crédit photo: Antoine Saito
Orchestre Symphonique de Montréal

La Quatrième symphonie de Bruckner par l’OSM à la Maison symphonique | Imagé, mais parfois conventionnel

L’Orchestre symphonique de Montréal donnait la semaine dernière deux représentations de la Quatrième symphonie du compositeur autrichien Anton Bruckner. La pièce In the Half-Light, de la compositrice canadienne actuelle Zosha Di Castri, était présentée plus tôt dans la soirée.

À 19h30, Barbara Hannigan, vêtue d’une belle robe rouge, se place entre Andrew Wan et Rafael Payare. Réelle icône du classique des temps modernes, l’immensément talentueuse soprano et cheffe d’orchestre canadienne s’est payé au mois de février une résidence à l’OSM.

Hannigan avait réalisé quelques jours auparavant l’exploit insensé de diriger l’orchestre et d’à la fois chanter la partition de La voix humaine de Francis Poulenc, retransmise en temps réel sur un écran par trois vidéastes.

C’est cette fois-ci la composition d’une consœur canadienne In the Half-Light qui sera interprétée par l’orchestre et la soprano. Barbara Hannigan avait d’ailleurs participé à la création de la pièce de Di Castri avec l’Orchestre symphonique de Toronto, deux ans auparavant.

* La Maison symphonique, en 2019. Photo par François Goupil.

In the Half-Light touche souvent davantage à de l’atmosphérique qu’à ce que beaucoup pourraient communément appeler de la « musique » (sans que ce soit un reproche). Le genre de partition où il faut fermer les yeux et faire naître des images dans sa tête pour pleinement apprécier la composition. Difficile de s’illustrer sur une telle musique, mais Barbara Hannigan s’en sort tout de même avec brio : d’abord quelque peu enterrée par l’orchestre pendant les premières secondes, la soprano prend sa place plus la pièce avance, chantant en anglais, et parfois en français. Le texte est projeté derrière l’orchestre en même temps. Certaines attaques impromptues des musiciens, parfois en onomatopées pour la chanteuse, pourraient rappeler L’Oiseau de feu d’Igor Stravinsky.

In the Half-Light comporte sept mouvements (pour seulement vingt-huit petites minutes), inspirés par la réalité migratoire ou le sentiment d’appartenance. Les percussions peuvent évidemment s’en donner à cœur joie, usant d’instruments pas toujours mis en valeur comme le carillon, le triangle ou le sifflet de train. Ça ajoute une couleur agréable, accentuant le caractère imagé de l’œuvre de Di Castri.

Forcément, le contemporain s’avère un genre très difficilement accessible à l’oreille moyenne, mais la performance de l’extraordinaire Barbara Hannigan est à saluer.

 

Le plat de résistance

En deuxième lieu, Payare et les musiciens de l’OSM se sont jetés sur la Quatrième symphonie de Bruckner, dite la « Romantique ». Et peut-être que c’est ça, justement, qu’il manquait à l’interprétation de l’œuvre. Il manquait un peu de cœur, de passion, de tendresse. On n’appelle pas une œuvre « romantique » sans raison.

Sur le premier mouvement de la symphonie, Allegro, un cor introduit le thème sur une note parfaitement atteinte d’emblée. Mais ce ne sera pas toujours le cas : plus les dizaines de minutes de la symphonie s’écoulent, et plus la section semble fatiguée. Les attaques ne sont pas toujours justes.

Après quelques minutes plutôt calmes, l’orchestre vient chercher toute sa puissance, la partition mettant en valeur la section de cuivres. Le premier mouvement aurait tout d’une symphonie à lui seul, variant autant les séquences romantiques que puissantes, dépeignant autant une cité médiévale que la nature de la campagne.

Et voilà, l’influence typique de la Neuvième symphonie de Beethoven, ou encore, davantage dans l’époque de Bruckner, de l’œuvre magistrale de Richard Wagner.

* Photo par Antoine Saito.

Le deuxième mouvement de la Quatrième symphonie débute avec des sonorités saccadées aux cordes : aucun grand thème marquant n’est à remarquer, plus une succession d’airs distincts. Le lied du Andante quasi allegretto devrait encore compter sur plus de cœur de la part des musiciens. Surtout quand le mouvement évoque l’Amour repoussé, le sous-titre de la séquence.

Le troisième mouvement de la symphonie de Bruckner vient marquer une différence avec le mouvement précédent : la dizaine de minutes du segment se repose un même motif. Les cuivres s’ajoutent, répètent tout au long du mouvement les quelques notes du même rythme qui caractérisent ce Scherzo. Après avoir navigué à l’extérieur de la cité, la séquence rappelle l’entrée du roi, de ses chevaliers et du reste de l’armée, accueillis par les simples paysans et marchands.

D’ailleurs, toujours un plaisir de voir diriger Rafael Payare : le chef d’orchestre sautille, se met sur la pointe des pieds, se courbe pour venir « parler » à ses musiciens. Payare sait s’adapter à l’éclectisme de l’œuvre.

La Finale de la symphonie est à l’image du premier mouvement : aussi romantique que solennel et puissant. Les cordes s’emballent sur des trémolos, les cuivres ponctuent par des attaques senties et marquées. La puissance de l’orchestre s’étend partout à travers la Maison symphonique jusqu’aux ultimes secondes. Payare descend les bras, les musiciens se relâchent.

* Photo par Axel Drainville.

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