Festival de Jazz de Montréal 2023 | Les adieux de Buddy Guy et son festival du cabotinage
Buddy Guy fêtera ses 87 ans dans un mois, mais reste en grande forme. On sait le guitariste facétieux sur scène, mais, ce soir, c’est la surenchère de cabotinages à n’en plus finir, avec un répertoire expédié sans grand respect et avec bien trop de clins d’œil appuyés à ses anciens comparses. Un concert dont on est ressorti avec une certaine amertume.
Avec le dernier concert tristement célèbre de B.B. King au Festival de Jazz de Montréal en 2014, c’est toujours avec circonspection qu’on va voir les légendes sur leurs derniers miles. Est-ce que l’on va assister à la déchéance d’une idole qui fait le concert de trop, ou bien un joyeux bye bye public?
Buddy Guy fête ses 87 printemps à la fin du mois et reste vif, physiquement en grande forme. Il fait tout le concert debout et arpente la scène de long en large, toujours attentif et sans trop de répit, ça impose le respect tout de même!
Un monument du Chicago Blues
C’est quand même toute une partie de l’histoire du Blues qui se tient devant nous et dont le jeu de guitare flamboyant a influencé bien des guitaristes comme Éric Clapton, Jimi Hendrix et le regretté Jeff Beck, pour n’en citer que trois. Buddy a percé dans les années 60 avec son album de référence A Man & the Blues (1968). Il y a aussi ce duo légendaire avec l’harmoniciste Junior Wells, qui donna l’album Buddy Guy & Junior Wells Play the Blues (1972) ainsi qu’une série de retrouvailles plus ou moins houleuses au cours des années et qui produira une douzaine de disques.
Après le creux des années 1980, il est revenu sur le devant de la scène avec l’album Damn Right, I’ve Got the Blues (1991) au cours du deuxième Blues Boom initié par Stevie Ray Vaughn et consorts. Une scène qu’il ne quittera plus, en sortant régulièrement des albums.
C’est tout un pan du Chicago Blues qui monte sur scène avec Buddy Guy, avec sa casquette vissée sur le crâne, sa salopette devenue son uniforme et une chemise blanche à pois noirs, un motif récurrent, en hommage à sa mère. Et tout avec sa réputation de showman flamboyant que j’avais pu constater avec joie, il y a 25 ans déjà. Déjà dans les années 1960, il sortait de scène et allait se promener dans le public grâce à un fil de 100 pieds. Innovateur pour l’époque!
« I came to Montréal to fuck with you. »
Ce soir, Buddy ne nous épargne aucune facétie et nous les sort toutes, l’une après l’autre : les licks de guitare joués à la main gauche alors que le bras droit est collé au corps avec une face qui dit, « ça joue sans que je bouge » ; la guitare jouée avec les dents (d’après la légende, Hendrix lui a emprunté celle-là) ; la note interminable grâce au feedback… Il y a un aspect comique assumé qui nous fait rire… au début. Un moment donné, on n’a pas pu s’empêcher de grincer des dents et de sortir plus ou moins de façon audible : « Boooon! Il nous l’avait pas encore faite celle-là… »
On pourrait lui pardonner ça, si ce n’était de ce besoin de massacrer son répertoire. Seulement quelques titres arriveront à une fin normale, la plupart des morceaux étant interrompus brutalement par un signe rageur de la main. Puis d’enchaîner sur des tirades plus ou moins pertinentes, avec un côté mononc’ apparent, ponctuées de nombreux fuck et shit. « Pendant la pandémie, on nous a demandé de nous laver les mains avec de l’alcool!!! Mais moi, je le bois, l’alcool! »
Alors qu’il entame une très belle version du How Blue Can You Get popularisé par B.B. King, avec un chant puissant et les notes de guitare à la BB, Guy ne peut s’empêcher de conclure abruptement l’affaire au bout d’une minute trente en jouant les sept notes du fameux Shave and Haircut. Interruption, vous dites? Ça en est de même avec Voodoo Chile, Sunshine Of Your Love, Chicken Heads, She’s Nineteen Years Old…
Pourtant, le jeu de guitare de Buddy Guy reste là quand il se force, comme sur Feels Like Rain ou Damn Right, I’ve Got The Blues. Mais il peut aussi devenir imprécis, voire brouillon, bien trop appliqué à faire des grimaces.
Son guitariste Ric Hall était là pour apporter de la musicalité à l’ensemble lorsque Buddy Guy allait régulièrement boire et nous a offert quelques envolées réjouissantes. Christone « Kingfish » Ingram est aussi venu échanger quelques notes avec la légende à la fin.
Plus un show qu’un concert, Buddy Guy nous a fait ses adieux avec bien trop de cabotinages comme un clin d’œil ironique à la grande Faucheuse. J’en suis ressorti agacé et déçu de voir encore autant de talent et de vivacité consacrés à des bouffonneries au détriment de la musique.
Christone « Kingfish » Ingram en ouverture de la soirée
Pour ouvrir la soirée, c’est le tout jeune guitariste de 24 ans, Christone « Kingfish » Ingram qui monte sur scène. La nouvelle sensation du Blues nous prouve rapidement qu’il mérite tout l’intérêt qui se porte sur lui actuellement.
Avec un jeu de guitare électrique très ancré dans la tradition blues, mais qui sait toutefois s’ouvrir vers une richesse harmonique moderne et de bon goût, il a tranquillement mis la Salle Wilfrid-Pelletier de son bord. Face au trio puissant qui l’accompagnait, je suis tout de même perplexe sur le choix du bassiste, très volubile et usant trop souvent du slap. Avec un son de basse énorme et qui prend beaucoup de place sur le spectre, il empiète même sur le carré du guitariste.
Kingfish a aussi une voix chaleureuse et puissante, dans la pure tradition blues. Il me fait penser à Robert Cray avec le genre de jeu de guitare peut-être un peu trop sage parfois. Mais il a encore le temps de développer toute sa personnalité. Et c’est avec joie et intérêt que l’on suivra la carrière de cette talentueuse découverte qu’est Christone « Kingfish » Ingram!
- Artiste(s)
- Buddy Guy, Christone Kingfish Ingram
- Ville(s)
- Montréal
- Salle(s)
- Salle Wilfrid-Pelletier
- Catégorie(s)
- Blues,
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