Orphaned Land

Voodoo Kungfu, Pain et Orphaned Land aux Katacombes | Soirée internationale de haut calibre!

Dans des Katacombes pleines à craquer, le groupe chinois Voodoo Kunfgu en a mis plein la gueule, avec son metal tibétain. Les Suédois Pain, très attendus, ont conquis leur public, et Orphaned Land, d’Israël, a amené les festivités à bon port, avec son folk metal moyen-oriental. Le riche mélange de cultures rappelle d’ailleurs le Festival Earslaughter, qui avait lieu cet été … Portrait d’une soirée haute en couleur!

Voodoo Kungfu : Catharsis himalayenne

Farfelu, d’allier la musique metal au bouddhisme tibétain? Pas du tout! Voodoo Kungfu le prouve avec une brutalité hors du commun… Ce groupe, basé en Chine, mais réunissant aussi des musiciens de Mongolie et du Tibet, est le projet du frontman Nan Li. Voodoo Kungfu a sorti son premier album en 2008, intitulé Ci An – Temporal Side. Ce groupe a été le premier groupe chinois à jouer dans un gros festival, au Wacken Open Air, en Allemagne en 2008. Tibet –The Dark Age a été lancé en 2010, mais à cause de son attitude revendicatrice, Voodoo Kungfu a été banni de tous les plus gros festivals en Chine et n’a pas pu se produire à l’étranger…

Sous l’éclairage bien trop minimal des Katacombes, le groupe débute avec des chants de gorges et des percussions simples mais épiques. Une ambiance invraisemblable – digne d’un monastère diabolique et ensorcelé. Flanqué de ses deux guitaristes au visage livide, à 7 et 8 cordes, Nan Li se débat dans son habit traditionnel tibétain, étant caché sous un masque ressemblant à ceux de Mushroomhead. Le batteur, du haut de la mezzanine, reste masqué durant tout le spectacle, et propose un jeu à la fois étrangement organique et mécanique. Parcouru de tics nerveux exagérés, le chanteur aux multiples voix fascinantes se débarasse de son lourd attirail après quelques chansons. Cette armoire à glace au crâne tatouté déverse un flot presque ininterrompu de syllabes aigues et rauques, sa voix perçante s’élançant comme un le cri d’un vautour qui survole l’Himalaya. Nan Li, lors de nombreux voyages, a rencontré des shamans qui lui ont appris des techniques de chant, dont le Urtiin duu, et le Khoomei (chants de gorge mongoliens, reconnus par l’UNESCO).

Voodoo Kungfu possède des influences new metal, un peu trash, mais il a réellement créé son propre son – un Sepultura arrosé d’huile de sésame. C’est toujours lourd, lancinant, et de sublimes dissonances sont incorporées ici et là. Des instruments traditionnels jouent en séquences, comme le morin khuur (« horsehead fiddle »), instrument à cordes traditionnel, aussi classifié par l’UNESCO. Après s’être innondé le visage de faux sang et avoir combatu d’imaginaires adversaires, Nan Li salue le public et le groupe finit avec une chanson incorporant des chants traditionnels tibétains féminins. Bref, quelle méditation sauvage, fougueuse et libératrice!

Pain : Sauna suédois

Pour les néophytes, Pain est un one-man band de metal industriel, créé par Peter Tägtgren (aussi fondateur, chanteur-guitariste et compositeur principal d’Hypocrisy). À l’origine un simple passe-temps, il a sorti 8 albums depuis 1996… Prolifique hobby!

À grands renforts des cornes du diables, le public accueille les souriants patriarches suédois. À noter : le batteur est le jeune fils de Peter Tägtgren, Sebastian. Le chanteur-guitariste arrive sur scène vêtu d’une camisole de force défaite, comme sur la pochette de leur plus récent et huitième album, Coming Home. Pain, qui foule le sol nord-américain pour la première fois, était très attendu! Ils débutent donc, assez ironiquement, avec Shut Your Mouth, sous des exclamations assourdissantes. Accompagnés de séquences, ils livrent une performance impeccable, professionnelle, en total contrôle des éléments. Par ailleurs, il y a une belle complicité entre les membres. Tägtgren et son guitariste Greger Andersson profitent de leur « wireless » pour parfois se frayer un chemin à travers la foule très compacte. Avec sa mine à la fois sournoise et boudeuse, du haut de ses yeux exorbités encerclés de noir et faussement réprobateurs, l’échappé de l’asile exprime sa joie d’être ici pour la première fois. Petit bémol : le bassiste Johan Husgafvel porte un chandail à l’effigie de son propre groupe (ce qui est une bien fâcheuse mode ces temps-ci)… Véritable fournaise monolithique, Pain déverse sa musique sur les âmes nordiques, comme une cascade bouillante sur des roches brûlantes. Et la vapeur s’élève en de voluptueuses arabesques, au-dessus des êtres transpirants, qui profitent d’une détoxification. D’ailleurs, cela rapelle un autre spectacle-thérapie avec Conan, Dopethrone et North, ici…  On entend presque le crépitement du bois sec qui brûle, et l’odeur d’eucalyptus est quasiment palpable.

Ça s’amuse ferme sur The Great Pretender ainsi que sur Dirty Woman! Tägtgren donne le micro aux fans déchaînés. Après la dernière pièce, les musiciens donnent la main à ceux qui s’agglutinent près de la scène. Tägtgren tonne un ultime « We love you, Montréal » et ils tirent leur révérence. Somme toute, ces monuments suédois on eu une belle première aventure montréalaise, devant un public amouraché!

Orphaned Land : L’utopie à portée de main

Présents pour la quatrième fois à Montréal, les prophètes métalliques d’Israël ont créé toute une ambiance festive! Pour ceux qui l’ignorent, ce groupe-phare, oeuvrant dans le folk metal moyen-oriental, existe depuis 26 ans (!) et a sorti 6 opus. Possédant des influences doom metal et death metal, ils incorporent également des chants juifs traditionnels (piyyoutim) et des instruments et des mélodies arabes.

Ces pionniers ont une bonne présence scénique, quoique les musiciens font souvent dos au public lors des interludes instrumentaux… On aurait aimé plus de contact. Le batteur et un des guitaristes font des bons back vocals, chantés ou gutturaux. Le chanteur Kobi Farhi possède une excellente maîtrise de sa voix. Après la deuxième chanson, il éprouve quelques problèmes techniques avec son micro, réglés rapidement. Il a un excellent contact avec son public – en fait, il personnifie Jésus-Christ! On peut facilement l’imaginer couronné d’épines, dire qu’il propage la bonne nouvelle, et qu’il guide ses fidèles en terre sainte… mais on va arrêter ces analogies douteuses. Ce chanteur félin semble presque se mouvoir sous l’eau, et les quelques mudras qu’il fait sont fascinants… C’est résolument le party aux Katacombes!  Sur All is one, le public tappe des mains sur un rythme un peu inhabituel. Le gracieux chanteur, entre quelques chansons, y va de quelques mots sages, dont une remémoration de la Trêve de Noël de 1914, ainsi que la revendication d’une coexistence pacifique entre juifs et musulmans : « We are one big family! We are all brothers ». Le spectacle du quintette unificateur se termine sur Norra El Norra, avec un public qui saute sur commande. Bref, comme la parabole Des pas sur le sable de Mary Steel Stevenson, Orphaned Land nous porte solidement sur ses épaules, à travers ce désert où nos âmes, parfois, errent trop longuement…

Bref, les trois tribus nomades de Lhassa, Stockhölm, et Tel-Aviv ont décidément fait exploser les frontières, hier soir! Les convives, citoyens du monde confirmés, ont très bien accueilli ces métalleux venus partager leur créations dans notre belle métropole cosmopolite. Cette soirée unique a démontré, avec une violence de qualité, l’immense pouvoir de la musique.

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