Running Piece (Jacques Poulin-Denis)

Entrevue avec Jacques Poulin-Denis | Running Piece : un défi absolu

Présentée à l’Agora de la Danse du 18 au 21 avril 2018, la création Running Piece de Jacques Poulin-Denis, mettra en vedette le danseur Manuel Roque avec pour seul partenaire un tapis-roulant.

Inspiré par un sentiment commun dans notre société, à savoir celui d’être toujours à la course, débordé et rattrapé par le temps, le chorégraphe s’est penché sur les manières possibles d’adapter ce mouvement physique pour en retranscrire un mouvement mental, menant souvent à l’épuisement.

Une autre source d’inspiration est issue d’une expérience courante lorsqu’une musique entre en osmose avec le moment que l’on est en train de vivre. « C’était très intéressant de prendre un mouvement très simple comme celui de la course en changeant le décor sonore et de voir comment on pouvait faire voyager le spectateur par le son et le mouvement », confie-t-il. Il ne cache pas non plus sa volonté de transposer à la scène ce moment de voyage et de dédramatisation.

Sur une idée originale du chorégraphe, le cheminement de Running Piece s’est fait sur le long terme, en partie à cause du dispositif scénique important. Le tapis-roulant, qui compose l’essentiel de la scénographie, a demandé un long processus de recherche et développement de techniques qui sera en cours jusqu’à la dernière minute.

Parmi les contraintes de la pièce, au-delà d’un travail du cardio poussé, l’interprète doit faire face à l’interaction et la relation nouvelle entreprise avec une machine qui est sa seule partenaire et qui ne s’arrête pas.

Depuis un an et demi, M. Poulin-Denis s’est donc penché sur les différentes possibilités offertes par la machine (plus grande que celles que l’on trouve dans les gyms afin d’offrir une surface adéquate pour danser et de pouvoir aller dans les deux sens). Le dispositif reste très limitant puisqu’il restreint le danseur à occuper un tout petit espace de la scène, qui perd en profondeur et en largeur. De même, il est contraint à se déplacer sur une courroie toujours en mouvement. Une grande partie du temps de préparation a également été consacrée à la compréhension de son fonctionnement, à sa programmation et à son optimisation.

Jacques Poulin-Denis est donc passé par plusieurs stades avant d’en arriver à cette première version finale. Plusieurs périodes d’essais se sont succédé, ainsi que des résidences avec différents interprètes, y compris les élèves de l’École de danse contemporaine de Montréal. Running Piece fut même un trio pendant un certain temps avant de revenir au solo, qui amène une autre portée pour le spectateur. On peut alors choisir de s’attacher à une seule personne et de se concentrer sur cette dernière plutôt que de devoir jongler entre plusieurs protagonistes comme dans une course à relais, où le récit est alors modifié. Le chorégraphe avait à cœur d’explorer en profondeur un seul parcours plutôt que de s’éparpiller à travers plusieurs.

* Photo par Robin P. Gould.

C’est finalement Manuel Roque — lauréat de deux prix lors des Prix de la danse de Montréal 2017 (prix Interprète/Regroupement québécois de la danse et Prix de la meilleure œuvre chorégraphique pour Bang Bang remis par le CALQ) — qui portera le flambeau pour la création de Running-Piece.

Sans se connaître parfaitement, c’est finalement le profil particulier du danseur, également dans une démarche chorégraphique et créatrice qui a attiré l’œil de M. Poulin-Denis, à la recherche de quelqu’un pouvant assumer l’exigence de la pièce. « Parmi les contraintes de la pièce, au-delà d’un travail du cardio poussé, l’interprète doit faire face à l’interaction et la relation nouvelle entreprise avec une machine qui est sa seule partenaire et qui ne s’arrête pas », explique le chorégraphe. Il faut alors apprivoiser ses mouvements en même temps que ceux de la machine.

Jacques Poulin-Denis, également compositeur, s’est occupé de la musique, à la fois un avantage mais aussi une barrière supplémentaire. S’il pouvait composer à partir d’une action ou transposer des idées musicales en mouvement, les deux rôles alliés à la question de la programmation technique du tapis roulant finissaient par se freiner mutuellement car il n’était jamais entièrement disponible sur un seul aspect. Le fait de pouvoir échanger et partager avec son interprète qui a proposé des choses a été un allègement pour ce spectacle, conçu dans l’idée que la musique va contribuer à tracer le parcours dramaturgique de la chorégraphie. La création de cette pièce reste donc un défi façonné de toutes pièces sur tous les plans.

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* Cet article a été produit en collaboration avec l’Agora de la danse.

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