crédit photo: Marie-Emmanuelle Laurin
Patrick Watson

Patrick Watson au MTelus | En apesanteur

C’était beau, tellement. Il avait manqué à cette scène montréalaise, Patrick Watson. Le groupe démarrait sa première série de Métropolis en plus de quatre ans ce jeudi 1er février, présentant des succès de son illustre carrière débutée il y a plus de 20 ans déjà.

Vers 20h40, les lumières s’éteignent.

Le public se tait.

Patrick Watson entame la soirée en force avec un classique de sa discographie, l’excellent The Great Escape, à la mélodie légèrement altérée et aux expérimentations électroniques plus flagrantes.

Un rideau noir cache d’abord les musiciens, les séparant de la vue du public, avant que la toile n’en dévoile une autre, cette fois-ci translucide, accueillant de sublimes projections, encore une fois sur The Great Escape.

Sur scène? Le groupe remanié, la chanteuse La Force et un quatuor à cordes, ajoutant de la richesse harmonique aux compositions de Patrick Watson.

La formation enchaîne avec l’introduction de Wave, Dream for Dreaming, se permettant d’intégrer une reprise de Creep au milieu du morceau, objectivement la plus grande chanson jamais écrite de la plume de Radiohead. [N.D.L.R. : Veuillez adresser vos doléances à fnzv-qryver@fbefgh.pn.]

Patrick Watson poursuit sa prestation en efficacité, avec des arrangements distincts de The Wave ou de Wooden Arms, avant que l’on comprenne : les artistes ne sont pas venus pour présenter en majorité leur plus récente parution, Better in the Shade, le spectacle ne tourne pas autour des sept pièces de l’album paru en 2022.

En soi, le public n’entendra qu’une poignée de morceaux de cette récente offrande, la pièce-titre de Better in the Shade n’étant même pas incluse dans le bouquet, à l’inverse du dernier MTelus de Watson se concentrant majoritairement autour de son album lancé la même année.

La direction artistique du groupe n’est plus la même.

Patrick Watson a évolué.

Patrick Watson affirmait dans les pages du Devoir en 2022 qu’il ne sortirait aujourd’hui plus « en mille ans un album de douze chansons ».

Parce que l’industrie n’est plus la même, parce que le public n’écoute plus des albums en entier, parce que l’artiste craint que certaines de ses pièces se perdent dans la frénésie d’écoutes individuelles.

La décision s’entend et se respecte, mais offre un résultat non pas moins cohérent, mais peut-être un peu moins percutant. Attendre quelques années, comme Watson nous y a habitués, pour un nouveau projet long transforme la parution en un réel événement pour les mélomanes affamés, permettant de s’immiscer de plus belle dans l’imaginaire d’un artiste. Sortir quelques chansons sur une base régulière ne procure pas le même effet.

Après, ce n’est qu’un avis personnel jeté dans une mer d’idées.

 

Rêver les yeux grands ouverts

Outre un manque de nouveauté entourant la setlist du spectacle, un élément bénin presque indirect à la performance, cette soirée en compagnie de Patrick Watson ne compte absolument aucun temps mort ou défaut. À quoi s’attendre d’autre de la part d’un artiste aussi respecté et talentueux que le meneur de la formation.

Quand Watson se place seul au piano pour interpréter To Build a Home, titre de The Cinematic Orchestra sur lequel il prêtait sa voix en 2007, on entendrait une mouche voler.

Quand Watson, Mishka Stein et La Force se placent au-devant de la scène pour chanter à nu Melody Noir, les quelque 2000 paires d’yeux dans le MTelus clignent à peine, essayant de ne pas manquer une miette de la scène onirique.

Quand l’artiste demande successivement à ses musiciens, puis au public, d’imiter des bruits d’oiseaux durant le break de Big Bird in a Small Cage, les sourires fusent sur les lèvres de tous face à cet amas de légèreté et de bienveillance.

Le chanteur ne s’adresse pas énormément à la foule attentive, mais sa musique parle d’elle-même.

Le concert de Patrick Watson tire à sa fin avec Here Comes The River, probablement la meilleure chanson du groupe depuis Good Morning Mr. Wolf, laissant apparaître un faisceau lumineux s’élargissant progressivement, au point de créer un plafond lumineux presque complètement opaque.

La scène est irréelle.

Sans surprise, Patrick Watson revient sur scène en rappel, et invite Klô Pelgag pour interpréter en duo une reprise de Lhasa de Sela. Ça c’est une surprise, par contre.

Les musiciens poursuivent le rappel avec Slip Into Your Skin, avant de présenter, bien évidemment, Lighthouse au public, dans le noir quasi complet. Il est dur de décrire la sensation ressentie. Une légèreté à la limite de l’apesanteur? La nostalgie d’une époque jamais vécue? Le temps se suspend.

Les musiciens clôturent définitivement leur performance en interprétant Sit Down Beside Me, traversant le public de la scène jusqu’au fond de la salle avant de disparaître.

Patrick Watson est un trésor de la scène montréalaise indie, se reposant sur une suite d’albums sans faute, et son spectacle du jeudi 1er février au MTelus s’immisce sans contredit dans la liste des performances les plus appréciées par l’auteur de ces lignes au cours de la dernière année.

 

Du country acadien en avant-propos

En première partie, nulle autre que Lisa LeBlanc foule les planches du MTelus à 20h. La musicienne n’a même pas besoin de s’annoncer que le public lui réserve un tonnerre d’applaudissements.

Lisa LeBlanc raconte que sa venue a été décidée à la dernière minute, suivant un appel impromptu de Patrick Watson, avant de débuter sa courte performance avec You Look Like Trouble (But I Guess I Do Too).

L’artiste se permet des solos effrénés au banjo, accompagné en duo par un musicien au guitarrón, poursuivant avec Gold Diggin’ Hoedown et Kraft Dinner.

« Y’a rien de plus romantique qu’un souper en tête à tête avec du macaroni au fromage », énonce-t-elle avant d’interpréter son succès de la première heure.

Lisa LeBlanc annonce qu’il ne lui reste plus qu’une chanson à présenter, se faisant rapidement interrompre au milieu de sa phrase par Patrick Watson lui-même, sorti des coulisses de la salle, lui demandant d’en interpréter deux.

« Yes boss », dit LeBlanc sous les rires de l’établissement.

L’artiste termine son passage avec 5748 km et Gossip, tiré de son dernier album Chiac Disco.

Une première partie géniale, efficace et bienvenue.

 

Grille de chansons

Patrick Watson

  1. The Great Escape
  2. Dream for Dreaming
  3. The Wave
  4. Wooden Arms
  5. Ode to Vivian
  6. To Build a Home
  7. Melody Noir
  8. Love Songs for Robots
  9. Places You Will Go
  10. Height of the Feeling
  11. how do you know you love a man
  12. Lost With You
  13. Drifters
  14. In Circles
  15. Je te laisserai des mots
  16. Big Bird in a Small Cage
  17. Here Comes The River

Rappel

  1. Is Anything Wrong
  2. Slip Into Your Skin
  3. Lighthouse
  4. Sit Down Beside Me

 

Lisa LeBlanc

  1. You Look Like Trouble (But I Guess I Do Too)
  2. Gold Diggin’ Hoedown
  3. Kraft Dinner
  4. 5748 km
  5. Gossip

 

Photos en vrac

Patrick Watson

 

Lisa LeBlanc

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