Vision hip-hop qc | L’exposition qui ne rendait pas hommage aux oeuvres

À travers une vingtaine de toiles, Marven Clerveau met en lumière les faces cachées du hip-hop québécois, niche musicale qui s’impose comme la nouvelle pop. L’exposition Vision hip-hop qc du Centre Phi est présentée comme une excursion à travers le parcours d’apprentissage de l’artiste: avant d’entamer sa démarche, il ne s’y connaissait pas en hip-hop québécois. L’art visuel de cet artiste afro-contemporain est, comme toujours, un plaisir à admirer, mais l’aspect «découverte» de l’exposition est mal exploité.

Au milieu du Centre Phi, les portraits sont exposés dans un petit espace d’à peine quelques mètres carrés. Ils sont séparés de la grande pièce par des murs hauts. Média mixte de pastel, d’acrylique et de collage,  chaque toile représente une figure importante et emblématique de la scène hip-hop québécoise depuis la fin des années 70.

Pour le choix des images collées, l’artiste y est allé de facteurs importants dans la carrière ou de la vie de l’artiste représenté. Photos de famille, Malcom X et logos de maisons de disques cohabitent dans le Centre Phi. «Des fois j’ai demandé aux artistes de m’envoyer des images qui leur tenaient à coeur», nous apprend Clerveau.

Fidèle à son habitude, cet adepte de Frida Kalo travaille toujours avec l’inclusion à coeur: ça transparaît dans le choix de ses muses. On y retrouve des J.Kyll, Monk-E, Anodajay tout comme des groupes comme Rainmen. Une oeuvre hommage aux artistes ayant perdu la vie est un coup de coeur de l’artiste et du commissaire de l’exposition, Vladimir Delva. «Ici, c’est un coin qu’on aime beaucoup», dit celui-ci, en faisant référence à la section privilégiée où siège cette oeuvre: elle s’apparente à un autel.

Une exposition mésadaptée

Tristement, il est difficile de se déplacer dans le très petit espace dédié aux toiles et d’avoir du recul par rapport à ce qu’on regarde. Une vingtaine de tableaux sont exposés dans ce très petit espace: neuf par murs parallèles, qui eux, sont à peine à 2 mètres de distance.

Pour savoir qui les portraits représentent et en apprendre plus sur ces icônes, il faut les scanner, armés d’un appareil intelligent. Ça prend quelques instants avant de voir apparaître l’information et, soyons francs, pas mal de détermination. Malheureusement, la technologie ne semble pas tout à fait au point, ni appropriée.

Le but dans tout ça: en apprendre plus sur les artistes représentés, un tableau à la fois. À force de quelques clics et beaucoup de patience, on apprend à qui est dédiée l’oeuvre choisie. On peut aller plus loin et avoir accès à une biographie bien remplie de chaque artiste. On se retrouve le nez dans notre écran, à déchiffrer un page digne de Wikipédia. L’idée est bonne, puisqu’on est ici pour apprendre, mais le médium d’apprentissage ne rend pas honneur à l’oeuvre de Clerveau, même qu’il distrait et fatigue.

Plus de distance entre les tableaux aurait permis d’avoir plus de recul pour apprécier l’art, et une paire d’écouteurs pour chacun d’eux aurait permis de laisser nos yeux admirer les tableaux.

L’espace exigu dans lequel les oeuvres sont exposées ne laisse tristement pas une grande marge de manoeuvre: on fonce l’un dans l’autre, il est difficile d’y naviguer.

Les oeuvres peuvent aussi être admirés à l’aide d’un casque de réalité virtuelle. En l’enfilant, on se retrouve dans une grande pièce: on a de l’espace pour observer ce qu’on est venu voir. Cela à part, cette extravagance n’est pas très intéressante. Difficile donc de comprendre pourquoi la grandeur de la pièce principale n’a pas été utilisée, surtout considérant que celle-ci sert à la diffusion d’un montage audio-vidéo.

Beaucoup d’espace est offert pour regarder deux télévisions, sur lesquels défile ce montage, mais il est difficile d’entendre ce qui sort des boom-boxes agissant comme boîtes de son. Pour bien entendre, on se trouve un peu loin des images, qui, soyons francs, sont fortes en signification. George Fok, artiste de new media, principalement d’art numérique, à mis le paquet sur ce montage à intention journalistique produit par Gayance.

On assiste à un condensé numérique qui expose la discrimination du rap anglais (et surtout Noir). «Sous le prétexte du nationalisme québécois et de son protectionnisme, le rap bilingue et français est largement ignoré par son média principal», peut-on lire sous la vidéo.

Ultimement, les oeuvres présentées sont géniales et le travail de Marven Clereau est admirable, tout comme le montage de George Pok. On y voit une détermination à souligner le traitement réservé au rap au Québec: son blanchissement dans le mainstream, la qualification de «gangster rap» dès que les artistes sont Noirs, et j’en passe. Le besoin d’introduire au grand public les artisans de ce milieu est criant au nom de l’Histoire et Clerveau accomplit cette mission avec talent. Encore mieux, il l’accompli avec l’art.

L’exposition est décevante et ne fait malheureusement pas honneur à ce travail admirable, intéressant et surtout important à l’ère actuelle. Elle ne met pas en valeur le talent artistique de l’artiste ni l’information qui tente d’y être véhiculée.

Le travail artistique de Marven Clerveau en vaut tout de même le détour. L’exposition est gratuite et sera présentée jusqu’au 26 mars.Une série de panels de discussions seront offerts du 17 février jusqu’au 14 mars. Seront discutés des enjeux tels que la place des femmes dans la scène hip-hop et la longévité dans le genre. Des ateliers seront également présentés aux jeunes de 15 à 25 ans seront offerts du 19 février au 19 mars.

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