Théâtre Denise-Pelletier

Saison 2019-2020 du Théâtre Denise-Pelletier | Entre ouverture et révolte

« Avec des rêves, des exigences, des revendications, un peu de larmes, pas de sang, juste assez de mystère. Je veux entendre la clameur de la résistance, la beauté du discours, la force de l’attachement. Car sur la scène, comédie ou tragédie, c’est toujours de révolte qu’il s’agit. Quel que soit le siècle ou le lieu, c’est une agitation, une indignation, oui une révolte qui fait naître une œuvre. »

C’est Claude Poissant, le directeur artistique du Théâtre Denise-Pelletier, qui parle ainsi de sa programmation dans les deux salles du TDP pour la 56e saison de ce théâtre qui, depuis les belles années de la Nouvelle Compagnie Théâtrale, vise une clientèle cible d’âge scolaire, tout en intéressant le public adulte.

En 2019-2020, continue Poissant, alors que le nouveau millénaire est au cœur de sa jeunesse, la révolte est palpable, sonore, obligée, elle est un chant de survie, ni naïf ni innocent. Le théâtre le sait, le saisit, le travaille, l’interprète, en dessine la quête, en trace la conquête. Puis, le théâtre offre, échange. Avec qui veut, avec qui vient.

Trouver un public avide

Rassemblés dans un programme jaune pétant, pas moins de 12 spectacles seront présentés dans les deux salles du Théâtre Denise-Pelletier : la Salle Denise-Pelletier qui devrait logiquement prendre enfin le nom de Salle Gilles-Pelletier, à défaut de l’avoir fait de son vivant; et la petite Salle Fred-Barry qui propose un théâtre plus expérimental, un banc d’essai pour les nouveaux praticiens du théâtre qui ne demandent qu’à faire connaître leur vision artistique et se trouver un public avide.

Ainsi, dès le 25 septembre on pourra voir dans la grande salle une adaptation par Guillaume Corbeil du fameux roman d’anticipation d’Aldous Huxley publié en 1932, Le meilleur des mondes. C’est Frédéric Blanchette qui mettra en scène ce texte d’une « complexité absolue » sous la thématique de la dictature du bonheur. Une production très attendue, comptant Kathleen Fortin et Macha Limonchik dans sa distribution, aux côtés de Simon Lacroix dans le personnage de Bernard pour qui « personne n’est jamais sûr de rien ».

Simon Lacroix et Kathleen Fortin dans Le Meilleur des mondes

Suivront Les amoureux de Carlo Goldoni, une pièce peu connue ici de l’auteur qui a initié la comédie italienne moderne. Avant de quitter sa Venise natale pour Paris en 1762, Goldoni a imaginé cette histoire d’amour naissant entre une jalouse et un colérique que l’argent, l’ambition et le ridicule rendront vulnérables. Il sera plus qu’intéressant de voir la distribution de 10 comédiens dirigés par la metteure en scène Catherine Vidal, une habituée des textes difficiles, comme elle a su bien le faire dans le passé avec Le grand cahier, Le miel est plus doux que le sang, ou encore L’idiot.

En février 2020, toujours dans la future Salle Gilles-Pelletier (du moins, espérons-le encore), l’auteur et metteur en scène Olivier Choinière présentera une création ayant pour titre Zoé. Qualifié d’« auteur exceptionnel » par Claude Poissant dans sa présentation, Choinière s’est inspiré du mouvement étudiant de 2012 pour en arriver à un conflit inévitable entre deux visions du monde. Pour une première fois sur le grand plateau avec un duo, la pièce reposera sur le tandem de comédiens Marc Béland et Zoé Tremblay-Bianco.

 Zoé Tremblay-Bianco et Marc Béland dans Zoé

Les Sorcières de Salem suivront, véritable chef-d’œuvre du dramaturge américain Arthur Miller écrit en 1953 pour dénoncer le climat de terreur instauré par le maccarthysme, en s’inspirant du réel procès pour sorcellerie tenu en 1692 à Salem, une petite ville du Massachusetts dont les autorités avaient porté des accusations contre des jeunes filles se livrant dans les bois à des danses envoûtées et sacrilèges.

Sarah Berthiaume signe l’adaptation du texte de Miller en se plaçant du point de vue des sorcières elles-mêmes, menacées de pendaison, et posant comme dans un thriller les questions : Qui dénonce qui aujourd’hui? Et qu’en est-il des fausses accusations? La metteure en scène Édith Patenaude, qui a monté déjà 1984, y répondra avec ses 11 comédiens, dont Luc Bourgeois, Larissa Corriveau, Éveline Gélinas, Étienne Pilon et Mani Soleymanlou.

Huit spectacles attractifs à la Salle Fred-Barry

Du côté maintenant de la Salle Fred-Barry, huit spectacles courront durant la prochaine saison, dont certains assurément très attractifs. Ça commencera fin-août (une première) avec une production belge qui a beaucoup fait parler d’elle au Festival Off d’Avignon l’année dernière, J’abandonne une partie de moi que j’adapte. Une écriture collective sur le thème du bonheur au travail qui sera mise en scène par Justine Lequette et produite par Création Studio Théâtre National Wallonie-Bruxelles.

L’on retrouvera à la suite une création montréalaise très attendue, L’État, par Normand Canac-Marquis, un auteur québécois important qui ne s’est pas manifesté depuis quelques années. C’est la metteure en scène Martine Beaulne qui dirigera entre autres Robert Lalonde et Louise Laprade, dans ce contexte de lutte de pouvoir entre le politique et les médias.

 Jules Puibaraud et Léa Romagny dans J’abandonne une partie de moi

Octobre 2019 nous ramènera un des hits du FTA 18, Autour du Lactume, ce collage de textes, principalement de Réjean Ducharme, réalisé par Martin Faucher pour la grande actrice ducharmienne qu’est Markita Boies. L’exercice, périlleux, se nourrit à même la publication après la mort de l’auteur du recueil Le Lactume contenant près de 200 dessins réalisés par Ducharme à 23 ans, accompagnés de légendes de son cru, dans le pur style non négociable aussi bien que philosophique de l’immense écrivain en devenir, malgré son agoraphobie qui l’aura fait se retirer complètement du reste du monde pour toujours.

Le poids des fourmis, satire bédé des dialogues intergénérationnels autant que farce politique sur fond d’hallucinations, parfois fictives, parfois réelles, par l’auteur David Paquet et le metteur en scène Philippe Cyr, précédera tout juste Le sixième sens, une pièce qui réunira six comédiens et un aéropage de personnes souffrant de stress post-traumatique confrontées à l’univers des super-héros.

En février 2020, la compagnie Théâtre P.A.F. présentera un intrigant pamphlet d’Olivier Sylvestre intitulé Guide d’éducation sexuelle pour le nouveau millénaire. Obsédés par le bogue de l’an 2000 et la fin du monde peut-être toute proche, les trois comédiens dirigés par Gabrielle Lessard nous ramèneront 21 ans en arrière, alors que les réseaux sociaux n’existaient pas encore.

Chloé Barshee, Guillaume Rodrigue et Samuel Brassard dans Guide d’éducation sexuelle pour le nouveau millénaire

La compagnie de théâtre autochtone Menuentakuan, en résidence à Fred-Barry, offrira ensuite Alterindiens de l’auteur ojibwé Drew Hayden Taylor, dans une première traduction en français par Charles Bender qui jouera aussi avec entre autres la comédienne Violette Chauveau, dans ce sitcom politique mis en scène par Xavier Huard. « Cynisme, sarcasme, sang et humour » nous disait Claude Poissant dont il faut souligner l’ouverture à l’autre, et pour une rare fois au théâtre d’origine autochtone.

Enfin, l’année se terminera au TDP avec Le Scriptarium 2020 illustrant la parole des adolescents perdus dans le secret dédaléen des grands musées. Une heureuse supervision de ces textes d’ados viendra des commissaires majeurs invités, Nathalie Bondil du Musée des beaux-arts de Montréal, et Jean-Luc Murray du Musée national des beaux-arts du Québec. « L’art visuel se mire ainsi dans l’art vivant, immédiat, et le geste théâtral sort soudain de la toile », mentionne le communiqué de presse à propos du spectacle mis en scène par Monique Gosselin. Une production du Théâtre Le Clou, qui fêtera ses 30 ans d’existence contre vents et marées, en collaboration avec le TDP et le Théâtre jeunesse Les Gros Becs.

Lancement de la saison 2019/2020 du Théâtre Denise-Pelletier, photo par Frédérique Ménard-Aubin

« Faire le noir dans la salle, parfois même ne pas le faire, et soudain sortir de nous-mêmes pour entrer ailleurs et flairer l’air du temps. Passé, présent et futur. Avant d’être une pièce, avant d’être un spectacle, c’était peut-être une lettre d’amour, peut-être même un texto. Bienvenue au TDP. », concluait Claude Poissant à propos de la programmation résumée en ses propres mots par : « Un amalgame de réflexions aussi nécessaires que réjouissantes. »

 

Pour plus d’informations à propos de la programmation de la saison 2019/2020 du Théâtre Denise-Pelletier, rendez-vous sur le site officiel par ici.

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