crédit photo: Luna Choquette-Loranger
Elisapie

Elisapie au MTELUS | Des récits du Nord en musique et en émotion

La file faisait presque le tour du bloc devant le MTELUS jeudi soir pour le concert tant attendu d’Elisapie. La salle est bondée, surtout le parterre où les fans de la chanteuse inuk se serrent comme des sardines, prêts à chanter, danser et donner de l’amour au programme principal de la soirée.

La projection d’une sorte de yourte éclairée à la bougie au centre d’une nuit étoilée calme le public d’un coup, le spectacle va commencer. D’un boombox lumineux placé au centre de la scène émane la voix rassurante d’Elisapie Isaac sous forme d’animatrice de radio, annonçant en inuktitut la célèbre chanson I Have A Dream du groupe ABBA. Sur cet hymne au rêve et à l’espoir entre le band, suivi de la chanteuse. Vêtu d’une veste à franges blanche et rouge aux imposantes épaulettes, elle se place sur scène avec une prestance quasi indescriptible. Placée derrière un écran transparent et de la fumée blanche qui offrent un genre de filtre, elle semble tout droit sortie d’un rêve.

Elle démarre le spectacle avec la douce reprise de Heart of Glass, Uummati Attanarsimat, de son album Inuktitut, sorti en septembre 2023. Originalement plus pop rock dansante, cette reprise folk de la chanson lui fait le plus grand bien, on pourrait presque souhaiter qu’elle soit toujours jouée ainsi. S’ensuit Taimangalimaaq (Time After Time), qui, elle, respecte davantage les codes de la chanson de Cindy Lauper, portée avec brio par la voix envoûtante de la chanteuse inuk. Time After Time, que l’on peut traduire par « encore et encore », est d’ailleurs ce que l’on souhaite au message que porte Elisapie, qui raconte entre (et à travers) ses chansons l’histoire de son enfance à Salluit, au Nunavik. Le public, buvant ses paroles, en demande encore et encore. Elle propose ensuite une interprétation de la chanson Call of the Moose, de son album The Ballad of the Runaway Girl, soulignée par une projection d’un clan d’orignaux gambadant dans les champs.

Suivait la chanson Sinnatuumait, reprise de la chanson Dreams de Fleetwood Mac afin de rendre hommage à son frère, décédé dans un incendie lorsqu’elle avait 3 ans. « Il aimait faire de la moto, il aimait cette chanson, et, paraît-il, moi, il m’adorait », dit la chanteuse alors que, derrière elle, joue une vidéo d’un jeune homme portant une petite fille sur sa moto, roulant à travers les routes du Nord. Sa voix enveloppe la salle, et pendant un instant, on peut sentir que son frère la tient par la main.

Des reprises très personnelles

Les chansons qui se trouvent sur son album Inuktitut ne se retrouvent pas là au hasard. Ces reprises de chansons sont porteuses d’histoire, de ses histoires d’enfance et de famille, qui sont toutes significatives à leur manière pour la chanteuse.

C’est ce qui ressort le plus du spectacle; les souvenirs. Ça donne envie de tendre l’oreille et de se laisser bercer par les récits du Nord, racontés avec sensibilité par la femme de 47 ans.

Même lorsqu’elle chante en solo, elle n’est jamais vraiment seule. Elle parle de son frère, de ses oncles, de ses cousins. Elle dédie une chanson d’amour à sa mère biologique, qui se trouvait d’ailleurs parmi la foule hier soir. Elisapie souligne, avec une émotion marquée dans sa voix, la « pandémie de suicides » qui frappe les communautés autochtones dans les dernières années. Pandémie qui a malheureusement entraîné son cousin, un jeune homme qui adorait la fête et la danse. « Il est avec nous ce soir, il est toujours autour de nous », mentionne-t-elle avant de prêter sa voix à la chanson de Queen, Qimatsilunga (I Want to Break Free).

Il est important de souligner la présence de ceux qui étaient avec elle en pensée, mais l’artiste était également bien entourée sur scène. En effet, après avoir mentionné que le mot « fan » était trop petit pour décrire l’amour inconditionnel qu’elle porte pour Leonard Cohen, elle raconte qu’elle a eu la chance de rencontrer son agent lors d’un de ses spectacles. Ce dernier lui a mentionné que le seul regret de Cohen a été de ne jamais avoir chanté dans le Nord. Elle a donc repris sa ballade Taimaa Qimatsniungimat » (Hey, That’s No Way to Say Goodbye), « et maintenant il joue souvent dans le Nord », dit-elle. Pour interpréter cette magnifique chanson, elle invite celui qu’elle décrit comme une emblème montréalaise, le chanteur Patrick Watson (« je me permets une mini note personnelle, mais à ma plus grande joie »). C’est le moment fort de la soirée. Leurs voix se marient à merveille, la mélodie est interprétée avec brio, on ne voudrait jamais que ça finisse.

Parmi les autres invités marquants de la soirée, il est impératif de mentionner la présence de l’oncle d’Elisapie, le musicien George Irsutuq Kayakuk, auteur de la chanson The Ballad of the Runaway Girl, chanson éponyme de son troisième album sorti en 2018.

Elle a également reçu le danseur Simik Komaksiutiksak, offrant une présence scénique hors du commun, et la visite de la chanteuse Dominique Fils-Aimé, entre autres pour la chanson Wolves Don’t Live by the Rules, une favorite du public.

La tête pleine d’histoires, de chansons et le cœur qui pointe le Nord, le public en redemande encore. Elisapie revient donc sur scène afin de rendre un dernier hommage au groupe qui l’accompagne : Jean-Sébastien Williams (guitare), Jérémie Essiambre (batterie) et Jason Sharp (saxophone basse). Au chant de gorge et au qilaut (un tambour), Silvia Cloutier et son fidèle bras droit, Joe Grass, qui collabore avec elle depuis plusieurs albums déjà.

Pour la première chanson du rappel, Qaisimalaurittuq (Wish You Were Here), elle invite tous les invités de la soirée à la rejoindre sur scène pour une interprétation intime, quasi-acapella afin d’offrir un moment particulièrement touchant.

« Pour cette dernière chanson, vous êtes dans mon salon, alors je veux voir tout le monde danser », dit la chanteuse, mentionnant qu’elle inviterait tout le monde sur scène si elle le pouvait. C’est donc dans une ambiance des plus festives que se termine la soirée, promettant certainement à l’album Inuktitut, qui roule déjà depuis un an, de jouer dans les oreilles du public « encore et encore ».

 

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