Les Vulgaires Machins au MTelus | Une soirée au panthéon du punk rock

Les arbres se dévêtent de leur manteau de couleur. Des aiguilles de givres s’accrochent aux structures sociales, environnementales et économiques. C’est novembre, on a un grand besoin de chasser le spleen. Hier, lors de ce qui était peut-être la plus grandiose des soirées rock de l’année, Les Vulgaires Machins, NOBRO et DVTR ont fait le ménage de nos méninges remplies de grisailles à coup de vadrouille trempée dans une chaudière d’acide caustique et abrasive. Ça a fait grand bien.

Libérer les mœurs

En avril dernier, on découvrait D’où vient ton riz (DVTR) par ces simples mots: « DVTR, Ça libère, Les mœurs ». Cette phrase de leur simple éponyme était annonciatrice d’un projet de post-punk enflammé et allègrement caustique. Un projet nerveux où les voix des deux protagonistes, Demi Lune (Laurence Giroux-Do) et Jean Divorce (JC Tellier) alternent et nous balancent des paroles à première vue abstraites et absurdes, mais pas vides de sens si l’on s’attarde à les déchiffrer.

Sur album, en vidéo et sur scène, DVTR c’est la sambuca qu’on décide de flamber dans sa bouche au last call, le feu d’artifice qu’on allume à la torche, le chemin de fer qu’on traverse les yeux fermés au son du train qui s’en vient. C’est dangereux, mais on aime ça.

Musicalement, DVTR c’est un mélange de l’énergie du groupe feu Les Secrétaires Volantes, du délire des B-52’s et de l’abrasivité des textes de Marc Drouin dans Pied de poule. Un morceau d’ailleurs repris hier par DVTR et qui leur va comme un gant chirurgical.

Sur scène, il est facile d’être obnubilé par la complicité du duo formé de Giroux-Do (Le Couleur) et de Tellier (Gazoline). Un juste mélange de charisme et de démence. Une attraction qu’on constate peut-être fatale, alors que Demi Lune habillée d’une jaquette d’hôpital bleue et coiffée d’un bandeau de ninja accouche d’une très grosse figurine de E.T.

En plus d’avoir été, à ce qu’on sache, l’occasion de s’offrir la plus grande scène de leur très jeune histoire, hier c’était aussi l’occasion pour DVTR de souligner la sortie de leur premier microalbum, Bonjour. Un microalbum composé, entre autres, des excellents Vasectomie et Crématorium.

On avait vraiment hâte de les découvrir sur scène et on ne fut certainement pas déçu. DVTR contient tous les ingrédients pour en faire un groupe culte, de la dance punk, des paroles en français déroutantes et incisives et une présence scénique incomparable.

“Les States, c’est ça, l’objectif”

NOBRO, vous l’aurez deviné, c’est un groupe composé entièrement de pussy, en référence à leur dernier album Set Your Pussy Free paru en octobre dernier. Il est composé de Kathryn McCaughey (voix), Sarah Dion (batterie et basse), Lisandre Bourdages (claviers, percussions et batteries) et Karolane Carbonneau (guitare). De solides musiciennes aussi membres de groupes bien établis comme Les Shirleys et comment debord.

Jadis, on aurait dit que NOBRO est un solide band de punk… féminin. Heureusement, en 2023, on est ailleurs. En boutades, on oserait dire que NOBRO devrait devenir le nouvel étalon de ce qu’est le punk rock. Tout autre groupe constitué uniquement de chromosomes XY devrait être qualifié de « bon, pour un groupe punk rock masculin ».

En tous les cas, hier, les filles de NOBRO nous ont démontré qu’elles sont de solides musiciennes. McCaughey a la voix et la dégaine d’une reine punk prête à conquérir tout un univers. Dion pioche sur sa batterie comme si elle était le moteur d’une fusée remplie des lourds riffs de guitare de Carbonneau, et le jeu de percussions de Bourdages nous fait oublier que les bongos ne sont pas un instrument typique des groupes punk.

NOBRO c’est de l’artillerie lourde, le genre de matériel bâti pour conquérir du territoire américain. Récemment, elle déclarait: « Les States, c’est ça, l’objectif ». Que leur rêve se réalise!

Les Vulgaires Machins, un dôme où l’espace-temps s’est arrêté

Ça fait presque 30 ans qu’ont été formés Les Vulgaires Machins par Guillaume Beauregard et Marie-Ève Roy. Les hymnes qui ont fait leur succès ont parfois plus de 20 ans. La prestation de NOBRO aurait pu donner une teinte beige nostalgique à n’importe quel groupe né dans les années 90 qui les suivait. On n’avait pas vu les VM depuis leur retour sur scène, alors plusieurs craintes nous ont envahis en attendant qu’ils montent sur scène.

Premier signe qu’on ne serait pas déçu, leur dernier album, Disruption, paru en 2022 est franchement de qualité. Un album resté près de l’ADN critique et contestataire des Vulgaires Machins (Liberté), mais bonifié de nuances et moments plus introspectifs réussis (Vivre).

Deuxième signe encourageant. La fougue est toujours là. Ça s’est entendu aussitôt que Patrick Landry s’est mis à la batterie, y allant d’un solo percutant comme pour dire haut et fort que Dion ne pouvait pas encore réclamer le trône de la batterie la plus incisive. Tout au long des 23 titres de leur prestation, Les VM ont montré qu’ils sonnent toujours comme une tonne de brique et que leurs paroles revendicatrices et dénonciatrices n’ont (malheureusement) pas pris une ride.

On est rassuré, Les Vulgaires Machins ont passé l’épreuve du temps.

Qu’en est-il de son public?

Ça relève d’un tour de force. Les Vulgaires Machins ont réussi à créer autour d’eux un dôme ou l’espace-temps s’est arrêté. Tous et toutes ont retrouvé, le temps d’une soirée au moins, leur fougue d’antan. Le parterre chantait à tue-tête et ça brassait jusqu’à la console de son en arrière. Preuve que la magie des VM nous a vraiment ramenés 20 ans en arrière, on a même eu le droit à un moment touchant où des dizaines de briquets (des vrais là, avec du feu) se sont allumés. Les VM n’ont pas été beiges, mais d’un rouge écarlate, le rouge de la révolte.

Après une soirée où plusieurs générations de groupes locaux de rock bien solides sont venues nous montrer ce qu’ils avaient dans le ventre, on est sorti se disant (encore) qu’il se passe quelque chose de vraiment excitant du côté rock au Québec.