crédit photo: Pierre Langlois
L'RAIN

L’Rain au Ritz PDB | Un voyage sonore exaltant

L’expression voyage sonore n’aura jamais autant collé qu’à la prestation de L’Rain ce mardi soir : cela s’apparente davantage à une performance avec différents tableaux musicaux qu’à un concert de forme classique où les chansons s’enchaînent l’une après l’autre. Un voyage extatique sur une musique à tendance soul expérimentale.

J’avais découvert L’Rain au détour d’un classement de fin d’année 2023 dans le magazine Premier Guitar, le seul magazine de guitare à se soucier de la diversité musicale de notre époque. Intrigué par le peu que j’avais entendu, je me suis rendu au Ritz PDB moyennement plein pour découvrir le phénomène.

Et je n’ai pas été déçu. Sur scène, de gauche à droite, il y a un guitariste aux allures de Marvin Gaye sous acide dont le jeu, très précis et sans faille, oscille entre Thurston Moore de Sonic Youth et The Edge de U2. En arrière, un batteur très dynamique. L’Rain est au milieu entourée de pédales de guitare au sol et d’un pédalier d’orgue pour jouer des basses. Devant elle, un microphone relié à diverses boîtes sonores posées sur un plateau. L’Rain alterne entre une basse et une guitare aux connexions complexes. À droite de la scène, on trouve un autre musicien qui alterne guitare et basse et assure des chœurs puissants et de toute beauté avec la voix de L’Rain. Et pour finir, un claviériste encadré de plein de machines et qui ponctue les morceaux avec un saxophone ténor, souvent passé à travers différents traitements sonores.

Comme on le voit, la formation n’a rien d’ordinaire. Et le résultat ne l’est pas davantage. Cela m’a rappelé certains concerts du saxophoniste new-yorkais Steve Coleman où l’on ne sait plus vraiment où est la structure du titre et si l’on est en improvisation totale avant de rebondir sur une trame commune. La musique de L’Rain s’apparente à un mélange de voix très soul sur une musique qui hésite entre noise, psychédélisme et jazz contemplatif aux harmonies contemporaines.

L’évènement commence avec des hurlements de loups où le public est convié à partager l’expérience et à accompagner le titre de ses propres hurlements. L’Rain part à vocaliser plus qu’elle ne chante, avec un effet d’auto-tune et les guitares se mélangent, avec une approche souvent plus bruitiste que mélodique. La basse est paradoxalement très groovy et dansante. Ça danse rapidement dans le public, suivant le rythme décadent des ambiances.

Cela n’a rien de standard mais on se laisse emporter dans la vague sonore qui nous est proposée et la soirée passe en un coup de vent, heureux de la découverte et du maelström organisé des instruments. Il y aura un rappel avec un nouveau titre où les guitares s’en sortent avec quelques cicatrices et les instruments finissent étalés au sol dans un larsen finale, qui est dans ce cadre beau, alors qu’il apparaît souvent ailleurs convenu et sans surprise.

L’expérience sonore auquel on a assisté ce soir a été particulière et unique. Un moment de beauté surprenant qui navigue entre beauté organisé et improvisation brute. L’Rain ne fera sûrement pas l’unanimité mais une approche aussi personnelle demande de s’ouvrir pour en apprécier le plein potentiel. Une soirée rare, à la fois hors norme et surprenante où l’on en sort avec un sourire béat de contentement.

Yves Jarvis, toujours aussi déconcertant et attrayant

Une première partie bien choisie avec Yves Jarvis en solo. Je l’avais découvert en 2015, en première partie d’Arto Lindsay et que j’ai entendu plusieurs fois lorsqu’il habitait à Montréal et qu’il officiait sous le nom d’Un Blonde.

Encore une fois, c’est un style difficile à définir, une sorte de soul expérimental, plutôt reggae sur un titre, parfois plus pop, et souvent accompagné de pistes pré-enregistrées. Il joue sur une guitare bas de gamme, de forme Explorer que l’on retrouve davantage dans le hard-rock, surtout avec une finition qui essaie se rapprocher des graphismes d’Eddie Van Halen. Une guitare qui à tendance à sonner faux et demande un accordage régulier. Ça donne une bonne idée de l’attitude du personnage et de son approche des instruments.

Jarvis offre des morceaux TDAH pour reprendre l’expression de Pierre, notre photographe de la soirée : en effet, les titres fourmillent de mille idées et il est difficile de savoir où l’on s’en va. Et ça finit souvent de manière très abrupte. Le tout avec une voix chaude et un jeu de guitare nerveux et direct.

Une musique particulière qui ne laisse pas indifférent et qui m’attire toujours malgré les reproches précédents.

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