Opéra de Montréal | Don Giovanni ravit
L’opéra Don Giovanni de W. A. Mozart affichait salle comble pour sa première samedi soir. La production a bien eu raison de proposer une distribution 100% canadienne qui accueillait Gordon Bintner dans le rôle titre, Daniel Okulitch en Leporello, Alain Coulombe en Commendatore, Layla Claire en Donna Elvira. Emily Dorn (Donna Anna), Hélène Guillemette (Zerlina), Jean-Michel Richer (Don Ottavio) et Stephen Hegedus (Masetto) complètaient l’affiche, le tout accompagné par l’Orchestre Métropolitain sous la baguette du maestro Jordan de Souza.
Le spectacle a commencé dans un brouhaha pénible qui a empêché le public de savourer la magnifique ouverture de l’opéra que De Souza a pris à vive allure. Le lever de rideau a finalement ramené le calme après quelques mesures. Le metteur en scène David Lefkowich a opté pour une mise en scène plutôt moderne, vacillant entre les années 30 et 60 et qui inscrit Don Giovanni en tant que personnage intemporel. Les personnages, toujours en mouvement, s’approprie la totalité de l’espace sans courir d’un bout à l’autre. Les déplacements sont toujours pensés et réalisés avec intelligence. Le décor, plutôt austère, est une mise en garde pour le spectateur : malgré ses nombreux passages comiques qui ont soulevés des rires dans toute la salle, l’histoire de Don Giovanni de Mozart est avant tout un drame moral qui nous touche de près encore de nos jours.
Les éclairages, très originaux, sont réussis dans l’ensemble. On aurait cependant souhaité peut-être un peu plus de luminosité sur les visages au début du premier acte au milieu du décor imposant et sombre. Néanmoins, les lumières teintées de vert pour évoquer les enfers et le Commandatore sont une très bonne idée qui réussit à illuminer la scène tout en lui rendant son aspect dramatique.
Du point de vue des chanteurs, il n’y a pas grand chose à dire : ils sont tous excellents dans leur rôle et la qualité des voix rehaussent fortement le niveau mitigé que nous avions entendu avec Aida plus tôt dans l’année. Cela prouve qu’il n’y a pas vraiment besoin d’aller chercher ailleurs que sur le territoire canadien pour trouver des perles. Ils incarnent avec grande justesse leur personnage et donnent vie à ce grandiose opéra.
Gordon Bintner nous a offert un Don Giovanni séducteur et hautain jusqu’à son dernier souffle. Layla Claire est sublime en Donna Elvira à la fois en colère, tourmentée dans son amour et nous montre toute l’étendue de sa voix légère et claire. Deux autres coups de coeur furent pour Daniel Okulitch qui a incarné un Leporello dévoué jusqu’au bout à son vaurien de maître et qui tentera de le changer tout au long de l’histoire. Son jeu scénique était tout aussi accompli que son travail vocal.
Finalement, Alain Coulombe a subjugué la salle à la fin du deuxième acte avec la puissance et l’autorité de sa voix de basse. Durant tout l’opéra, on a pu sentir une extrême complicité entre les chanteurs qui paraissaient réellement s’amuser pendant leur prestation.
Concernant l’orchestre, De Souza a dirigé la partition de Mozart avec beaucoup de vigueur et de légèreté, en prenant garde à la balance pour ne jamais passer par-dessus les voix. Il n’y avait de toute façon pas de problème de ce côté-ci (excepté à la toute fin, mais c’est aussi l’orchestration qui souhaite ce mélange) tant le niveau des chanteurs était digne des plus grands.
Le seul petit bémol est la malléabilité que propose la musique de Mozart : c’est un piège dans lequel on peut facilement tomber. Par son énergie, de Souza a tendance à tomber parfois un peu trop dans l’excès inverse et à prendre des tempi trop rapides : cela a conduit à plusieurs petits décalages entre les chanteurs et l’orchestre, cependant toujours rattrapés rapidement.
Don Giovanni se donne jusqu’au 19 novembre et c’est absolument à ne pas manquer, pour les connaisseurs comme pour les amateurs : le spectacle en vaut la peine d’un bout à l’autre.
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