crédit photo: Maude Bond
Rau Ze

Rau_Ze aux Foufounes Électriques | Génération intrépide

LE rendez-vous printanier des amateurs de musique émergente montréalaise était sans aucun doute donné hier soir aux Foufounes Électriques. Le duo R&B Rau_Ze lançait devant une salle pleine à craquer les chansons géniales de son nouvel album, intitulé Virer nos vies, à la fois survoltées et mélancoliques.

Rau_Ze a vécu dans sa carrière deux soirées aux allures de consécration, jusqu’ici. D’abord, évidemment, ce 16 mai 2022, finale des Francouvertes remportée par le duo, qui confirmait à quel point le projet était spécial et s’en allait déjà dans la bonne direction.

Et puis, il y a eu hier, vendredi le 12 avril 2024. Un lancement qui couronnait enfin tous les efforts déployés par Rose Perron et Félix Paul depuis ces dernières années, un lancement sous le signe de l’apothéose et de la camaraderie.

Virer loin, voler haut

Vers 22h, les musiciens attendus se placent sur la scène des Foufounes Électriques dans la pénombre et laissent entendre l’étrange (étrange par rapport au reste de la proposition, du moins) ouverture de l’album, Montréal chill. Dès que Rose Perron commence à chanter L’Habitude, quelques secondes plus tard, le public emboîte le pas et l’accompagne. Enfin, « l’accompagne », il chante tout seul les paroles, plutôt, et Rose Perron profite du moment en souriant.

Pas étonnant que les admirateurs du groupe connaissent aussi bien ce morceau, l’unique single qu’il a pu se mettre sous la dent pendant des semaines. Rau_Ze a pris la décision de rester secret depuis cette fameuse finale des Francouvertes, ne laissant paraître sur les plateformes que trois chansons en presque deux ans. Histoire d’être certains avant de se jeter dans le vide. Et pour le mieux : le projet est peaufiné et professionnel. Les membres de Rau_Ze sont encore dans le début de leur vingtaine, mais on croirait apercevoir des musiciens aguerris sur scène, tant le rendu est propre. Il manque encore cette petite connexion avec le public, ces interventions préparées et réussies dont les plus expérimentés ont le secret. Ça viendra plus tard.

Jeunes sur scène, alors, mais aussi sur le parterre et au balcon. Septums, tatouages minimalistes, franges courtes et moustaches : on a bien le droit ce soir à cette génération montréalaise dans le vent.

Rose Perron semble d’abord gênée, on comprend que le public l’intimide, mais on comprend aussi à ses expressions faciales à quel point elle est reconnaissante de ce qui lui arrive depuis ces derniers mois. Elle multiplie les performances vocales exceptionnelles, parce qu’elle-même est une chanteuse exceptionnelle. Rose Perron, le cœur, qui se mérite toute la lumière des projecteurs, tandis que de l’autre côté, Félix Paul, le cerveau, façonne le squelette musical aux claviers dans son coin, souvent les yeux fermés.

Le cerveau et le cœur, à eux deux ça donne Rau_Ze, à eux deux ça donne cet ensemble parfaitement cohérent.

Soul, R&B, un peu jazz et indie : l’album Virer nos vies est d’un point de vue personnel l’une des meilleures (si ce n’est la meilleure) sorties au Québec depuis des mois.

Un no skip, comme pourraient affectueusement dire les anglophones de ce monde. Il y a les douces, les réconfortantes, comme Sumerset ou Pas la peine, et il y a également les chansons plus mordantes, telles que Crève ou Partie déjà.

Après une première partie du concert plus conventionnelle, la deuxième moitié de la soirée brode dans le laisser-aller. Les éclairages virent au rouge, des pogos se forment sur le parterre et la température monte encore d’un cran, digne d’un vieux concert de Jean Leloup. Les musiciens s’adonnent à de longues minutes de jam sessions de jazz punk, chatouillant parfois le stoner rock, pendant que Rose Perron crie par terre et répète en boucle les mêmes phrases.

La performance ne dure qu’une heure, mais c’est largement assez, le public est conquis.

Le projet n’est pas encore totalement parfait, mais qu’est-ce que le rendu est bon pour des musiciens de cet âge-là. Au vu de la progression fulgurante de Rau_Ze, la proposition gagnera en solidité rapidement et s’imposera sans peine comme l’une des références majeures de cette scène alternative montréalaise. À suivre de très, très près.

Ils seront au MTelus dans trois, quatre ans. Maximum.

Grille de chansons

  1. Montréal chill
  2. L’Habitude
  3. Virer nos vies
  4. Partie déjà
  5. Crève
  6. Revenir
  7. Pas la peine
  8. Sumerset
  9. Crémazie
  10. Parle-moi pas
  11. ACAB

Rappel

  1. Cinq minutes pile
  2. Breakdown

Photos en vrac

Rau_Ze

FELP (première partie)

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