrement de Blouson Noir avec Olivier, c’était cool.

Olivier : C’est très flatteur.

Simon : Et puis ça permet de toucher d’autres personnes d’une certaine façon.

 

Sors-tu : On peut vous poser une dernière question?

Olivier (rires) : Oui, oui, vas-y!

 

Sors-tu : A part une bonne tournée en 2016, que peut-on vous souhaiter?

Simon : Que les gens restent curieux. On est ravis de voir que notre troisième album peut être vécu d’une façon aussi jolie… Il nous arrive de très belles choses. J’apprécie de présenter un travail et que le monde s’y ouvre. Internet est une liberté de trouvailles, mais représente aussi une emprise permanente qui rabache ce qu’il faut dire, être, porter, ou même comment se définir. L’humain peut devenir le fainéant qui va juste re-tweeter… Je veux qu’il reste curieux, et ce pour toute forme d’art.

 

Sors-tu : Y a un côté passif, effectivement…

Olivier : Ça a toujours existé, mais il faut tenter de garder un équilibre.

Simon : Que notre quotidien ne soit pas juste de la passivité par rapport à l’action.

Olivier : Et c’est d’ailleurs aussi la responsabilité de l’artiste!

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