CinéConcert du FCVQ

Antonio Sanchez joue Birdman au FCVQ 2017 | En chair et en baguettes

Le Festival de Cinéma de la Ville de Québec, qui se poursuit jusqu’à samedi, proposait jeudi soir le deuxième Ciné-concert de son édition 2017 avec le passage très remarqué d’Antonio Sanchez au Palais Montcalm. L’illustre batteur mexicain du Pat Metheny Group venait interpréter sur scène sa désormais mythique trame sonore batterifique du film Birdman, en simultané avec une projection du long métrage d’Alejandro G. Iñárritu.


 

– Tu devrais venir couvrir le Festival de Cinéma de la Ville de Québec cette année.
– L’ennui, c’est que Sors-tu.ca ne couvre pas le cinéma… juste les arts de la scène.
– Ouais, mais il y aura un ciné-concert avec Antonio Sanchez qui jouera la musique de Birdman sur scène.
– Ok j’arrive…

C’est à peu près comme ça que ça s’est réglé.

Quiconque a vu l’oeuvre oscarisée d’Iñárritu, paru en 2014, se rappelle forcément de l’audace de sa trame sonore, et de la saveur particulière qu’elle inculque au film.

Le pari était risqué, comme l’explique le sympathique batteur lors de son introduction sur scène : « Iñárritu m’a appelé — ce qui en soi me paraissait suspect puisqu’en général il me texte. Il me dit : « pour mon prochain film, j’aimerais que tu fasses la trame sonore, et que ce soit strictement de la batterie. » Ça n’avait jamais été fait avant… »

Sanchez nous explique ensuite que le processus est d’abord né d’une longue session d’improvisation en studio, et qu’une sélection des pistes de cette session a été présentée aux acteurs et artisans du film en vue des 28 jours de tournage. Le batteur est ensuite retourné en studio une fois les scènes captées afin de réenregistrer la trame sonore de façon plus structurée, afin qu’elle colle aux images et au montage.

« Ce que je vous interpréterai ce soir est un mélange entre l’esprit d’improvisation de la première session, et la précision de la deuxième. »

Il s’installe derrière ses futs, en bordure côté cour,  les grosses lettres FOX SEARCHLIGHT PICTURES apparaissent au son des trompettes claironnantes classiques, et voilà que ça démarre : les roulements de baguette sur la caisse claire, comme une dégringolade contrôlée, ponctue avec une précision étonnante l’apparition des lettres au générique d’ouverture, avant de s’arrêter brusquement au moment d’apercevoir Michael Keaton qui lévite dans sa loge, dans le silence le plus complet.

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Bonimenteur à baguettes

C’est magique, les Ciné-concerts. Ça nous ramène à l’époque des bonimenteurs qui jouaient du piano pour agrémenter les films muets. Sauf que de nos jours, soit que c’est le piano qui accompagne — Roman Zavada en a fait un art en soi — ou encore des orchestres symphoniques somptueux. Un batteur, seul sur scène, qui accompagne les déplacements des personnages dans les coulisses du théâtre St. James avec des solos free-jazz parfaitement calibrés, c’est autre chose complètement.

Absorbés par le film et sa fascinante exploration d’un personnage de Hollywood déchu qui tente de se réinventer une pertinence artistique en réadaptant une pièce de Raymond Carver sur Broadway, on oublie souvent la présence de Sanchez, qui ne joue vraiment pas tout au long de la projection. C’est ainsi sur le score original aussi. Mais quand il intervient, notre cerveau passe du mode cinéphile au mode « festival de jazz », et l’adrénaline monte au cerveau comme c’est rarement le cas au cinéma. « L’expérience IMAX » n’a pas un iota d’avance sur celle d’un musicien sur scène, encore moins les maudits bancs qui bougent comme si on était à La Ronde.

Finale jazzy

Au générique de fermeture, on tombe carrément en mode concert, alors que Sanchez se laisse aller et nous gratifie d’un morceau de batterie hallucinant, qui dépasse d’une bonne dizaine de minutes une fois la projection terminée. Là, on nage en pleine improvisation et Sanchez est maître de son terrain de jeu, au plus grand plaisir de la foule qui n’hésite pas à lâcher quelques cris et sifflements.

Jeudi soir à Québec, Michael Keaton n’était pas la vedette, ni même Iñárritu. Le public était venu voir Antonio Sanchez, l’homme derrière l’une des trames sonores les plus inventives et percutantes de la dernière décennie. Et sa présence fut applaudie à sa juste valeur. Chapeau au FCVQ pour la bonne idée !

Le Festival de Cinéma de la Ville de Québec se tient du 13 au 23 septembre 2017. Détails et billets par ici.

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