Les héros

Les Héros au Théâtre Jean Duceppe | Guerres d’orgueil

À quelques jours de la grande fête rassembleuse de Noël, le Théâtre Jean Duceppe se penche sur le quotidien de trois vétérans croupissant dans un hospice pour anciens combattants, injustement abandonnés par leurs proches.

En plein mois d’août de l’année 1959, un trio d’amis ayant vécu la Première Guerre mondiale s’isole sur la terrasse d’une résidence. Les évanouissements fréquents de Philippe (Marc Legault) causés par un obus logé dans son cerveau, les petites colères du chialeur Gustave (Guy Mignault) et les promenades d’Henri (Michel Dumont) en ville entrecoupent des discussions sur le sens de la vie. Pour tromper l’ennui, ces hommes planifient un pique-nique sous les peupliers surplombant au loin l’horizon. Est-ce que cette expédition pourra avoir lieu malgré les troubles de santé des comparses?

Photo par Caroline Laberge

Photo par Caroline Laberge

Adaptation du texte de Gérald Sibleyras baptisé Le vent des peupliers, l’œuvre aborde la perte de liberté, les blessures morales et physiques de la guerre, les pulsions sexuelles et le manque d’affection. Henri, Philippe et Gustave font des blagues sur leurs travers, s’apitoient légèrement sur leurs sorts, parlent franchement de leurs problèmes et s’inventent une famille. Ces êtres perçus avec raison comme des héros au moment d’aller combattre redeviennent de simples citoyens une fois de retour au bercail.

Cette triste réalité peu explorée reçoit ici un traitement sensible et sincère. Pour tenter de retrouver leur vitalité d’autrefois et se sentir utile, le trio s’imagine pulvériser leurs tracas avec des barbelés et des mitraillettes comme s’ils étaient encore sur le terrain. Ces fabulations mêlent habilement humour et sérieux. On ressent le désarroi de ces hommes qui ne cherchent qu’à avoir un semblant de vie normale.

À travers un portrait brutal sur l’âgisme, Les héros brosse également des réflexions pertinentes sur l’importance de rêver. Henri, Philippe et Gustave savent pertinemment qu’ils n’ont plus la force de faire un voyage à l’extérieur de la résidence. La préparation de l’expédition, même si elle est vaine, leur permet de trouver une raison de mordre de la vie et d’assumer leur vieillesse dans une vision plus sereine que celle prodiguée par la société.

Campée dans un décor rustique fort invitant, la mise en scène épurée de Monique Duceppe est savamment servie par des éclairages percutants dans leur simplicité et une trame sonore de Christian Thomas à saveur française qui procure à la fois joie et nostalgie. Comme l’oeuvre ne renferme pas une intrigue haletante, elle aurait gagné à être raccourcie. Les dialogues tournent parfois en rond et l’intérêt se dissipe en fin de parcours. Ceci dit, les personnages demeurent attachants et touchants tout au long. Chaque comédien obtient au moins un moment de gloire pour faire rire à chaudes larmes et émouvoir. La complicité que ces vétérans du jeu partagent réchauffe le cœur.

Drôle et charmante, la pièce Les Héros sensibilise à la vieillesse et à l’importance de notre imagination.

Photo par Caroline Laberge.

Photo par Caroline Laberge.

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