Suie de Dave St-Pierre : de l’art choquant pour choquer

Dave St-Pierre, l’enfant terrible de la danse contemporaine revient à la Place des Arts avec sa nouvelle création, Suie, qui s’intéresse à Jeanne d’Arc. Pour cela, il s’est entouré d’Anne Le Beau, Hubert Proulx et Bernard Martin en tête d’affiche.

D’emblée, le spectateur est prévenu : « Vous êtes maîtres de vos actes, vous pouvez sortir si ça vous plaît pas », scande le chorégraphe plusieurs fois en début de spectacle. Et ce sera chose faite ce jeudi soir par une bonne douzaine de spectateurs pour qui la représentation est apparue comme trop offensante.

Dave St-Pierre le revendique plusieurs fois : il ne fait pas de l’art pour plaire au public ou pour lui faire plaisir. Mais déjà en prévenant ainsi ses spectateurs, n’y a-t-il pas une sorte de mise en garde provocatrice volontaire où la perspective est renversée ? N’est-ce pas ainsi une manière de nous mettre au défi : « bravo, vous êtes restés jusqu’au bout, vous avez passé le défi » ? On peut aussi s’interroger sur la négation extrême du public que propose Dave St-Pierre, car qu’est un artiste quelconque sans son public ?

On nous distribue alors des bouchons d’oreilles, nous informant que la musique va être très forte, à la limite du soutenable. Et dans le noir, un bruit strident commence accompagné de projections de dessins plus ou moins obsènes sur la scène inclinée. Suivent alors plusieurs tableaux différents : Jeanne d’Arc se roulant dans la terre avant d’être lavée à la serpillère, Bernard Martin dans une robe répétant inlassablement « J’ai la main pognée dans la distributrice », ou encore Hubert Proulx imitant le Christ sur la croix. Et puis, St-Pierre ramenant un chien mais qui n’aura pas grand rôle puisqu’il restera sur le côté de la scène alors qu’on tente de le faire taire ; un enfant qui est là pour « adoucir » le spectacle ; des postures pornographiques ; une partie de ping pong sur une table alors que Jeanne est recouverte d’un drap. Les tableaux se suivent et ne se ressemblent pas mais ils ont tous un but précis : titiller notre sensibilité et nous faire sortir de notre petit moule. Le public hésite entre silences pesants ou rires francs devant ces images qui laissent perplexes.

On s’interroge alors sur l’absence de danse, oubliée dans une volonté de se faire entendre quitte à basculer dans un champ scénique de la vulgarité. Dave St-Pierre se cache ainsi derrière la phrase : « Il faut vomir l’art ». On peut tout à fait froisser les gens mais à condition de leur donner les clefs pour comprendre. Cela n’a malheureusement pas été fait avec cette création qui nous laisse dans un flou complet et qui nous donne l’impression d’être du choquant gratuit. Dave St-Pierre aurait pu nous offrir un propos un peu plus explicite ou nous donner des éléments qui auraient clarifié notre pensée afin de nous expliquer ce « pourquoi » resté dans nos esprits d’un bout à l’autre du spectacle, mais ça n’a pas été le cas et c’est ce qui aura manqué à cette création.

Il est certain que l’art permet de faire et d’exprimer tout ou presque, du moment qu’il y a une motivation derrière donnée explicitement au public qui ne peut que rester démuni devant une telle production. On saluera par contre le concepteur-éclairagiste, Hubert Leduc-Villeneuve, qui fait un superbe travail conceptuel au niveau des différentes ambiances proposées. L’art pour choquer et pour dénoncer, oui, sans hésitation. Mais choquer sans aucune raison que de vouloir heurter les gens et plus particulièrement le public ? À voir…

Si la curiosité vous démange, Suie est à découvrir jusqu’au 11 février à la Cinquième Salle. Attendez-vous à tout.

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