crédit photo: Jérôme Daviau
The Furious Bongos

The Furious Bongos à Sainte-Thérèse | Hommage sage à Frank Zappa

Ce n’est pas tous les jours qu’on a le plaisir d’entendre sur scène le répertoire du légendaire et regretté Frank Zappa. Depuis l’annulation de la tournée du fils Dweezil Zappa, en 2020, pour cause de pandémie, c’était la disette de Zappa au Québec. Ce vendredi, c’est avec la formation The Bongos Furious que l’exigeant répertoire de Zappa nous était joué. Un ensemble de haute tenue avec des musiciens talentueux, dont l’excellent batteur Chad Wackerman, qui a joué avec Zappa de 1981 à 1988, et la jeune percussionniste Pauline Roberts, qui a admirablement rempli le difficile emploi de jouer les parties complexes de Ruth Underwood, la mythique vibraphoniste de Zappa.

 

Party « zappaïen » à Sainte-Thérèse

Après avoir emprunté la Métropolitaine et traversé Laval, je me retrouve à deux pas de l’autoroute dans le stationnement de l’Académie Sainte-Thérèse, où le party semble déjà commencé avec des attroupements autour de certains véhicules pour boire et consommer. Comme dans nos jeunes années, mais ce soir, le public est majoritairement dans sa soixantaine…

La salle Jean-Michel-Bergot est une petite salle de 500 places, toute neuve et sans âme particulière. Elle est remplie au trois quarts de sa capacité pour cette célébration de l’héritage musical de Frank Zappa. C’est un public loin d’être dans sa prime jeunesse et qui exhibe sur sa bedaine un chandail plus ou moins vintage de Zappa et d’autres groupes mythiques du Classic Rock. Une partie de l’auditoire semble se croire un peu trop dans les années 70 et vouloir retrouver une ambiance hippie. Pourquoi pas, mais il reste que nous sommes en 2024, Zappa est mort depuis plus de 30 ans et une bonne partie des membres de la formation de ce soir n’étaient même pas nés lors de ce funeste jour.

The Furious Bongos

The Furious Bongos est une formation américaine de neuf musiciens de haut niveau, la musique de Zappa requérant tout de même une technicité au-dessus de la moyenne. Ces musiciens ont notamment collaboré avec B.B. King, Mick Fleetwood, Vinnie Colaiuta, Dweezil Zappa, Bryan Beller, Popa Chubby, les orchestres philharmoniques de Los Angeles et Munich, le Chicago Lyric Opera et le Madison Opera. C’est également leur première visite dans la Belle Province avec un show à Gatineau la veille et un autre à Québec, à la salle Dina-Bélanger, ce samedi.

On retrouve ce soir : Conrad St. Clair (basse, directeur musical), Lo Marie (chant, guitare, cheffe d’orchestre, directrice vocale), Chris « Monkey Man » Huntington (guitare, chant), Scott Fischer (chant à la Zappa, claviers), Jonathan Sindelman (claviers, chant), Danielle Dougherty (chant, percussions), Vince « Fluffy » Szynborski (saxophones, harmonica, chant de gorge), Pauline Roberts (MalletKAT : vibraphone/marimba électronique et percussions) ainsi que la légende de la soirée, Chad Wackerman (batterie)

Avec un répertoire qui puise essentiellement dans les années 70, le groupe fait revivre la folie du compositeur avec facilité et aisance, le tout avec une belle convivialité. La soirée commence en douceur avec Chunga’s Revenge, le temps de s’échauffer, puis la formation présente des classiques « zappaïens » comme Willie the Pimp, Montana, Hot Plate Heaven at the Green Hotel, Peaches en Regalia et Zomby Woof.

Des musiciens au top

Si le groupe est tout à son aise avec le répertoire, il y a tout de même un moment bizarre lorsque la chanteuse Lo Marie entonne un titre dans un style de chant très moderne, plein de trémolos et d’envolées qui s’accordent bizarrement au répertoire. C’est comme si la chanteuse Adèle interprétait une chanson de Zappa. Awkward… À part ce bref passage, les deux chanteuses Lo Marie et Danielle Dougherty étaient en maîtrise du répertoire avec un plaisir évident à chanter les insanités à saveurs sexuelles de Frank Zappa. J’ai également apprécié Scott Fischer, qui reprend brillamment les parties vocales de Zappa. La guitare de Chris Huntington sonnait peut-être un poil trop propre et posée à mon goût, surtout quand on est habitué au son plus rough et débridé du maître.

La basse de Conrad St. Clair était particulièrement présente ce soir, avec une dextérité notable et très bien placée sur les arrangements des titres. Chad Wackerman est la légende de la soirée, ayant tout de même joué avec le maître de 1981 à 1988 sur des titres avec des parties de batterie particulièrement difficiles, comme Black Page. À l’égal des batteurs plus connus que sont Terry Bozzio et Vinnie Colaiuta, Wackerman prouve ce soir qu’il reste à un haut niveau, notamment avec une partie en solo, dynamique et pleine de rebondissements. Il est ensuite rejoint pour une partie en duo avec Pauline Roberts, qui est loin d’être impressionnée par le CV de son aîné. Elle fait preuve d’une totale maîtrise de ses mailloches et pousse même les arrangements un peu plus loin dans l’excellence. On a là l’héritière toute trouvée de la vibraphoniste Ruth Underwood, icône du groupe de Zappa. Roberts fait preuve d’aplomb et d’un enthousiasme débordant, mettant tout son talent au service du répertoire de Zappa.

Avec des musiciens brillants, The Furious Bongos nous fait revivre de belle façon le répertoire exigeant et jouissif de Frank Zappa. Je regrette en partie que les titres soient principalement choisis dans la décennie 1970, mais je suis conscient que sur les centaines de titres de Zappa, il fallait faire des choix pour garder une cohérence dans l’ensemble. Il y avait aussi une certaine révérence et une attitude plutôt sage face aux titres de Zappa et la petite partie improvisée du concert n’a pas réussit à faire partir cette impression.

J’ai tout de même passé une belle soirée à écouter du Zappa en concert, et il est sûr que je vais garder une oreille attentive à la carrière de l’impressionnante vibraphoniste Pauline Roberts.

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