Orchestre Métropolitain

Pacte avec le sable de l’Orchestre Métropolitain | Puissant et mémorable

L’Orchestre Métropolitain, dirigé exceptionnellement par la cheffe d’orchestre américaine JoAnn Falletta, présentait trois compositions postromantiques le vendredi 23 février à la Maison symphonique, parvenant avec brio à en faire voir de toutes les couleurs au public attentif. Notons les performances sensationnelles du violoniste Nemanja Radulović et de l’artiste ukrainienne de sand art Kseniya Simonova.

Le programme s’ouvre vers 19h30 avec A Winter Idyll, du compositeur anglais Gustav Holst. L’influence wagnérienne se ressent, la composition s’ouvre avec une séquence solennelle et des passages cuivrés. L’œuvre s’inspire des contrées britanniques chères à l’homme derrière les mélodies : en fermant les yeux, il est vrai que l’on pourrait s’imaginer naviguer à travers les fleuves animés d’une saison morte, mais pas d’un hiver aussi agité que Vivaldi tout de même.

La composition est un brin convenue, mais agit comme une mise en bouche sympathique. Les deux grandes sections du spectacle viendront sans aucun doute éclipser l’ouverture de Pacte avec le sable.

 

Intenable Khatchatourian

Khatchatourian. Sacré compositeur celui-là. Souvent difficilement accessible, mais ô combien jouissif quand l’oreille se permet de recevoir les lignes de ses compositions.

Nemanja Radulović, violoniste franco-serbe, s’est attelé à la lourde tâche qu’est celle de présenter les trois mouvements du cruellement sous-estimé concerto pour violon en ré mineur d’Aram Khatchatourian.

Le soliste prend place sur la scène de la Maison symphonique sous les applaudissements, avant d’entamer les premières notes de la grandiose œuvre. Le contraste avec la première composition présentée est énorme, on passe des gentillettes terres anglaises à la fermeté contemporaine soviétique. Les trompettes attaquent les notes de manières incisives, sous sourdine, pendant que Radulović s’attarde à des lignes techniques et folkloriques.

* Photo par François Goupil – Orchestre Métropolitain.

Arrive la cadence, encore au premier mouvement du concerto. Le violoniste échange avec un clarinettiste de l’ensemble dans le silence le plus total, avant que Radulović ne joue quelques minutes seul. On entendrait une mouche voler, les milliers de paires d’yeux se dirigent vers le musicien soliste et seulement lui : malgré l’interprétation douce, le tendre son du violon s’étend et s’entend jusqu’au fond du parterre. L’acoustique de la Maison symphonique fait encore des merveilles.

Le deuxième mouvement du concerto pour violon en ré mineur, Andante sostenuto, présente évidemment un penchant tout autre de l’œuvre, celui de la traditionnelle section tendre et romantique d’un trois ou quatre mouvements. La séquence débute avec un basson en solo, l’accompagnement rappelle un Satie alors que les lignes mélodiques pourraient rappeler un Dvořák. L’Andante sostenuto est invitant, bien plus mélancolique que le mouvement précédent, avant que le final de l’œuvre, Allegro vivace, ne vienne encore renverser la tendance.

L’Orchestre Métropolitain fait résonner toute la puissance qu’il est capable d’offrir, l’ouverture du troisième mouvement apparaît stressée avant de se rendre dans des avenues folkloriques des terres de Khatchatourian. Le talentueux violoniste et l’ensemble se marient à merveille jusqu’aux dernières secondes, très pompeuses. L’acclamation est immédiate, mais surtout tellement méritée.

 

Grandiose et touchant

Dur de passer après une telle performance enflammée de la part de Nemanja Radulović. Sauf si l’on s’appelle Kseniya Simonova, et que l’on parvient à placer de quelconque manière la barre aussi haute qu’elle ne l’ait été avant l’entracte.

Simonova est une artisane de ce que l’on appelle communément le sand art, une pratique encore méconnue du grand public.

Sous des airs de l’Orchestre Métropolitain, l’Ukrainienne fait aller ses doigts sur une vitre éclairée, filmée en temps réel, créant des tableaux magnifiques et touchants à partir de grains de sable seulement.

L’histoire du jour : La petite sirène (« Die Seejungfrau », dans sa langue originale), du compositeur autrichien Alexander von Zemlinsky, encore plutôt méconnu même des amateurs. On semble mettre le doigt sur une suite logique dans ce Pacte avec le sable : aucune de ces trois pièces ne provient soit du répertoire dit « immanquable » d’un compositeur, soit simplement d’un compositeur considéré comme essentiel pour l’époque (pour Zemlinsky, en l’occurrence).

Et pourtant, pourquoi penser qu’il faut nécessairement présenter chaque année une Ode à la joie ou Les Quatre Saisons. Les « classiques » du classique méritent sans l’ombre d’un doute leur reconnaissance, mais la musique classique est si vaste qu’il ne faut également pas laisser sombrer dans l’oubli ces pièces moins renommées. Chapeau à l’OM pour avoir opté ce vendredi pour la deuxième option, alors.

Revenons-en à La petite sirène d’Alexander von Zemlinsky.

<* Photo par François Goupil – Orchestre Métropolitain.

Pour raconter une histoire, on se sert souvent de la parole, non? Les mots auraient pourtant simplement semblé superflus à l’histoire racontée par Kseniya Simonova.

L’artiste, dont les tableaux sont projetés sur un écran au-dessus de la scène, parvient à dessiner de tout en peu de temps : des visages, des objets, des paysages.

Simonova fait confronter entre eux les personnages qu’elle crée, elle les fait tomber amoureux, ils se mentent. Encore une fois, des mots auraient semblé superflus.

Simplement l’interprétation de l’œuvre de Zemlinsky par l’orchestre aurait suffi, même constat pour l’art de Simonova, mais être parvenu à associer les deux propositions avec un tel sens du timing relève simplement du domaine de l’immanquable.

Il est incompréhensible de voir à quel point l’artiste ukrainienne dessine mieux un tableau en une trentaine de secondes avec du sable que le commun des mortels en une heure avec un crayon.

Sans divulguer l’intrigue, l’aventure mise en image par Kseniya Simonova semble être le reflet de la romance manquée entre Alexander von Zemlinsky et l’amour de sa vie, Alma Schindler (qui a fini par n’épouser nul autre que Gustav Malher plus tard). Un périple ponctué d’amour et de confiance, mais aussi de trahison et de déceptions.

L’OM a certainement produit l’un des spectacles les plus originaux depuis des mois à la Maison Symphonique.

* Photo par François Goupil – Orchestre Métropolitain.

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