crédit photo: Yanick McDonald
Marguerite: Le feu

Marguerite : Le Feu à L’Espace Go | Devenir de bons ancêtres

La pièce « Marguerite : Le Feu », mise en scène par Émilie Monnet et Angélique Wilkie, raconte l’histoire de Marguerite, une jeune femme autochtone revendiquant sa liberté devant la justice québécoise. À travers les voix de trois femmes, ce morceau de théâtre documentaire amène le spectateur à se plonger dans un Québec bien méconnu du XVIIIème siècle, une époque où l’esclavage était un phénomène bel et bien existant.

L’entrée spectaculaire de Madeleine Sarr, Émilie Monnet et Aïcha Bastien N’Diaye ne peut laisser indifférent. Les trois femmes marchent côte à côte, scandant tour à tour des phrases lourdes de sens, dans un discours imagé décriant les violences infligées à Marguerite. Elles habiteront la scène tout au long de la pièce, sous des rangées d’éclairages puissants aux teintes rougeâtres et cuivrés.

* Photo par Yanick MacDonald.

Marguerite Duplessis, de son nom complet, serait l’enfant d’une femme autochtone libre et de M. Duplessis Faber. Après la mort de son prétendu père, alors qu’elle avait 10 ans, elle est vendue à M. Bourassa. Changeant de propriétaires à de multiples reprises, elle arriva un jour auprès de Marc-Antoine Huart Dormicourt qui, insatisfait de son achat, décida de l’envoyer en Martinique afin de procéder à sa vente.

Marguerite réussit à porter sa cause devant la justice afin de revendiquer sa liberté. Malgré ses efforts, elle fut jugée esclave de M. Huart Dormicourt et envoyée dans les Antilles, où sa trace fut perdue.

L’histoire de Marguerite est racontée sous forme d’un théâtre documentaire où surviennent des moments poignants de chant et de danse rappelant les différents lieux qui sont mentionnés dans la pièce. Le centre de la scène est ouvert, craquelé, comme si une éruption volcanique s’apprêtait à survenir. Une toile rappelant la proue d’un bateau reflète les projections qui, malgré tout, s’avéraient parfois triviales. L’interprétation à trois voix et les juxtapositions de celles-ci apportaient une grande puissance au texte, mais le niveau de langue inégal des trois interprètes gâtait parfois l’affaire.

L’aisance vocale et l’agilité articulatoire n’étaient pas uniformes parmi les comédiennes et les paroles perdaient parfois de leur teneur lorsqu’Aïcha Bastien N’Diaye terminait les répliques, qui étaient souvent partagées entre les trois interprètes. Malgré cela, le texte conservait une portée très forte et une grande force d’imagerie. Il faut également mentionner que le travail physique d’Aïcha Bastien N’Diaye est sa matière première et que la richesse de son vocabulaire corporel compense grandement pour quelques phonèmes moyennement exécutés.

* Photo par Yanick MacDonald.

Madeleine Sarr et Émilie Monnet ont brillé à de multiples reprises lors de cette performance et ont transporté le public dans d’immenses monologues trépidants du début à la fin. Madeleine Sarr a notamment défilé avec une adresse et une facilité déconcertantes, les noms des familles ayant été propriétaires d’esclaves au Québec. Tous les noms de politiciens y sont passés, et oui.

Marguerite : Le Feu fait partie d’une triade artistique regroupant une baladodiffusion, intitulée Marguerite : la pierre et un déambulatoire à venir cet été intitulé Marguerite : la traversée. Un extrait de la baladodiffusion est présentée pendant la pièce, alors que les trois comédiennes sont assises dans le noir. Le tout survient proche de la fin du spectacle et, bien que les projections et les extraits choisis ne soient pas très marquants dans l’ensemble, une phrase-clé est ressortie de cette écoute : « On essaye nous aussi d’être de bons ancêtres ».

Marguerite Duplessis a certainement créé un précédent pour les femmes autochtones et pour les esclaves de cette époque, malgré sa défaite devant la justice. Et c’est là où la phrase prend tout son sens. Émilie Monnet tente de ne pas faire sombrer dans l’oubli des moments de l’histoire qui sont souvent trop rapidement oubliés, pour toutes les Marguerites d’ici et d’ailleurs.

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